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25 novembre 2013 1 25 /11 /novembre /2013 17:27

Gérard Mordillat (L’Humanité, Le Grand Soir) Il y a désormais en France deux partis de droite. Un parti à tendance néofasciste, l’UMP à la sauce FN, et un parti néolibéral qui ne porte plus le nom de socialiste que par paresse.

Avant de voter, si nous posons la question : qu’avons-nous de commun avec les «  socialistes  » du gouvernement ? La réponse est meurtrière : rien. Qu’ont-ils de commun avec messieurs Sarkozy, Copé, Fillon et leurs amis ? La réponse est assassine : presque tout. Ce qui les distingue ne sont que des postures au grand théâtre de la politique spectacle. Les uns jouent à être de gauche, les autres à être de droite, mais tous chantent en chœur la rengaine thatchérienne «  il n’y a pas d’alternative  », sont les thuriféraires du capital, de la propriété privée.

 

 

Que se passe-t-il en Grèce ? Une dérive pour le moins autoritaire, une répression permanente, quasi-systématique des mouvements sociaux, la mise à bas d’un pays qui sombre dans une crise humanitaire. Responsable de Syriza à Paris, Vangelis Goulas a fait parvenir à l’humanite.fr un texte dans lequel il analyse la situation dans son pays. Il en appelle à la résistance.

Quinze mois après le verdict du peuple grec, qui, dans les urnes, a ordonné l’annulation  du mémorandum, qui a ordonné de mettre fin aux mesures d’austérité brutales et inefficaces, maintenant nous sommes tous au courant que le gouvernement de Samaras a échoué !

Le Parlement a perdu les dernières traces d’une relative autonomie face aux financiers ; le Gouvernement est soumis aveuglement aux dictats de la troïka après avoir perdu toute souveraineté en votant le mémorandum, cet accord qui traite la Grèce comme une Compagnie et non pas comme un pays, traite les Grecs comme des salariés prêts à être licenciés au nom de la compétitivité de l’économie, traite les Grecs comme une main d’œuvre qui coûte chère et non pas comme des citoyens. [Je me demande si on ne pourrait pas dire la même chose de la France et des Français].

 

Jacques Généreux est sur la même ligne (Rue 89) : Ce n’est pas l’Europe qui a tué la gauche, mais l’inverse : la gauche a tué l’Europe. Elle n’a pas « accepté un carcan », elle l’a mis en place. En 1997, lors de la discussion du traité d’Amsterdam, treize pays sur quinze sont gouvernés par des social-démocrates ou des socialistes. Il existait alors un rapport de force politique qui aurait pu permettre de réorienter le projet européen vers plus de coopération, de solidarité...

La coopération, la solidarité, c’était justement l’argument principal des partisans de la monnaie unique en 1992 – dont j’étais. A l’époque, il s’agissait de mettre fin à la spéculation sur les taux de change. Et on pensait que la monnaie unique forcerait les pays membres à aller vers plus d’harmonisation fiscale et sociale et plus de solidarité budgétaire. Le pari des progressistes était que la gauche, lorsqu’elle disposerait d’un rapport de force favorable, pourrait engager l’Europe vers cette nouvelle étape.

Mais la réalité a été différente. Parce que dans le même temps, la nature de la gauche dans les grands partis socialistes et sociaux-démocrates s’est radicalement transformée.

Dès lors, quand la gauche se retrouve au pouvoir en 1997, il ne se passe rien : elle accepte la logique de la concurrence fiscale et sociale, la logique de la compétitivité, seule à pouvoir, selon ces partis, créer de la croissance et permettre de résister à la mondialisation.

En faisant entrer des pays avec des salaires trois ou quatre fois inférieurs, on créait un espace de compétition très dur. C’est la gauche qui a fait cela, au nom de ce qu’elle appelait « l’impératif de compétitivité ».

 

Alain Bauer s’exprime sur les armées du crime (Marianne) :

Bandits, escrocs, « gangs terroristes », fanatiques et assassins forment une criminalité organisée dont les actions, écrit le criminologue, sont devenues « de véritables opérations militaires, disposant de moyens de plus en plus modernes et capables de se confronter aux forces les plus structurées, et pas seulement dans des Etats totalement délabrés ».

 

La force de ces « armées » du crime, c'est d'avoir anticipé la mondialisation.

 

« La globalisation et le crime ont progressé ensemble, parallèlement, puis par interconnexions directes, chacun nourrissant l'autre », écrit Bauer. Au fil des ans, on est passé du voyant Al Capone, grand bénéficiaire de la prohibition de l'alcool, et du provocateur Pablo Escobar, tonitruant trafiquant colombien, à des organisations criminelles qui ont appris à se faire oublier, dissimulées au cœur de la finance mondiale.

 

 

Le "selfie", autoportrait photographique réalisé avec un téléphone portable puis mis en ligne sur les réseaux sociaux, a été choisi comme le mot de l'année 2013 par les Dictionnaires d'Oxford, ouvrages de référence en langue anglaise, nous apprend Le Nouvel Observateur.

Les "Oxford Dictionaries" ont trouvé que l'usage du terme "selfie" avait augmenté de 17.000% sur les 12 derniers mois.

Les réseaux sociaux ont contribué à populariser le terme.

En août dernier, un "selfie papal" avait fait le tour du net, montrant le pape François posant au sein d'un groupe d'adolescents dont l'un avait pris ladite photo à bout de bras avec son téléphone.

 

Bref, on s’amuse… Surtout avec soi-même Preuve que le temps est plus que jamais à l’individualisme.

 

 

Revue de presse (76)
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24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 09:32

Fils d’un joailler et de l’actrice Renée Saint-Cyr, qui tourna avec Jacques Tourneur, Sacha Guitry ou René Clair, Georges Lautner appartenait à la bourgeoisie parisienne très établie.

 

Élève du lycée Janson-de-Sailly, il avait quatorze ans à la déclaration de guerre. Il ne fallait pas s’attendre à ce que les circonstances fassent de lui un Jean Moulin, ou même un Guy Môcquet.

