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26 novembre 2018 1 26 /11 /novembre /2018 06:23

 

Natacha Polony, dans Marianne, a sa petite idée sur l’emprisonnement de Carlos Ghosn : « La chute de Carlos Ghosn est aussi spectaculaire que minutieusement préparée par ses accusateurs japonais. 

De quoi laisser perplexe, au Quai d'Orsay ou à Bercy, sur cette étrange opération qui pourrait bien coûter son indépendance à Renault. L'entreprise française est désormais à la merci d'une OPA de la part de son partenaire japonais, depuis longtemps agacé de devoir subir la tutelle d'une entreprise devenue moins puissante que lui.

Il nous semble apparemment difficile, à nous autres Français, de concevoir que les autorités judiciaires japonaises travaillent main dans la main avec le Meti, le ministère de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie, et avec les grands groupes industriels. C'est pourtant un classique.

 

Rachel Knabel, dans Anti-K évoque le marasme dans les hôpitaux psychiatriques : « Les grands groupes de santé privés comptent bien profiter de l’agonie de l’hôpital psychiatrique public. Toujours moins de lits, des services fermés, pas assez de médecins, des soignants en sous effectif. Le secteur des hôpitaux psychiatriques va mal. Celui des cliniques psy privées se porte mieux. En 1980, le nombre de lits, pour une prise en charge à temps plein, s’élevait à 120 000 dans la psychiatrie publique pour 18 000 dans les cliniques privées. Trente-six ans plus tard, le nombre de lits dans le public a chuté à 41 000, ceux du privé ont baissé à 13 300 en 2016.

 

Plus de la moitié des lits de psychiatrie ont donc été fermés en 40 ans, très majoritairement dans le public. La part du privé dans l’équipement en lits de psychiatrie a nettement augmenté en 40 ans. Elle représentait 11% du total des lits en 1975, (…) un peu plus de 24 % en 2016. Près d’un tiers (30 %) des structures de prises en charge françaises sont aujourd’hui des cliniques privées à but lucratif.

 

 

 

Dans Mémoires des Luttes, Fabien Escalona revient sur le crépuscule du social-libéralisme façon Hollande : « François Hollande a intériorisé la subalternité géoéconomique de la France. Il a été incapable d’infléchir le consensus austéritaire avec les alliés potentiels qu’il aurait pu trouver à l’époque en Belgique et dans les pays périphériques de l’union monétaire. Concernant la France, il y a certes gagné des délais pour l’ajustement des comptes publics, mais une politique restrictive défavorable à l’emploi a été suivie tout au long du quinquennat, de même qu’ont été lancées des réformes « structurelles » inspirées des recommandations communautaires. Cette fuite en avant se solde actuellement par des niveaux dramatiquement bas du PS dans les enquêtes d’intentions de vote.

 

Personne, dans Le Grand Soir, réécrit un passage des Misérables : « Une quatrième grenade ne réussit qu’à tirer de lui un troisième couplet :

Révolte est ma raison,

C’est la faute à Macron,

Misère est mon journal,

C’est la faute au capital.

 

Cela continua ainsi quelque temps. Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche avait l’air de s’amuser, passant au travers des grenades et des taxes lancées sur les infortunés comme s’il en pleuvait. Il répondait à chaque détonation par un couplet. On le visait sans cesse, on le manquait toujours. Les forces de l’ordre riaient en l’ajustant. Les manifestants tremblaient ; lui, il chantait. Ce n’était pas un enfant. Ce n’était pas un homme ; c’était un étrange gamin fée, « gai, impertinent, spirituel et débrouillard, mauvaise tête et grand cœur », c’était l’âme de Paris.

 

Les grenades couraient après lui ; il était plus leste qu’elles.

 

Une grenade pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par atteindre l’enfant feu follet. On vit Gavroche chanceler, puis il s’affaissa. Toute la manifestation poussa un cri. Gavroche resta assis sur son séant, un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l’air, regarda du côté d’où était venu le coup, et se mit à chanter :

 

Je suis touché au front, 

C’est la faute à Macron,

Et tombé dans le canal,

C’est la faute au...

 

Il n’acheva point. Une seconde grenade du même tireur l’arrêta court. Cette fois il s’abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s’envoler.

 

 

Revue de presse (258)
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19 novembre 2018 1 19 /11 /novembre /2018 06:38

 

Laura Raim (Regards.fr) analyse la poussée d’une vraie gauche aux États-Unis : « C’est la bonne nouvelle des élections américaines. Les socialistes poursuivent avec succès la consolidation d’une force politique radicale, amorcée il y a deux ans par la campagne de Bernie Sanders aux primaires démocrates. Les candidats appuyés par les Democratic socialists of America (DSA), l’organisation socialiste qui est passée de 5000 à 50.000 adhérents en deux ans, ont raflé des sièges aussi bien au niveau national que local. Ainsi Alexandria Ocasio-Cortez, 29 ans, a remporté le siège de l’État de New York à la chambre des Représentants.

 

Les idées de Sanders ont fait leur chemin : le soutien populaire pour la Sécurité sociale est passé de 21% en 2014 à 70% cette année et le soutien pour l’université publique gratuite atteint 60%. »

 

                                                                                 *

 

Vittorio Callegari (Regards.fr) : « Tandis que le travail salarié se raréfie, l’activité réduite – non comptabilisée dans le taux de chômage – et le travail gratuit se développent, eux, de manière exponentielle. Le travail gratuit comme le bénévolat et les stages, ou semi-gratuit comme le volontariat s’ajoutent à d’autres formes de travail précaires déjà très répandues comme l’intérim ou le travail indépendant pour des plateformes de services. Tous ces statuts se substituent au CDI et au salariat en général, pour constituer une galaxie d’opportunités peu réjouissantes.