 

Voici comment la page Wikipédia qui lui est consacrée – et qui ne lui est pas hostile – parle de sa guerre :

 

« Durant la Seconde Guerre mondiale, il est scolarisé au lycée Janson-de-Sailly. Malgré cette période difficile, il essaie de préserver une jeunesse fêtarde, puis se sentant concerné par ce qui se passe en France, il n'hésite pas à venir observer de plus près les événements dans la capitale, ce qui ne manque pas de développer son sens critique. »

 

J’ai rarement lu quelque chose d’aussi tournant-autour-du-potesque.

 

À sa mort, la profession a dit de Lautner qu’il fut un grand cinéaste populaire. C’est parfaitement exact. Mais on n’est pas vraiment surpris de constater que cet artiste venait de la bonne bourgeoisie et d’un milieu idéologiquement pseudo dégagé. Cela pose le problème de la représentation de la société, des classes sociales, du monde ouvrier, sur laquelle je reviendrai dans ma prochaine note (ne zappez pas) sur la grève.

 

PS : Pour un film très sombre et très prenant de Lautner, voir ou revoir La Maison assassinée avec Patrick Bruel.

 

 

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18 novembre 2013 1 18 /11 /novembre /2013 09:03
Les OGM enseignés aux petits Canadiens
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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 07:39

Lyon : troisième ville de France, deuxième agglomération, capitale des Gaules. Dans les publications officielles de cette belle cité, lorsqu’on utilise la langue française, c’est à contre cœur. La langue du fric, le sabir anglo-étasunien est tellement plus branché, plus in.

 

J’ai sous les yeux Lyon citoyen (octobre 2013), organe officiel de la ville de Lyon. En page 6, dans le courrier des lecteurs, une Lyonnaise s’insurge (poliment, nous sommes à Lyon) contre le massacre officiel de la langue française : « OnlyLyon est un slogan génial. Mais est-ce une raison pour en faire un usage abusif ? OnlyMoov, qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que LyonTrafic n’était pas plus significatif ? » On parle ici de circulation routière (trafic est un anglicisme), et Lyon utilise, avec Moov, un mot qui n’existe pas en anglais mais qui fait anglais. Naturellement, la rédaction de la revue justifie cette barbarie au nom de l’accroissement des connexions informatiques (le buzz ?). Page suivante, le maire évoque les « industries créatives » (creative industries) alors qu’il veut parler d’industries innovantes ou innovatrices. Le même maire nous dit que Lyon a été « classé (sic) 8e ville la plus innovante du monde ». Autre anglicisme, « sportif » cette fois (the third best performer in the world »). La précision « plus » est inutile, sauf si Lyon était la huitième pire en matière d’innovation.

 

Page suivante, pas d’anglicisme cette fois, mais l’horripilant usage du verbe « porter » : des opérations lourdes sont « portées » par le Grand Lyon. Porter des opérations ! Comme disait Hugo, la forme, c’est le fond qui remonte à la surface. Je dirai dans cette optique que les pratiques militantes ont commencé à avoir du mou lorsque – il y a dix, quinze ans, environ – les responsables politiques de gauche ont mis le verbe “ porter ” à toutes les sauces. D’abord les socialistes, puis les communistes, la CGT, même l’extrême gauche. Ainsi, on « porte une revendication », on « porte un programme », ce qui ne veut rien dire, mais ce qui fait très « partenaire social ». Comme si on portait des fleurs ou des escarpins. On a donc cessé de « défendre » une revendication (ou de la « soutenir »), on a cessé de vouloir « imposer » un programme. Quand on fait passer des mots à la trappe, ce sont les idées que ces mots incarnent (et non pas « portent ») qui disparaissent.

 

Lyon a lancé un programme de voitures électriques (confié à Bolloré, le nouveau milliardaire ami des Solfériniens). Ce programme s’intitule « BlueLy » (une création langagière très subtile, mais en anglais) et on peut voir désormais dans la ville 130 Bluecar (sans marque du pluriel, même s’il y en a 130). Ailleurs, un festival artistique, qui explore toutes les formes d’improvisation, s’appelle le Festival Spontaneous. Il accueille cette année des Québecois, sûrement très sensible à cet abâtardissement de la langue française.

 

Puis, on passe à des développements où l’on s’excuse d’expliquer aux ploucs lyonnais ce qu’on a intitulé en anglais : « À la Confluence, c’est dans le cadre du démonstrateur “ Lyon smart community ” (ville intelligente) qu’est désormais ouvert aux riverains et entreprises Sunmoov » (après OnlyMoov, Sunmoov). Il y a aussi le « co-working », dont on a l’infini bonté de nous expliquer qu’il s’agit de travail partagé. Le co-working fonctionne en particulier dans les « data centers » (orthographe étasunienne), qu’on traduit – fort bien – par « centre de traitements de données ». Quand des Français s’adressent à des Français, il faut bien traduire, non ?

 

Enfin, on en arrive à des formulations incompréhensibles : « Lyon attendue au Design Tour ». Titre incompréhensible au néophyte. La municipalité a une excuse : ce « Tour » vient de Bordeaux. J’aime bien aussi ceci qui me fait penser à des araignées en folie : « Les acteurs locaux de la toile sont réunis pour un “ BLEND WEB MIX ” afin de partager leur expérience. » Les édiles prennent soin de préciser que ce mélange « n’exclut pas la concurrence ». On respire : l’idéologie libérale n’a pas déserté la région Rhône-Alpes. Ajoutons qu’en matière de Web Lyon connaît un « Webby-boom ». Ce boom engendre (et non « génère ») le charabia : « Au premier rang des “ boosters ”, le pôle de compétition Imaginove, le cluster Edit (filière logiciel), Rézopôle » etc. Toujours dans l’incompréhensible pour le plouc de base, on apprend que les Nuits sonores ont suscité la « Web explosion ». « Deux stars du mix ont travaillé dans un “ boiler room ” [une bloiler room n’est rien d’autre qu’une chaufferie, une salle des chaudières]. L’animateur Vincent Carry, qui a pris pour surnom Arty Farty (j’imagine qu’il sait que cela signifie « le péteux apprêté ») a généré (sic) 42 000 visites sur le site dédié (marre de cette utilisation du verbe dédier, qui n’est même pas anglaise !). Même Patrick Penot, grande figure de la culture lyonnaise, nous dit que le « one shot n’est pas notre fonds ». Cette expression est surtout utilisée, en anglais contemporain, pour exprimer qu’on n’a pas pu tirer plus d’un coup avec une partenaire.

 

Bien triste, tout cela.

Quelle langue parle-t-on à Lyon ?
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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 18:34

Je terminerai cette incomplète histoire des débuts du Thatchérisme par un mot sur la démographie. La Grande-Bretagne est un vieux pays, mais aussi un pays de vieux. En 1980, 20% de la population avait plus de 60 ans (contre 15% en 1950). Le taux de fécondité était de 1,9 enfants par femme, alors qu’il en faut 2,1 pour que la population ne régresse pas. Les enfants du « baby-boom » ont fait peu d’enfants, qui, eux même, en ont fait assez peu.

 

Dans les années cinquante, les décideurs se préoccupèrent d’un partage plus juste du revenu national et d’une bonne protection des individus. Dans les années soixante, les problèmes de technologie, de modernisme, de productivité furent au premier plan. Les années soixante-dix virent la croissance ralentir. Durant les années quatre-vingts, le tissu social craqua de toutes parts. 7 000 000 d’emplois disparurent en trois ans. Le chômage couta 16 milliards de livres par an bien que l’indemnisation fût l’une des plus faibles d’Europe. En 1985, 4 000 000 de familles anglaises vivaient de l’assistance publique.

 

Le discours thatchérien contre les oisifs et les irresponsables, les appels aux sentiments populistes, visa essentiellement à faire accepter comme naturel les privilèges des nantis. Une des contradictions économiques de Thatcher fut d’avoir prôné l’initiative dans les industries manufacturières tout en privilégiant la rente du capital. Elle ouvrit le pays comme jamais à la pénétration des industries et des capitaux étrangers sans investir de manière productive.

 

 

Le chômage s’universalisa. Alors que dans la grave crise des années trente il avait concerné principalement des hommes déjà entrés dans la vie active, la politique thatchérienne engendra un chômage de masse chez les jeunes des deux sexes, créant une classe de déshérités fascinés par le consumérisme. Une économie souterraine considérable se développa au sein de jeunes adultes qui s'approprièrent à leur manière l’esprit et la pratique entrepreneurials.

 

Le poison thatchérien s’est répandu dans toute la classe politique. Comme Thatcher fit très peu de concessions, elle obligea les travaillistes et les libéraux à se rapprocher de son discours et de ses solutions. Tous finirent par accepter la fin des solidarités sociales, la fragmentation du marché de l’emploi. Bien des travailleurs la rejoignirent car elle avait baissé leurs impôts (même si elle tomba à cause d’un impôt, la poll tax, cette capitation provenant de l’Ancien Testament) qui frappait les foyers sans distinction de revenus), parce qu’elle leur avait donné l’illusion qu’avec elle ils pourraient travailler plus pour gagner plus. Comme l’écrivait François Poirier, « elle a fait passer le pays des valeurs conservatrices d’un système aristocratique, où l’inégalité et le hiérarchie se mâtinait de bonne volonté philanthropique, à un système méritocratique très agressif, dont les résonnances populistes constituent un appel au combat de chaque individu. »

 

Plus que tout autre responsable politique européen de premier plan, elle a davantage impulsé ou précédé les changements socio-économiques qu’elle ne les a freinés. Dans l’intérêt des puissants. Systématiquement.

 

(En fichier attaché, la totalité de ce feuilleton)

 

 

 

 

 

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 07:09

Dans son éditorial, Paul Ariès dénonce la loi solférinienne sur la métropolisation, qui va permettre d’en finir « avec une page essentielle de notre histoire politique démocratique. » Il donne un exemple concret : « Une des premières mesures de la Métropole marseillaise serait de supprimer, par souci d’égalité de traitement (sic) la gratuité des transports en commun urbains instaurée à Aubagne. La métropolisation constitue une machine de guerre contre le droit aux expérimentations locales pourtant reconnu dans la Constitution française. »

 

 

Jean Gadrey pousse un cri d’alarme : « Le dépassement écologique » mondial est atteint :

 

C’est en effet (à peu près) le 20 août dernier que l’humanité a « consommé » toutes les ressources naturelles renouvelables que la planète peut produire en 2013. Depuis, après avoir dépensé notre « budget » de l’année, nous vivons à crédit auprès de la « banque de la planète », celle qui renouvelle à son rythme les ressources naturelles utiles à la vie humaine, et d’autres écosystèmes. C’est-à-dire que nous pompons dans le stock, le patrimoine, les « fonds propres », en les épuisant chaque année un peu plus et un peu plus vite.

Ce titre n’a pas fait la « une » des grands médias. Il a certes besoin d’être décrypté, comme tout ce qui se fonde sur des indicateurs bourrés de conventions et de marges d’erreur, PIB en tête. Mais même avec ses limites, il a du sens et il devrait nous alerter, bien plus que les chiffres de la croissance, et autant que les chiffres du chômage, de la pauvreté d’un très grand nombre, et de l’extrême richesse d’un tout petit nombre. Car ce n’est pas tant « l’humanité » qui provoque l’épuisement des biens communs naturels vitaux qu’une fraction, pour l’instant dominante, celle qui prend les décisions de surexploitation et qui mène la danse de la démesure au nom de la « mystique de la croissance », pour reprendre le titre du livre récent de Dominique Méda.

 

 

Thierry Brugvin relie le problème de l’empreinte carbone et écologique à la concurrence des riches contre les pauvres :

Il y a urgence à redéfinir un nouveau pacte social, à écrire de « nouveaux jours heureux ». Ils doivent lier justice sociale et écologie.

 

 

Alain Cuénot explique comment les multinationales ont déstructuré le paysage agricole français :

L’agriculture française repose sur un modèle de développement pour le moins catastrophique pour l’homme et la nature. Que constate-t-on sur le terrain ? Que pourrait être une agriculture écologiquement et socialement responsable ?

 

Nicolas Sersiron et Robin Delobel nous offrent quatre portraits de résistants du Sud face aux catastrophes écologiques et humaines :

Les Zindigné(e)s s’indignent chaque fois qu’on entend dire qu’il faudrait être riche pour s’intéresser à l’écologie. Nous sommes du côté d’une écologie des pauvres contre l’écologie des riches. Pour preuve ces quatre portraits qui nous viennent du Sud.

 

 

 

Après le débat sur la « démondialisation » : où en est-on aujourd’hui, demande Louis Weber ?