 

D’une manière générale, les volontaires ne constituent pas la clientèle électorale des syndicats puisqu’ils ne participent pas aux élections professionnelles pour les délégués syndicaux. Ce droit est réservé aux salariés qui sont dans une même organisation depuis au moins un an. »

 

                                                                                 *   

Bernard Cassen, dans Mémoire de Luttes, expose les enjeux des prochaines élections européennes : « Pour l’extrême-droite et une partie de la droite, qui se veut « patriote » face aux « mondialistes », la « mère de toutes les questions » est l’immigration. Pour leur part, Emmanuel Macron (le prétendu « progressiste »), et le premier ministre hongrois Viktor Orban (le « nationaliste ») sont chacun d’accord pour reconnaître à l’autre le statut valorisant d’adversaire principal.

La fonction de ces catégorisations est d’occulter une autre alternative : soit poursuivre les politiques néolibérales menées pendant plusieurs décennies, soit rompre radicalement avec elles pour engager l’Europe dans un processus mettant au poste de commandement les impératifs sociaux et écologiques. Certes il ne faut pas attendre du Parlement européen qu’il se transforme en fer de lance d’une remise en cause institutionnelle du capitalisme. Mais comme la campagne électorale qui commence va durer sept mois, elle peut être l’un des espaces où l’explicitation du mot d’ordre altermondialiste « Une autre Europe est possible » – qui n’a pas vieilli – pourra avoir un effet boule de neige dans les opinions publiques. Et aussi faire réfléchir les décideurs… »

                                                                                  *

 

Sur le site Ant-K, Ugo Palheta estime que le glissement démocratie-fascisme est de plus en plus aisé : « Tout d’abord tous les régimes « démocratiques » prévoient des mesures d’exception dont le pouvoir exécutif peut user dans des circonstances où la sûreté de l’État est considérée comme « menacée » : les fascistes n’ont donc généralement qu’à s’appuyer sur des procédures légales pour installer leur pouvoir et construire leur dictature. Ensuite, l’État n’est pas un arbitre neutre des conflits sociaux et politiques, qui se situerait en surplomb des forces en lutte (et notamment au-dessus des classes). Lorsque des franges éminentes des classes possédantes font le choix de soutenir un parti fasciste, l’État – en particulier les appareils répressifs d’État – tendent non simplement à fermer les yeux sur leurs agissements criminels mais à collaborer activement avec eux (désarmant le mouvement ouvrier et armant les bandes fascistes). Espérer que la police, l’armée ou la justice nous protègeront des fascistes, c’est donc creuser sa propre tombe. Toute initiative allant donc dans le sens de l’accroissement des capacités d’autodéfense populaire devrait donc être accueillie positivement, encouragée et systématisée par les organisations. »

 

 

Revue de presse (257)

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13 novembre 2018 2 13 /11 /novembre /2018 06:27

 

 

 

 Mon ami belge Pierre Verhas a publié récemment sur son blog un article intitulé “ Le blasphème est-il contraire aux Droits de l’Homme ? ”.

 

J’en cite le début : 

 

« L’affaire commence en 2009 par un séminaire consacré à l’Islam organisé en Autriche par le Freedom Education Institute qui est le bureau d’études du FPO, le parti « libéral » autrichien, formation d’extrême-droite actuellement au pouvoir à Vienne. Lors d’une séance de ce séminaire, en novembre 2009, une des animatrices, Elisabeth Sabaditsch-Wolff, fonctionnaire d’ambassade ayant vécu au Proche Orient et ayant acquis une connaissance assez approfondie de l’Islam, déclara que le Prophète Mahomet était un « pédophile ». Elle se basait sur les hadiths – ces récits qui retracent des épisodes de la vie du Prophète – qui affirment que Mahomet avait épousé Aicha alors qu’elle avait six ans et que le mariage fut consommé à ses neuf ans.

 

Une journaliste de gauche qui avait réussi à s’infiltrer dans ce séminaire a rapporté les propos de Madame Sabaditsch-Wolff dans son journal. Cela déclencha un scandale ! Plusieurs personnes et associations et même l’Evêque de Vienne déposèrent plainte pour insulte à la religion musulmane. Et personne, même au sein des milieux d’extrême-droite, ne se leva pour la défendre. Les avocats du journal ont ensuite transmis les transcriptions des propos tenus au parquet de Vienne comme preuves qu'un discours de haine se tenait contre l'islam. »

 

Les plus hautes instances juridiques européennes viennent d’interdire toute critique du prophète Mahomet. Cela avait été fait auparavant, par exemple, au Canada, on encore en Espagne.

 

Á ma connaissance, aucune interdiction de la sorte ne concerne jusqu’à présent Moïse (qui n’a peut-être même pas existé) ou Jésus (qui en a vu d’autres).

 

Quant à moi, j’ai un problème sérieux : je vénérais ma grand-mère qui était quasiment une sainte à mes yeux. Je demande donc à ce que les instances européennes interdisent que l’on s’en prenne à mon aïeule chérie.

 

Ce qui nous gêne, nous Français, avec la décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme, c’est que dans la France républicaine et laïque, la notion de blasphème n’existe pas dans les textes officiels. Il nous est donc imposé une législation contraire aux valeurs qui président aux destinées de notre nation depuis la Révolution française. Cette interdiction de critiquer les agissements et les idées d’un propagateur d’une religion née à 5 000 kilomètres de chez nous s’apparente, symboliquement mais pas seulement, aux méthodes de l’Inquisition et aux bûchers d’antan.