Le débat sur la démondialisation1 a eu, il y a deux ans maintenant, un grand écho dans la presse. L’élément déclencheur été la prise de position d’Arnaud Montebourg au cours de la primaire socialiste en vue de l’élection présidentielle de 2012. Mais, contrairement à ce qu’on a pu croire – ou tenté de faire croire –, il n’a évidemment pas inventé le sujet, il l’a « instrumentalisé » le temps d’un été et d’une campagne pour ne plus guère en reparler ensuite.

 

 

En Grèce, le pire est à prévoir avec Aube Dorée :

Peu de temps avant l’assassinat de Pavlos Fyssas par les néo-nazis d’Aube dorée sous les yeux d’une police complice, une atmosphère de plus en plus lourde laissait présager le pire...

 

 

Pour Thierry Paquet, il faut mettre les tours en échec dans les grandes métropoles :

Le capitalisme globalisé, de Shanghai à Sao Paolo, du Cap à Londres, de Mumbaï à Paris, de Moscou à Chicago, mise sur l’édification de tours pour marquer sa puissance, tant économique que médiatique. Au-delà de la spéculation et de la corruption qui l’accompagnent, ce choix irraisonnable d’un point de vue énergétique, accroît la ségrégation urbaine et condamne à mort l’esprit des villes. Il est temps de s’y opposer, il s’agit d’un choix politique contre une société clivée.

 

 

Aurélien Bernier s’en prend une nouvelle fois aux aberrations de la monnaie unique :

Comme le protectionnisme, fût-il écologique et social, la sortie de l’euro n’est pas un but en soi. Elle n’est pas une réponse magique qui résoudrait instantanément la crise.

 

 

Antonin Moulard demande ce que fait le politique face à la déferlante des écrans publicitaire :

Les écrans publicitaires continuent de se répandre à travers le monde. En 2012, pas moins de 12 000 écrans avaient été installés par la seule entreprise JC Decaux. Le lobbying forcené de JCDecaux1 auprès des politiques, notamment dans le cadre du Grenelle 2, montre que les écrans publicitaires sont sa principale source d’expansion pour les années à venir. Sans résistance, le temps d’attention de l’individu sera encore d’avantage sollicité par la grande industrie.

 

 

Bonne analyse de Jérôme Thorel sur la fabrique du consentement :

Le capitalisme a besoin de notre consentement. Servitude volontaire du forçat de la consommation, servitude volontaire du forçat du travail. Servitude volontaire de l’adepte du sarkozysme de droite comme de gauche. Servitude volontaire au nirvana sécuritaire.

 

 

Laurent Paillard pense que le numérique et l’internet sont un enjeu social central :

Laurent Paillard, philosophe 
Le réseau internet est devenu un vecteur majeur de la circulation des connaissances et de la création. Parallèlement, la numérisation des biens culturels et la dématérialisation de leur transmission fait de l’informatique un enjeu social central.

 

 

Yves Cohen réfléchit sur la question des chefs en politique, du côté de la gauche :

La gauche est toujours un peu embarrassée avec le discours du « chef ». Sa posture la plus courante est le persiflage ou l’ironie. N’est-ce pas de gauche, et même d’extrême gauche que vient le cri « À bas les chefs ! » qui fleurit dans les grèves ouvrières du dernier tiers du xixe siècle ?

 

Michel Lepesant se fait le défenseur des BesoinS politiqueS de la décroissance :

Et si la « décroissance » cessait de n’être qu’un slogan ou un mot pour ambitionner de s’imposer dans toutes les discussions politiques, par des propositions à la fois enthousiasmantes et pragmatiques. Non pas pour se contenter de dire « objection », « adieu » ou « halte » à la croissance mais bien pour demander comment « dé-croître » : comment passer démocratiquement du monde de la croissance à d’autreS mondeS possibleS, ceux de l’a-croissance ?

 

 

Yann Fiévet suggère une écologie du regard pour changer le monde :


Et si le changement pour un monde plus juste et économe de ses ressources vitales était d’abord une affaire de regard, le choix des actions à mener ou des décisions à prendre s’imposant ensuite naturellement. Si notre monde va si mal dans ses dimensions écologiques, sociales, économiques, politiques et spirituelles n’est-ce pas avant tout en raison du fait que nous le regardons fort mal ?

 

 

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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 07:07

Fioraso était autant faite pour être ministre de l'enseignement supérieur que moi pour être danseur étoile. Mais là, c'est le pompon. Merci à Pierre Dubois de nous alerter :

 

Honte immense et fou rire inextinguible à la lecture de deux textes soumis à consultation depuis hier et jusqu’au 25 novembre 2013 : la nouvelle version de l’arrêté sur le Cadre national des formationset le Cahier des charges de l’accréditation. J’en ai perdu mon latin !

 

A la rentrée 2014, ces textes, s’ils sont publiés, feront fi de neuf siècles d’histoire universitaire. Les bacheliers 2014 ne pourront plus s’inscrire en licences de Lettres classiques ou de Lettres modernes, mais seulement en Lettres. Pourront-ils encore suivre des cours de latin, de grec, de français ? Ces termes, oh combien symboliques de l’histoire de l’université médiévale, moderne et contemporaine, auront été rayés, d’un trait de plume, de la nomenclature des diplômes. Français, latin, grec ne figurent pas davantage dans les mentions de Master.

 

Tout aussi sot. Le bachelier pourra s’inscrire en licence de Lettres et Langues, de Langues étrangères appliquées, ou de Langues, littératures et civilisations étrangères, mais il ne pourra s’inscrire en licence d’anglais, d’espagnol, d’allemand ou de chinois. Le choix de telle ou telle langue ne figure pas davantage dans la fort longue liste des mentions de master. Langues vivantes devenues mortes.Langues rares, spécialités reconnues de certaines universités, envoyées aux oubliettes par le vent d’une modernité vomitive. Par contre, l’étudiant titulaire de la licence pourra s’inscrire dans unmaster Mode ou un master Design !

 

Mais revenons au texte sur le cadre national des formations. Le projet d’arrêté comprend la liste des mentions des diplômes nationaux regroupés par grands domaines ainsi que les règles relatives à l’organisation des formations.

 

Objectif de ce cadrage national : l’intitulé d’un diplôme répond à une dénomination nationale précisant le domaine et la mention concernés. Les dénominations nationales assurent la lisibilité du dispositif national pour les étudiants, les partenaires professionnels et le monde scientifique, en France et à l’étranger.

 

Ce texte est d’une imbécillité exceptionnelle dans l’histoire de l’Université de France. Le MESR et la DGESIP ont perdu (définitivement ?) le sens des réalités.

 

Simplification et lisibilité de l’architecture des diplômes ? De qui se moque-t-on ? Au lieu d’unearchitecture à quatre niveaux instaurée en 2002 (domaines de formation, mentions, spécialités, parcours de formation), on passerait à une architecture à deux niveaux (domaines et mentions). Superbe lâcheté du texte : la question de la sélection à l’entrée de la 1ère année de master M1 (et non à l’entrée du M2 comme actuellement) est soigneusement oubliée.

 

 

La liste des mentions (en annexe du projet) est pire qu’une liste à la Prévert : la DGESIP a en effet fait remonter les spécialités dans les mentions et elle confie aux universités autonomes le soin d’organiser des parcours types au sein de chacune des mentions. Les tensions entre règles nationales (bureaucratie d’un État jacobin) et autonomie pédagogique des universités (reconnue depuis la loi 1968 !) affleurent dans chacun des articles de l’arrêté. Combien de mentions en licences professionnelles ? 235. Oui, 235. Et on parle d’une meilleure lisibilité pour les employeurs ! Les auteurs de cette liste abracadabrantesque sont fous à lier.

 

Ce projet d’arrêté pue le lobbying à fond ! En licence, quelle est la différence entre une mention Humanités et une mention Sciences sociales ? En master, pourquoi il y aurait 26 mentions en Droit et une seule en Psychologie ?

 

Et la plus belle des âneries pour le bouquet final ! Ni en licence, ni en master ne figurent, dans l’arrêté, des formations de Médecine, de  Pharmacie, Odontologie. En master, 26 mentions de droit en master, 0 mention de médecine. A moins que les formations en Sciences de la santé ne fassent l’objet d’un arrêté à part ? Quelle légitimité pour une telle inégalité de traitement entre disciplines ?

 

Ouvrons grandes les portes des urgences dans les Hôpitaux universitaires : il devrait y avoir affluence en provenance du MESR, de son cabinet et de son administration centrale !

 

Le CNESER sera consulté en décembre 2013 sur ces deux textes. S’il vote pour, j’en perdrai non seulement mon latin mais aussi mon grec !

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5 novembre 2013 2 05 /11 /novembre /2013 14:44

La Grande-Bretagne n’est plus « dans le rouge » mais sa situation financière est quelque peu fragile et artificielle. Pour boucler ses budgets, pour se reconstituer des réserves de liquidité, les conservateurs ont entrepris de vendre des biens appartenant à la collectivité comme, par exemple, des entreprises nationalisées. Sous le règne de Thatcher, 15 entreprises d’État sont privatisées pour un gain de 5 milliards de livres. La plus grosse vente est celle de British Telecom, florissant fleuron des télécommunications britanniques racheté par deux millions d’actionnaires à un très bon prix. En 1981, Post Office Telecommunications a été renommé British Telecom et est devenu une entreprise publique indépendante de la Poste. En 1982, le monopole de BT dans les télécommunications a été aboli, une licence ayant été accordée à l’entreprise Mercury. La privatisation aura lieu en 1984, avec la vente de plus de 50% des actions de l’entreprise. En 1993, l’État vendra le solde des actions qu’il possédait encore.

 

Ces ventes au privé n’ont pas engendré la création d’un capitalisme populaire. Lorsque 51% des parts de British Aerospace (entreprise d’État créée en 1977) furent mises en vente en 1981, 150 000 actionnaires se ruèrent sur le gâteau, mais dix mois plus tard, ils n’étaient plus que 27 000 à posséder les précieux titres. Un bel exemple de concentration capitalistique !

 

Il serait exagéré de dire que les conservateurs privatisèrent à l’époque par idéologie. Les entreprises vendues étant très rentables, l’objectif était d’amasser des liquidités à court et moyen termes afin de réduire l’endettement public.

 

Pendant ce temps, l’excédent de la balance des paiements courants fondait comme neige au soleil, passant de 5 milliards de livres en 1982, à 2,5 milliards en 1983 pour plonger à 51 millions en 1984. Ce recul était causé par l’aggravation du déficit commercial : 2 milliards de livres en 1982, 4, 2 milliards en 1984 (presque le double du déficit français, important à l’époque). Pour la première fois de toute son histoire, la Grande-Bretagne importa en 1984 plus de produits manufacturés qu’elle n’en exporta. Le pays avait été la première puissance commerciale en 1913 (mais, déjà, sa balance commerciale avec la France avait été déficitaire), loin devant les États-Unis. Il avait été dépassé par les E-U en 1921 qui lui vendirent cette année-là trois fois plus qu’il ne lui achetèrent. Longtemps, le pays a limité la casse grâce à ses exportations vers des colonies : l’Inde, Ceylan, Hong-Kong.

 

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5 novembre 2013 2 05 /11 /novembre /2013 08:48

Autant les épisodes télévisés du Commissaire Montalbano m’ont barbé, autant j’ai apprécié les trois ou quatre romans que j’ai pu aborder dans leur version écrite. De toute façon, la télévision française publique nous offre cette série en français, ce qui est stupide, vu le travail aussi intéressant qu’incontournable de l’auteur sur la langue italienne et le dialecte sicilien.

 

Un article récent d’Andrea Camilleri dans la revue Radici m’en a appris un peu plus sur ce créateur si original de 88 ans. Un mot tout d’abord sur Radici, une revue bilingue de très bonne facture qui se présente comme « l’Italie à Paris ». Elle s’adresse au premier chef aux Italiens et descendants d’Italiens vivant en France et, plus généralement, à tous les amoureux de l’Italie.

 

Camilleri vient d’y publier une réflexion très stimulante sur la politique culturelle de l’Italie, sur l’Europe et sur les jeunes face au capitalisme financier.