 

Afin de nourrir le débat, je propose un échange entre un lecteur du blog de Pierre Verhas n’ayant pas du tout apprécié son article, et la réponse de celui-ci.

 

« Je suis souvent en accord avec vos texte.

 

Mais je ne le puis sur celui intitulé "Le blasphème est-il contraire aux Droits de l’Homme ?"

 

Dire que Mohamed était pédophile n'a aucun sens. Mohamed était dans une époque en un autre lieu et une autre culture.

 

Même en Europe dans les années 70 les pédophiles étaient relativement tolérés, pensez à Hamilton, à la chanson de Gainsbourg etc.

 

Je défends la liberté d'expression sans limite. A ce titre je suis en totale opposition avec l'interdiction du négationnisme. La démocratie c'est le débat et rien que le débat. Les idées ne se combattent que par des idées. Mais la liberté s'arrête là où on blesse l'autre et donc une réserve s'impose. Il est des provocations inacceptables. Telles celles A la Charlie Hebdo par exemple, car l'intention de Charlie Hebdo est bien de choquer, d'offenser et non d'apporter le moindre éclairage ou faire la moindre interpellation, juste provoquer des rires gras et imbéciles de gens tout heureux des attaques faites à leurs altérités. On ne va pas crier mort à Allah dans une Mosquée.

 

Aucun débat ne peut s'ouvrir par des offenses. Le respect de l'autre est le corolaire minimum de la liberté car la liberté s'offre mais ne se prend pas. La liberté n'est pas un donné tombé du ciel, la liberté ne peut exister que dans un espace pacifié. C'est d'ailleurs parce que le libéralisme considère la liberté comme un donné que je suis en opposition totale avec cette idéologie. C'est pour cette raison que je suis opposé à la démocratie libérale alors que je suis démocrate. Parce que le libéralisme refuse la pacification de l'espace social et dresse les gens les contre les autres dans une compétition illimitée.

 

Je suis pour une démocratie fraternelle, solidaire et pacifiée (et même pacifique) où la liberté est méritée par son comportement envers ses alter ego quels qu'ils soient. »

 

 

 


 

Il est désormais interdit de critiquer Mahomet en Europe

« Merci pour votre contribution. 

 

En ce qui concerne le blasphème, je fais partie de ceux qui estiment qu’il doit sortir du cadre de la loi. 

 

D’un côté – et vous avez raison – l’offense est inacceptable, mais, de l’autre, où commence et où finit le blasphème ? Seuls les adeptes d’une religion fixent cette limite qui est très élastique en réalité. Dans l’affaire qui nous occupe, cette dame autrichienne animait un séminaire consacré à l’Islam, séminaire qui n’était pas public. Et elle a simplement dit sous forme de boutade « Mahomet épousant Aicha et la déflorant à l’âge de neuf ans, cela s’appelle de la pédophilie ! ». Une journaliste infiltrée dans ce séminaire a cru bon de diffuser ces propos déclenchant ainsi la polémique que vous connaissez. J’estime qu’en l’occurrence, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Doit-on contrôler ses propos jusque dans la sphère privée ? Mesurez-vous les conséquences sur notre liberté d’expression ?

 

C’est vrai aussi que la pédophilie a été ressentie différemment à travers les époques. Je me souviens de ce fameux numéro d’« Apostrophe » dans les années 1980 – l’ancienne émission littéraire de la deuxième chaîne de TV française – où Cohn-Bendit se vanta de sa sexualité pédophile. A l’exception de Bayrou que je n’aime pas, personne ne l’a rappelé à l’ordre. Il est vrai que ce personnage, faux révolutionnaire et vrai escroc intellectuel bénéficie de l’immunité médiatique. 

 

La question n’est pas là. Regardez ce qu’il se passe au Pakistan, regardez Salman Rushdie, le blogueur saoudien qui est fouetté chaque vendredi à Riyad, les ambassades du Danemark incendiées dans plusieurs pays du Proche Orient lors de l’affaire des caricatures,  et je pourrais citer des dizaines d’autres exemples. Chaque fois, des masses fanatisées sont « mobilisées » et créent des troubles majeurs et chaque fois, nos dirigeants tendent d’éteindre l’incendie en faisant preuve d’une lâcheté coupable. C’est le cas de la CEDH dans le sujet qui nous occupe.

 

Vous défendez la liberté d’expression sans limite, même pour le négationnisme, mais vous combattez l’offense. Puis-je vous faire remarquer que le négationnisme constitue une terrible offense pour les descendants des victimes de la Shoah et des camps de concentration ? J’ai été personnellement témoin d’un incident entre un « négationniste » et un rescapé des camps de concentration. Celui-ci, homme calme et posé, a tourné le dos, mais il en fut malade pendant plusieurs jours. Tout est question de proportion. Quand des fanatiques religieux prennent prétexte du moindre “ dérapage ” pour déclencher des émeutes, assassiner ou traîner des personnes en Justice, il s’agit à mon sens d’une interprétation très large de la notion de blasphème. 