 

L’auteur part de la triste constatation que l’Italie consacre à la culture un budget dérisoire. Il reprend la remarque stupide et assassine de Giulio Tremonti, ministre de l’Économie en 2010, selon laquelle « avec la culture, on ne mange pas ». Bien sûr que si, lui répond Camilleri. En posant que la culture ce n’est pas seulement la littérature ou la peinture, mais que c’est aussi « le travail de l’ouvrier ou de l’employé ». Le « commissaire Montalbano » propose que « la culture, c’est nous ! Parce que nous sommes culture, parce que l’homme est culture ». Il faut être stupide, ajoute-t-il à l’adresse des gouvernants italiens, pour ne pas comprendre que quand « on dépense pour la culture, la culture restitue le triple de la dépense, car dépenser pour la culture signifie sauver Pompéi, ne pas la laisser tomber en ruines. »

 

 

Puis Camilleri évoque la réception de son œuvre en Allemagne, dans ses versions télévisée et livresque. Ayant vendu six millions d’exemplaires dans le pays de Madame Merkel, il a suscité chez les Tudesques un désir de Sicile absolument inouï. Son œuvre, affirme-t-il, est un fait culturel, mais aussi un fait économique. Il en va de même en Grande-Bretagne où une agence de voyages organise deux vols de charter par semaine à destination de la Sicile avec des personnes qui ont « vu » Montalbano (les mêmes que celles qui ont « vu » Roméo et Juliette à Vérone ?).

 

Puis Camilleri devient plus grave. Vu son âge, dit-il, il s’interdit de donner le moindre conseil à la jeunesse. Il lui fait simplement observer ceci :

 

« Une série de contingences économiques, sociales, financières et politiques sont entrain de tuer les jeunes d’aujourd’hui. Autrefois il y avait les guerres, les jeunes partaient et y laissaient leur peau, et trois générations de jeunes sautaient. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, mais il est un autre type d’homicide : celui de leur avenir. L’impossibilité de se réaliser à travers le travail est bien la chose la plus atroce qui puisse arriver à un jeune en Italie. La seule chose que je peux leur dire, avec beaucoup d’humilité, c’est que je ne crois pas à l’espoir Qui vit d’espoir meurt désespéré. Je crois aux propositions. Je crois que les jeunes doivent se mettre en tête des propositions pour agir, pour résister à toutes les circonstances, même les plus désespérées. Ils doivent se rendre compte qu’ils sont sur un radeau, mais qu’ils doivent absolument mener ce radeau jusqu’au rivage, sans jamais perdre, non pas la tendresse, mais le courage et la force qui leur appartiennent du fait de leur jeunesse. »

 

Andrea Camilleri : un vieil homme avec qui je partirais bien huit jour en vacances en camping…

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5 novembre 2013 2 05 /11 /novembre /2013 07:18

Dans sa livraison de novembre 2013, Serge Halimi revient sur la tragédie de Lampedusa :

 

Il y a trente ans, fuir le système politique oppressif de leur pays valait aux candidats à l’exil les louanges des pays riches et de la presse. On estimait alors que les réfugiés avaient « choisi la liberté », c’est-à-dire l’Occident. Un musée honore ainsi à Berlin la mémoire des cent trente-six fugitifs ayant péri entre 1961 et 1989 en essayant de franchir le mur qui coupait la ville en deux.

Les centaines de milliers de Syriens, de Somaliens, d’Erythréens qui, en ce moment, « choisissent la liberté » ne sont pas accueillis avec la même ferveur. A Lampedusa, une grue a été requise, le 12 octobre dernier, pour charger sur un navire de guerre les dépouilles de près de trois cents d’entre eux. Le mur de Berlin de ces boat people fut la mer ; la Sicile, leur cimetière. La nationalité italienne leur a été concédée à titre posthume.

 

 

Que se passe-t-il dans les ateliers d’Amazon (Jean-Baptiste Malet) ?

Avec ses patrons célébrés par Hollywood, ses écrans lisses et ses couleurs acidulées, l’économie numérique évoque l’immatérialité, l’horizontalité, la créativité. Enquêter sur Amazon révèle une autre facette. Celle d’usines géantes où des humains pilotés par ordinateur s’activent jusqu’à l’épuisement.

 

 

Détachant son regard des affiches du syndicat allemand Ver.di – le syndicat unifié des services – punaisées au mur de la salle de réunion, Mme Irmgard Schulz se lève soudain et prend la parole. « Au Japon, raconte-t-elle, Amazon vient de recruter des chèvres pour qu’elles broutent aux abords d’un entrepôt. L’entreprise les a badgées avec la même carte que celle que nous portons autour du cou. Tout y est : le nom, la photo, le code-barres. » Nous sommes à la réunion hebdomadaire des employés d’Amazon à Bad Hersfeld (Land de Hesse). En une image, l’ouvrière logistique vient de résumer la philosophie sociale de la multinationale de vente en ligne, qui propose au consommateur d’acheter en quelques clics et de se faire livrer sous quarante-huit heures un balai-brosse, les œuvres de Marcel Proust ou un motoculteur.

 

 

La Russie est de retour sur la scène internationale (Jacques Lévesque) :

Tandis que les révélations sur l’espionnage systématique de ses alliés embarrassent Washington, Moscou paraît aligner les succès sur la scène internationale (affaire Snowden, question syrienne). Héritière d’une diplomatie redoutée mais affaiblie depuis la chute de l’URSS, la Russie estime avoir enfin retrouvé son rang de grande puissance.

 

 

En Europe, certains immigrés n’ont même pas de pays d’origine (Jean-Arnault Dérens) :

Le président François Hollande a suscité un tollé en déclarant, le 19 octobre, que Leonarda Dibrani, la collégienne rom de 15 ans arrêtée lors d’une sortie scolaire et expulsée vers le Kosovo, pouvait revenir en France, mais « sans sa famille ». Au-delà de la polémique hexagonale, cet épisode éclaire la détérioration du sort des Roms dans une région où leur situation était autrefois exemplaire.

Tragique et rocambolesque, l’affaire Leonarda Dibrani, cette jeune fille rom expulsée de France le 9 octobre dernier, a replacé le Kosovo sous les feux de l’actualité. Selon les autorités françaises, le pays serait « sûr », ce qui autoriserait le rapatriement de personnes en situation irrégulière. Pourtant, la communauté rom du Kosovo, totalement marginalisée, continue d’être victime d’exactions régulières.