 

Si on défend la liberté d’expression sans limite, il faut alors en accepter les dérives. C’est bien pour cela que la loi fixe des garde-fous. Je vous suis au sujet des caricatures de Charlie Hebdo, sauf sur sa mission qui consisterait à “ éclairer ” le public. Un caricaturiste est là pour choquer et s’il a du talent pouvoir être interprété au second degré. Ce fut le cas de Cabu – une des victimes de l’attentat de janvier 2015 – qui a publié un dessin magnifique montrant Mahomet se lamentant d’être aimé par des cons ! Mais, d’accord, certaines caricatures ont fait très fort, trop fort. Même Wolinsky a estimé qu’on allait trop loin et a demandé d’arrêter cela. Trop tard ! Deux assassins l’ont tué ainsi que ses confrères. Alors, entre un caricaturiste qui pousse le bouchon et deux fanatiques qui tirent la gâchette, qui va trop loin, à votre avis ?

 

Voilà.

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12 novembre 2018 1 12 /11 /novembre /2018 06:29

 

Le Monde nous apporte une nouvelle fascinante en provenance d’un pays qui donne des leçons de morale à tout le monde : « Dennis Hof, un célèbre propriétaire de maisons closes, a été élu mardi 6 novembre lors des élections américaines de mi-mandat à l’assemblée du Nevada, sous l’étiquette républicaine. L’homme de 72 ans est pourtant mort le 16 octobre dernier, alors qu’il célébrait son anniversaire lors d’une fête géante.

Dennis Hof, ancienne vedette de téléréalité, avait ouvert sept maisons closes, des stations-service et des restaurants dans la région. Supporteur inconditionnel de Donald Trump, il avait publié ses mémoires, The Art of the Pimp (“ l’art du maquereau ”) ». Il ne s’était donc jamais caché derrière son doigt…

 

 

Un article passionnant de Roger Martelli de Regards.fr sur les commémorations de 1918 : « Nous ne commémorerons pas la “ victoire ” de 1918. Il n’est pas question d’exalter ce qui fut une hécatombe inouïe et qui inaugura un XXe siècle brutal, accouchant de tous les monstres, dont nous n’avons pas fini de conjurer la mémoire.

 

En 1914, il n’y avait pas de fatalité à la guerre, mais des tendances bien lourdes poussaient à son déclenchement. Aujourd’hui, des évolutions préoccupantes nous précipitent vers un monde d’agressivité et de fermeture, mais les conditions existent pour qu’elles ne soient irréversibles. Les forces ne manquent pas, pour dire non et pour rêver d’un autre monde possible.

 

 

Communistes Hebdo nous remet en mémoire cette phrase célèbre d’Anatole France : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels. » En 1918, ajoute la publication, le bilan humain s’élève à 9,5 millions de morts ou disparus dont 1,4 millions français, 2 millions allemands et 1,8 millions russes. Gouvernements et médias ont tenté de réduire ce conflit à une guerre franco-allemande. Les partis socialistes de l’époque se rangèrent tous derrière leur bourgeoisie au pouvoir. « L’union sacrée » deviendra l’unique mot d’ordre. En Allemagne, le SPD parti socialiste allemand, pilier décisif de la 2ème internationale, votera les crédits militaires. Cette guerre a vu un développement extraordinaire des groupes capitalistes industriels et financiers dans chacun des pays belligérants, en France, en Grande Bretagne, en Allemagne. Le groupe Schneider en France, fournira une grande partie de l’armement et des munitions. Les groupes  comme Renault, les sociétés minières et bien d’autres vont s’étendre et s’enrichir considérablement.

 


 

Revue de presse (256)

 

Evariste, dans ResPublica, nous invite à comprendre pour agir dans me « nouveau monde actuel » : « Après la période de la reconstruction qui suit l’après-guerre mondiale, la montée en puissance du projet politique néolibéral dévoile petit à petit un « nouveau monde » de plus en plus injuste et violent où chaque locataire de l’Elysée monte d’un cran dans les politiques antisociales. Précisons cependant les trois points communs entre l’ancien monde et le « nouveau monde actuel » : les deux sont des formations sociales capitalistes répondant au même objectif de la maximisation du taux de profit réalisé par des rapports de production favorables au capital. Cette maximisation s’effectuant en fonction des possibilités ouvertes par l’environnement économique et politique.

 

  • les crises paroxystiques périodiques sont toujours d’actualité. Alors que la crise de 1929 n’a été résolue que par la destruction massive du capital de la Deuxième Guerre mondiale qui fut la crise paroxystique suivante, la crise de 2007-2008 n’est toujours pas surmontée, et comme les mêmes causes produiront les mêmes effets, cela entraînera une nouvelle crise paroxystique dans l’avenir. Rappelons que la dette publique et privée est aujourd’hui plus élevée dans le monde qu’avant la crise de 2007-2008, et représente 3 fois le PIB mondial. Et si on compte les produits dérivés, on estime le total à 10 à 15 fois le PIB mondial !
  •  
  • la « vraie gauche » des pays développés s’est souvent appuyée sur des schémas réalisés dans des pays peu développés avec une forte importance du nombre des paysans et de l’économie informelle. Mais de plus en plus, se développe l’idée du « jusqu’où vont-ils aller, ces néolibéraux ? » mais sans oser encore répondre « jusqu’au bout ! ».
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9 novembre 2018 5 09 /11 /novembre /2018 06:33

 

Serge Halimi entr’aperçoit une éclaircie en Asie : « Il existe un pays où, à la différence de ce qui se passe au Brésil, ce sont d’anciens présidents conservateurs que la justice poursuit, condamne pour détournement de fonds et envoie en prison. Où droite, extrême droite et fondamentalistes protestants s’estiment trahis par M. Donald Trump. Où, loin de remettre en cause un accord de désarmement nucléaire, comme avec l’Iran, ou un traité sur les missiles à moyenne portée, comme avec la Russie, le président des États-Unis semble vouloir résoudre un conflit qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait su dénouer. Y compris le dernier, pourtant Prix Nobel de la paix. »