 

 

La Cour des comptes est devenue uncerbère de l’austérité (Sébastien Rolland) :

A mesure que s’érodait le crédit des néolibéraux réclamant une nouvelle purge sociale, l’influence d’une institution créée par l’Empire et jugée au-dessus de la mêlée, la Cour des comptes, s’y est substituée. Ses magistrats prestigieux et son médiatique président s’emploient donc désormais, non sans succès, à offrir un vernis de respectabilité aux politiques d’austérité les plus rigoureuses.

 

 

En Louisiane, des prisons cherchent des prisonniers (Maxime Robain) :

Avec deux millions trois cent mille détenus – un chiffre qui n’a cessé d’augmenter entre 1972 et 2010 – les États-Unis affichent le taux d’incarcération le plus élevé de la planète. Le secteur pénitentiaire, qui emploie plus de personnes que General Motors, Ford et Walmart réunis, y représente un enjeu économique important, en particulier dans les régions rurales, où les shérifs sont encouragés à remplir les cellules de leurs prisons.

 

 

Pour Lori M. Wallach, le traité transatlantique est un typhon qui menace les Européens :

Engagées en 2008, les discussions sur l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne ont abouti le 18 octobre. Un bon présage pour le gouvernement américain, qui espère conclure un partenariat de ce type avec le Vieux Continent. Négocié en secret, ce projet ardemment soutenu par les multinationales leur permettrait d’attaquer en justice tout Etat qui ne se plierait pas aux normes du libéralisme.

 

 

Quelques bonnes feuilles de Pierre Bourdieu consacrées au peintre Manet :

Le peintre Edouard Manet incarne la révolution esthétique qui, à la fin du XIXe siècle, vit le renversement de l’art académique au profit de formes et de règles nouvelles, moins imposées par l’Etat que par les artistes eux-mêmes. A cette transformation qui structure aujourd’hui encore notre regard, le sociologue Pierre Bourdieu a consacré deux années de cours au Collège de France. A l’occasion de leur publication, « Le Monde diplomatique » en présente des extraits en exclusivité.

Je vais vous parler cette année de ce que l’on pourrait décrire comme une révolution symbolique réussie, celle qui a été inaugurée par Edouard Manet (1832-1883), avec l’intention de rendre intelligibles à la fois la révolution en elle-même, dans ce qu’elle a de particulier, et les œuvres qui ont suscité cette révolution. De façon plus générale, je voudrais essayer de rendre intelligible l’idée même de révolution symbolique.

Si les révolutions symboliques sont particulièrement difficiles à comprendre, surtout lorsqu’elles sont réussies, c’est parce que le plus difficile est de comprendre ce qui semble aller de soi, dans la mesure où la révolution symbolique produit les structures à travers lesquelles nous la percevons. Autrement dit, à la façon des grandes révolutions religieuses, une révolution symbolique bouleverse des structures cognitives et parfois, dans une certaine mesure, des structures sociales. Elle impose, dès lors qu’elle réussit, de nouvelles structures cognitives qui, du fait qu’elles se généralisent, qu’elles se diffusent, qu’elles habitent l’ensemble des sujets percevants d’un univers social, deviennent imperceptibles.

 

 

Charles Dannaud explique pourquoi le pouvoir perd pied en Malaisie :

Près de six mois après des élections législatives qui ont permis au parti à la tête de la Malaisie depuis l’indépendance, en 1957, de se maintenir, les problèmes s’approfondissent. Les critères ethniques sur lesquels le pouvoir a longtemps joué, divisant le pays entre Malais, Chinois, Indiens…, ne sont plus aussi prégnants. Quelle que soit leur origine, nombre d’habitants réclament des changements démocratiques.

 

 

Sérieux problème au Venezuela qui se noie dans son pétrole (Gregory Wilpert) :

En septembre dernier, Caracas a réglé une partie de ses importations de nourriture en bons du Trésor ; un indice alarmant suggérant que le pays manque de devises. Certes, le gouvernement a multiplié les erreurs de pilotage. Mais le Venezuela, qui bénéficie des plus importantes réserves de pétrole du monde, souffre également de sa richesse : une rente qui sort du pays sans en irriguer l’économie.

 

 

Tandis que faire ses courses à Caracas devient un problème, selon Anne Vigna :

Au Venezuela, curieusement, plus on s’élève dans la hiérarchie sociale et plus les rayons des supermarchés que l’on fréquente se dégarnissent de produits de première nécessité…

Station Altamira, quartier chic de l’est de Caracas. Alejandra entre dans son quatrième supermarché de la journée. Sa mère vient de l’appeler pour lui certifier que « là, c’est sûr », elle trouvera du papier hygiénique ! Non sans ajouter : « Si tu trouves de la farine de maïs, prends-en le plus possible. » Le tas de rouleaux de papier se trouve bien là, disposé tel un trophée au milieu de la première gondole. « Enfin ! », se réjouit Alejandra, qui envoie aussitôt un SMS de victoire à sa mère. Le coût est quatre fois plus élevé que celui qu’elle devrait normalement payer pour ce produit dont l’Etat fixe le prix. Le supermarché est dans l’illégalité, mais Alejandra s’en moque. Elle remplit un chariot de paquets de douze rouleaux, jette un rapide coup d’œil sur le rayon vide où devrait se trouver la farine, et se dirige vers les caisses.

 

 

« Seuls entrent ici les enfants au cœur pur », nous dit ironiquement Mona Chollet à propos des enfants libanais :

Fini les pirates ou les fées : une nouvelle génération de parcs de loisirs préfère initier sa jeune clientèle à la vie de salarié. L’un d’eux vient d’ouvrir dans la capitale libanaise.