 

 

Pour Benoît Breville, le débat sur l’immigration est biaisé : « En Europe, la population stagne et vieillit ; de l’autre côté de la Méditerranée, elle s’accroît et rajeunit. De ce constat, beaucoup concluent que l’explosion des flux migratoires devient inévitable. Il faudrait par conséquent soit se barricader, soit ouvrir les frontières. Cette analyse n’est-elle pas inutilement fataliste ? »

 

 

Le Brésil est-il fasciste, demande Renaud Lambert ? : « Les élections d’octobre 2018 au Brésil ont été marquées par la percée de M. Jair Bolsonaro et de sa formation d’extrême droite, le Parti social-libéral (PSL). Misogyne, homophobe, raciste, entouré de partisans d’un retour au pouvoir des militaires, M. Bolsonaro incarne un courant politique resté discret en Amérique latine depuis la fin des dictatures. »

 

 

Alain Deneault raconte quand le management martyrise les salariés : « Étrange paradoxe que celui du salariat. Graal moderne, le contrat de travail constituerait un préalable à l’émancipation : n’est-il pas supposé garantir les moyens de subsister ? Pour beaucoup, vivre revient donc à pointer. Mais entrer dans le monde de l’entreprise représente souvent aussi un asservissement aux contraintes liées à l’obsession du rendement. En d’autres termes, une entrave à la vie. »

 

 

Lori M. Wallachentrevoit les premières brèches dans la forteresse du libre-échange : « C’était l’une des grandes promesses de M. Donald Trump : une fois président, il mettrait en pièces l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) et le remplacerait par un nouveau traité. Dévoilé fin septembre, le texte renégocié comprend des reculs inquiétants, mais aussi plusieurs avancées sociales. Il porte ainsi un premier coup de canif à l’ordre commercial international. »

 

 

Temir Porras Ponceleónfait des propositions pour sortirde l’impasse au Venezuela : « Phare dans la nuit néolibérale des années 2000, le Venezuela traverse une crise aiguë. Plus de deux millions de personnes auraient quitté le pays, sur une population totale de trente et un millions. D’abord internes, les convulsions ont pris une dimension internationale à la suite de sanctions américaines. Celles-ci compliquent l’identification de solutions aux difficultés du pays. »

 

 

En Asie, les corridors de la discorde ne manquent pas (Samuel Berthet ) :« Les besoins d’infrastructures dans les pays du golfe du Bengale aiguisent les appétits. La partie se joue entre le Japon, l’Inde et la Chine, qui a relancé la concurrence avec ses « routes de la soie ». Les projets, peu regardants sur leurs conséquences écologiques, s’appuient souvent sur les militaires, au détriment des populations locales chassées de leurs terres, tels les Rohingyas. »

 

 

 

 

Le Monde Diplomatique (224)

Pour Karine Clément, Vladimir Poutine ne cache plus son visage antisocial : « Les autorités russes ont décidé de retarder de plusieurs années l’âge de la retraite. En pleine crise économique, le gouvernement a ainsi choisi d’épargner le porte-monnaie des grandes entreprises, trahissant la priorité qu’il accorde aux intérêts de l’élite économique. Au point que les succès internationaux de Moscou ne suffisent plus à assurer la popularité du président. »

 

 

Thierry Brésillon se demande s’il n’y a pas une Tunisie contre l’autre : « En 2019, les Tunisiens se rendront aux urnes pour élire leur président et renouveler leur Assemblée des représentants du peuple. Dans un contexte économique et social tendu, les débats et les polémiques portent davantage sur les personnes que sur les idées. Dès lors, la réduction du profond écart de développement entre la Tunisie côtière et celle de l’intérieur ne figure pas parmi les priorités. »

 

 

Pour Hicham Alaoui, l’utopie islamiste a échoué : « Les mouvements qui entendent faire de l’islam la source unique en matière de législation n’ont pas pu conquérir durablement le pouvoir. Combattus par des régimes autoritaires soucieux d’exploiter eux aussi le désir de religiosité, ils ont perdu de leur crédit en cédant aux jeux politiciens et en échouant à définir des politiques économiques à la hauteur des défis sociaux. »

 

 

Le référendum est arrivé à contretemps en Nouvelle-Calédonie (Jean-Michel Dumay) : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Telle est la question posée, le 4 novembre, à un corps restreint d’électeurs du territoire lors du premier référendum d’autodétermination prévu par l’accord de Nouméa. Mais, en suspens depuis trente ans, la question de l’indépendance importe moins que les maux de la société, auxquels les politiques tardent à répondre. »

 

                                                                   

 

Stefano Palombarini se demande si, en Italie, la fronde est antieuropéenne : « L’Italie a ravi à la Grèce la place de mauvais élève de l’Union européenne. En faisant la part belle aux dépenses sociales, sa loi de finances pour 2019 déroge au dogme de l’austérité. La Commission menace de sévir et crie au populisme. Cette grille de lecture, commode pour disqualifier toute désobéissance, ne permet pas de saisir les orientations du nouveau gouvernement transalpin. »

 

 

Pour Agnès Alexandre-Collier, le Brexit révèle les fractures des conservateurs britanniques : « Coup de tonnerre international, le Brexit s’explique en partie par les querelles internes du Parti conservateur, des motivations de l’ancien premier ministre David Cameron pour organiser un référendum aux stratégies de négociation de sa successeure Theresa May. Le camp tory, qui aime se présenter comme « le parti naturel du gouvernement », ressemble de plus en plus à celui de la discorde. »