Pendant que l’espionnage des données informatiques par le gouvernement américain provoque des protestations en série, les entreprises, quant à elles, affinent les techniques leur permettant de suivre les internautes à la trace. Elles y sont aidées par la multiplication des informations personnelles sur la Toile. Echapper à leurs messages publicitaires devient alors un parcours du combattant…

Contrairement à Disneyland ou au Parc Astérix en France, KidzMondo, qui a ouvert ses portes début juin sur le front de mer de Beyrouth, ne prétend pas matérialiser un univers fictionnel déjà connu de ses jeunes clients. Afin de les attirer, il lui a donc fallu créer de toutes pièces une « mythologie » susceptible de frapper leur imagination, et diffusée sur son site Internet. Un jour d’été, deux enfants partent explorer une grotte aux abords de leur maison de vacances dans la campagne libanaise. L’intrépide Kozmo y découvre une mystérieuse clé que sa sœur Eena se rappelle avoir vue dans le livre qu’elle est en train de lire, Trésors mythiques et mondes anciens. Ainsi, ils pourront ouvrir une porte géante qui se dresse au milieu des ruines où ils se sont promenés plus tôt. Ils pénètrent alors dans une antique cité abandonnée, « avec quelque chose de magique dans la façon dont la lumière danse autour d’eux, en créant des reflets et en se diffractant en une multitude de couleurs à couper le souffle ». Balayant la poussière d’une inscription gravée dans la pierre, Eena y lit : « Que seuls entrent ici les enfants au cœur pur. » Dès lors, son frère et elle voient des milliers de camarades du monde entier converger vers cette ville « au noble passé », depuis longtemps « oubliée des adultes », afin de lui redonner vie.

 

 

Pour Marie Bénilde, la traque méthodique de l’internaute révolutionne la publicité :

Pendant que l’espionnage des données informatiques par le gouvernement américain provoque des protestations en série, les entreprises, quant à elles, affinent les techniques leur permettant de suivre les internautes à la trace. Elles y sont aidées par la multiplication des informations personnelles sur la Toile. Echapper à leurs messages publicitaires devient alors un parcours du combattant…

« Une Guinness, John ? » ; « Stressé, John Anderton ? Besoin de vacances ? » Interprété par Tom Cruise, le héros de Minority Report ne peut faire un pas sans être assailli par des messages publicitaires personnalisés diffusés sur des écrans. L’action de ce film se déroule en 2054. Son réalisateur, Steven Spielberg, n’imaginait sans doute pas lors de son tournage, en 2001, que beaucoup des inventions qu’il mettait en scène existeraient déjà dix ans plus tard. Objets connectés à Internet, écrans tactiles, interfaces gestuelles, reconnaissance vocale, journaux sur écran qui se mettent à jour en temps réel, panneaux d’affichage numériques capables de reconnaître le passant par suivi du regard (eye tracking)... Toutes ces technologies sont expérimentées quotidiennement et permettent aux industries de la publicité de se réinventer.

 

 

Comment soigner les Afghans, demande Pierre Micheletti :

Alors que les troupes américaines devraient quitter le pays avant la fin de 2014, le système de santé afghan est plus délabré que jamais. D’où les difficultés d’accès aux soins pour les quatre cent cinquante mille personnes déplacées

 

 

Laurence Bernard décrit la faillite de l’Union européenne en Palestine :

Le chef de l’Etat français se rend à Tel-Aviv et à Ramallah les 18 et 19 novembre. Au-delà des discours convenus, Paris poursuivra sa coopération avec Israël comme si l’occupation n’existait pas. Et, si l’Union européenne a enfin décidé de prendre des mesures de rétorsion contre la colonisation, elle le fait avec une timidité qui la rend incapable d’imposer une paix durable dans la région.

 

 

Situation explosive dans l’Est-africain : Terrorisme somalien, malaise kényan (Gérard Prunier) :

Ayant implosé il y a plus de deux décennies, la Somalie est un Etat failli. Au nord, le Somaliland et le Puntland vivent en autarcie, tandis que dans le reste du pays, malgré une aide militaire internationale, le pouvoir central a du mal à s’imposer. L’organisation djihadiste des Chabab a perdu de son emprise, mais elle a essaimé, notamment au Kenya, dont les dirigeants se distinguent par leur incurie.

 

 

Une lecture intéressante de Machiavel par Olivier Pironet : Machiavel contre le machiavélisme

Au début du XVIe siècle, le philosophe florentin Nicolas Machiavel a ouvert la voie à la pensée politique moderne. On associe souvent son nom à l’action de gouvernants cyniques et manipulateurs. Forgée par ses détracteurs, cette « mauvaise réputation » cache en fait un authentique théoricien de la liberté et du pouvoir populaire.

 

 

Gilles Barbastre n’a pas été surpris par l’éternel refrain du travail le dimanche et par les réflexions du plus grand penseur (et du plus grand homme d’affaires) de tous les temps, Alain Minc :

Il y a vingt-deux ans, sur le plateau de l’émission « L’heure de vérité » (Antenne 2, 22 décembre 1991), un expert plus familier des cénacles patronaux que des luttes sociales manifestait son soutien à l’ouverture dominicale du magasin Virgin Megastore des Champs-Elysées, à Paris, malgré une importante sanction financière. « Moi, en sortant, je vais aller m’acheter un disque chez Virgin Megastore pour contribuer au financement de l’amende, s’enthousiasmait M. Alain Minc. Il est évident que la non-ouverture le dimanche est un archaïsme. »

Le 1er octobre 2013, M. Minc squatte cette fois le plateau d’iTélé lorsque le journaliste l’interroge : « Est-ce qu’on travaille le dimanche en Allemagne ? Parce que c’est le grand débat du moment en France… » Les Allemands se reposant ce jour-là, l’expert — loin de se démonter — explique aussitôt : « Il faut toujours avoir en tête que les Allemands ont plus les moyens d’être archaïques que nous. » La chaîne Virgin, elle, a mis la clé sous la porte en 2012. Elle avait pourtant obtenu l’autorisation de faire travailler ses salariés le septième jour de la semaine...

 

 

Pour Francesca Maria Benvenuto, la Cour pénale internationale est en accusation :

Réunis en sommet extraordinaire, le 12 octobre 2013, les pays de l’Union africaine ont demandé la suspension des actions intentées contre des chefs d’Etat en exercice devant la Cour pénale internationale (CPI). Ils remettent ainsi en cause l’une des idées fondatrices de la Cour : lutter contre l’impunité des dirigeants. Motivée par la situation du Kenya, cette demande révèle les contradictions inhérentes à ce tribunal.

 

 

Pierre Benetti nous raconte, à Montreuil, les rescapés de la guerre de Libye :

Destinée à « protéger les civils », l’intervention de 2011 en Libye a forcé à l’exode nombre d’Africains qui y vivaient. Certains ont échoué à Montreuil, près de Paris, où les autorités refusent de les accueillir.

 

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