 

 

Gérard Prunierestime qu’on assiste en Éthiopie à la fin des hostilités : « À la surprise générale, l’Éthiopie et l’Érythrée ont entamé à l’été 2018 un rapprochement spectaculaire. Le 16 septembre, elles ont même signé un accord de paix sous les auspices de l’Arabie saoudite. Depuis la fin de la guerre, en 2000, les deux dictatures vivaient dans une paix armée précaire. De la pérennité de leur réconciliation dépend la stabilité de toute la Corne de l’Afrique. »

 

 

Mathilde Harela observe que les prostituées nigérianes sont victimes du « juge » : « En France, désormais, l’importance des réseaux de prostitution nigérians dépasse celle des filières chinoises ou est-européennes. Présentes dans toute l’Europe, ces jeunes filles y sont le plus souvent attirées par des compatriotes plus âgées qui leur font miroiter une vie meilleure. Et qui, au moment du départ, s’assurent de leur docilité en confectionnant un petit objet doté de pouvoirs magiques : le « juju ».é

 

 

L’éloquence ou le bagou, demande Olivier Barbarant ?: « Bien s’exprimer est depuis longtemps un signe de distinction sociale et un outil de pouvoir. En vogue aujourd’hui, l’apprentissage de la parole en public affiche des objectifs divers, de la célébration du bagou à la recherche d’une expression libérée de ses empêchements, en passant par l’efficacité managériale. »

 

 

Paul Ariès fait l’éloge de la gratuité : « Le projet de revenu universel suscite l’enthousiasme de certains, dans leur immense majorité animés par un souci d’équité et de générosité. Mais leur ambition repose-t-elle sur des fondations solides dès lors qu’elle postule l’idée d’une « crise du travail », laquelle suggère qu’une partie de plus en plus importante de la population ne trouvera plus à s’employer ? La croissance de la productivité s’établissant à un niveau historiquement faible depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on pourrait au contraire conclure que les humains n’en ont pas fini avec le labeur. Ne vaudrait-il pas mieux asseoir sa réflexion sur l’identification d’une autre crise : celle de la marchandisation ? »

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8 novembre 2018 4 08 /11 /novembre /2018 06:25
Rédigée il y a plusieurs mois, cette analyse de Paul Ariès tombe aujourd'hui à point nommé (précédemment publié par Le Grand Soir).

 

Défendons le droit à l’énergie élémentaire via sa gratuité !

Je dis aux gauches et aux milieux de l’écologie, attention, le principal danger ce n’est pas de nous couper du peuple des automobilistes mais de rouler pour l’extrême-droite, car l’anti-fiscalisme a toujours été son fonds de commerce. Ne nous laissons pas gruger, même si nous ne sommes pas dupes que ces taxes ne serviront pas à financer la transition écologique mais à alléger la fiscalité sur le capital, sous prétexte de ne pas augmenter celle sur le travail. L’augmentation des taxes pétrolières prend certes le masque de l’écologie pour mieux faire avaler la pilule amère des politiques antisociales et d’austérité. Faut-il cependant aller manifester le 17 novembre non pas seulement aux côtés de l’extrême-droite mais sur des thèmes simplistes qui ne sont pas les nôtres, sous prétexte que ce mouvement exprime une colère populaire, sous prétexte que, même s’il s’agissait d’une mesure écolo, ce serait une mauvaise écologie. Nous devons certes rappeler que les milieux populaires n’ont pas choisi d’habiter loin de leur lieu de travail, qu’ils n’ont pas choisi d’avoir des voitures énergivores, que les riches peuvent prendre l’avion avec un fuel détaxé…

Mais faire de la politique du point de vue des gens ordinaires ce n’est pas courir après l’air du temps, surtout lorsqu’il celui-ci devient de plus en plus brun et bleu marine, ce n’est même pas donner d’autres réponses aux questions imposées par la pensée dominante, c’est parvenir à changer de paradigme. Il n’existe pas de bonnes solutions sociales et écolos dans le cadre du système. J’appelle donc les gauches et les milieux de l’écologie à défendre leurs valeurs, sans courir après un mouvement qui nous échappera nécessairement. C’est pourquoi je prône, avec les milliers de personnes signataires de l’appel « Vers une civilisation de la gratuité » (appelgratuite.canalblog.com) de nous retrouver autour du principe du droit à l’énergie et de sa gratuité. Ne nous laissons pas piéger dans un débat qui n’est pas le nôtre, ne faisons pas comme si la question de l’énergie se réduisait à celle de l’essence pour les voitures. Nous devons imposer dans le débat public les bonnes questions qui sont les nôtres, celle du droit de se chauffer et de se déplacer dans le cadre d’une nécessaire transition écologique, d’une sortie de l’économie carbonée. Nous appelons à défendre la gratuité de l’énergie élémentaire, c’est-à-dire celle des tarifs différenciés selon les usages, celle de la gratuité des TC urbains et périurbains, celle de la gratuité des TER, une gratuité garantissant des droits, celui de se chauffer, celui de se déplacer, celui de vivre et travailler au pays, celui du droit à la ville pour les milieux modestes (contre la gentrification). Nous ne devons pas courir après les ligues de contribuables, les antifiscalistes, qui défendent le chacun pour soi et la civilisation meurtrière de l’automobile.

 

L’échec du système marchand 

N’est-il pas paradoxal d’envisager la gratuité de l’énergie correspondant aux besoins élémentaires de la population alors que la planète subit les conséquences catastrophiques d’un siècle d’énergie carbonée bon marché et que les ressources conventionnelles de pétrole et de gaz sont en voie d’épuisement ? Le paradoxe n’est qu’apparent car le caractère marchand de l’énergie est incapable de garantir à chacun le minimum d’énergie indispensable pour vivre et conduit, par ailleurs, la planète dans le mur. 
Le capitalisme, passé par l’âge du charbon, du pétrole, des énergies non conventionnelles, type gaz de schiste, ne peut digérer les énergies renouvelables, sauf à les adapter à sa propre logique d’abondance marchande et non pas d’économies d’énergie, comme il l’envisage avec les parcs éoliens implantés en pleine mer ou avec les fermes agricoles géantes où ce n’est plus la production alimentaire qui rentabilise mais les déjections animales transformées en énergie !

L’énergie marchande n’est pas produite d’abord pour satisfaire les besoins des humains mais pour la capitalisation des actionnaires. Le système capitaliste a un besoin impérieux que les consommateurs consomment et même qu’ils consomment de plus en plus d’énergie. Le caractère insoutenable du système n’est donc pas de la responsabilité de ceux qui prônent la gratuité mais des marchands. Les experts évoquent, d’ailleurs, de plus en plus le risque de pénurie d’électricité en France, non pas par manque de nucléaire, mais parce qu’on a construit de grosses unités de production centralisées. Conséquence : les pertes d’énergie sont considérables puisqu’on estime que le tiers de l’énergie primaire disponible est gaspillée lors des processus de transformation en énergie finale. Dans ce domaine, comme dans les autres, le caractère marchand de l’énergie est inséparable des choix effectués en matière de science et techniques. Le capitalisme n’a ainsi retenu de la science thermodynamique que ce qui lui correspondait, c’est-à-dire la mise en équivalence de tous les systèmes énergétiques mesurés selon une même unité calorique, alors que les conséquences sociales, écologiques sont dissemblables, comme lui-même met en équivalence les marchandises avec l’argent. Le capitalisme a refoulé, en revanche, ce que cette même science thermodynamique dit du caractère entropique de l’univers, car si la quantité d’énergie reste toujours la même (premier principe), elle n’est plus disponible en raison de sa dispersion (second principe). Le moment semble donc venu de payer la facture entropique.

 

Le choix de la sobriété énergétique

La gratuité s’avère le plus court chemin pour remplacer l’architecture centralisée des systèmes énergétiques par la production locale d’énergies renouvelables, car elle favorise le choix de la sobriété contre celui des modèles d’abondance promus par l’industrie. La gratuité s’impose d’autant plus que la France n’est pas capable d’adopter, à l’instar d’autres pays, des solutions en demi-teinte, comme la tarification progressive, les systèmes de bonus-malus.

 

Quel droit à l’énergie ?

La consommation d’énergie a presque doublé dans le monde entre 1973 et 2012, bien que les pays européens aient réduit le gaspillage. Un Européen consomme trois fois moins qu’un Nord-Américain mais cependant trop pour que son mode de vie soit universalisable. La consommation par habitant des pays riches est vingt-cinq fois supérieure à celle de l’Inde ou de l’Afrique. Comment réduire notre dépendance à l’énergie en apprenant à différencier les usages ?

La meilleure solution consiste à aller vers la gratuité de l’énergie correspondant aux besoins élémentaires tout en renchérissant le gaspillage. L’OIG ne propose donc pas de rendre toute l’énergie gratuite, ni même de produire toute l’énergie possible, puisque la survie de l’humanité impose de laisser sous terre une bonne partie du pétrole restant, car son utilisation aggraverait le réchauffement. La gratuité de l’énergie repose sur la notion d’un droit à l’énergie comme on parle de droit à l’eau, à la santé, à l’éducation, etc. La quantité optimale d’énergie dépend, bien sûr, du mode de vie. Il va falloir assurer la transition rapide et douce entre un mode de vie énergivore et un mode de vie beaucoup plus sobre. Certains parlent de bouclier énergétique. J’accepte volontiers ce terme, s’il ne s’agit pas de réduire la gratuité au seul domaine vital. Ce socle doit au moins correspondre à ce que prévoient les tarifs sociaux actuels.

 

Gratuité et précarité énergétique

La gratuité donne une réponse à la hauteur de la précarité énergétique. Sept millions de Français souffrent du froid chaque hiver mais deux millions seulement sont éligibles aux tarifs sociaux. La facture énergétique pèse 9 % du budget des ménages, dont 4,6 % pour le logement et 3,6 % pour le transport individuel. Les ménages pauvres consacrent 15 % de leur budget à l’énergie et les riches 6 %. Cette part des dépenses énergétiques contraintes est croissante avec une aggravation des inégalités sociales mais aussi géographiques. L’ADEME précise que la facture énergétique d’un Parisien est inférieure de 44 % à celle d’un habitant d’une commune rurale. 


Je ne rentrerai pas dans les débats sur la définition de la précarité énergétique et je retiendrai celle donnée par les organismes internationaux et des associations comme la Fondation abbé Pierre, Droit au logement, Jeudi noir ou les Robin des bois. Un ménage est en précarité énergétique lorsqu’il consacre plus de 10 % de son revenu à sa facture de chauffage et d’éclairage. Cinq millions de ménages se trouvent en France dans cette situation, en incluant ceux juste en dessous du seuil parce qu’ils se privent de chauffage. Selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), ces cinq millions de ménages représentent 12 millions de personnes : 87 % sont dans le parc privé, 62 % sont propriétaires occupants et 9O% de ces propriétaires, souvent âgés, habitent une zone rurale. 70 % d’entre eux appartiennent au premier décile du niveau de vie. Ces cinq millions de ménages peuvent être décomposés en deux groupes : 3,8 millions ne peuvent pas payer les factures de chauffage et 3,5 millions sont dans l’impossibilité de chasser la sensation de froid, même en se chauffant compte tenu du type de logement. Ceux qui ne peuvent payer sont d’abord des familles propriétaires, des personnes âgées ; ceux qui souffrent du froid même en se chauffant sont plutôt des jeunes, des locataires, vivants en logement collectif.

Les causes de la précarité énergétique sont bien connues : la faiblesse des revenus que renforce l’érosion du pouvoir d’achat, le coût croissant de l’énergie qui devrait se poursuivre en raison de sa raréfaction et la mauvaise qualité thermique des habitats français, puisque les trois quart des logements se situent dans les classes D, E, F ou G, soit des consommations de plus de 150 kWh par m2 et par an. J’ajouterai les mauvais comportements induits par des modèles de vie ancrés dans une tradition énergivore voulue par le système.

Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, souligne que la part du budget consacrée à l’énergie (en intégrant la mobilité) a doublé en un quart de siècle, passant de 24 à 48 % pour les familles modestes et de 20 à 32 % pour les classes moyennes supérieures d’où un creusement des inégalités. Cette fracture énergétique s’ajoute donc à la traditionnelle fracture sociale. Les chercheurs ont établi les impacts de la précarité énergétique au niveau de la santé physique, psychique et sociale des individus. Les personnes tombent malades, souffrent de troubles mentaux et s’isolent. De nombreux spécialistes considèrent que ce seuil de 10 % correspond à une situation de précarité avancée et qu’il conviendrait donc davantage de retenir une approche beaucoup plus qualitative, en termes de besoins énergétiques non satisfaits.

 

La gratuité face à l’échec des tarifs sociaux

La gratuité de l’énergie prend acte de l’échec des tarifs sociaux, peu lisibles, peu protecteurs et non conçus pour favoriser la transition, même lorsque le système s’avère plus généreux qu’en France. La Grande-Bretagne est l’un des pays les plus efficaces du monde en matière de lutte contre la précarité énergétique : le Cold Weather Payment est versé selon le niveau de revenu si la température descend en dessous de 0 degré C pendant 7 jours consécutifs ; le Winter Fuel Payment est également donné à toute personne ayant l’âge de la retraite (quel que soit le niveau de son revenu). Le budget nécessaire est estimé à environ trois milliards d’euros. L’Allemagne est également plus généreuse que la France avec une aide forfaitaire d’environ 52 euros par mois et par ménage directement intégrée au revenu minimum via une aide sociale. Le budget est également d’environ trois milliards d’euros. 


La France a fait le choix d’un maquis d’aides totalement impénétrables pour le commun des mortels : Tarif de première nécessite pour l’électricité (TPN), Tarif spécial de solidarité pour le gaz (TSS), Forfait de charges lié aux allocations logement (ALAPL), Fonds de solidarité logement, aides extralégales accordées par les CCAS, etc. Ces dispositifs non coordonnés ne prennent pas en compte certains types d’énergies, comme le bois, le charbon, le propane, le fioul, pourtant très utilisés par les milieux populaires ruraux. La France a réformé son dispositif d’aides, en 2012, car le système déclaratif faisait qu’une personne sur deux qui aurait eu droit à l’aide pour l’électricité ne la demandait pas et une sur trois pour le gaz. Le nouveau dispositif automatique est un forfait non indexé sur le tarif de l’énergie alors que les factures ont bondi ces dernières années. La forfaitisation a donc été un cadeau empoisonné, car si les ayants-droits touchent désormais mieux leurs droits ils ne perçoivent pas grand-chose, l’aide varie de 71 à 140 euros par an en fonction du nombre d’occupants et de la puissance du compteur pour l’électricité, alors qu’elle était de 40 à 60 % par rapport au tarif réglementé mais plafonnée à 1200 kWh par an pour un logement, soit un volume très inférieur à la consommation réelle des foyers. Ceux qui se chauffaient au gaz bénéficiaient seuls des deux aides. L’aide, d’environ 100 euros pour une facture moyenne de 1700 euros, ne dépassait donc pas 6 % de la facture des plus pauvres. Les coûts de gestion du dispositif étaient évalués à 5 % du total des aides, soit 17 millions payés intégralement par les autres consommateurs, y compris le million de foyers qui auraient dû bénéficier du dispositif, mais ne le percevaient toujours pas et ceux situés juste au-dessus. Dès janvier 2018, un nouveau dispositif verra le jour sous le nom de Chèque énergie qui remplacera le TPN (électricité) et le TSS (gaz). Ce dispositif, valable pour tout type d’énergie et pour financer des travaux de rénovation énergétique (ce qui est très bien), pénalisera environ 1,3 millions de pauvres qui perdront en moyenne 70 euros par an. Le chèque énergie sera compris entre 48 et 227 euros alors que le TPN allait de 71 à 140 euros et le TSS de 23 à 185 euros… tandis que le tarif du kWh a augmenté de 40 % entre 2003 et 2016. La France ne concède finalement que 300 à 400 millions d’euros par an à ces aides soit le dixième de l’Angleterre et de l’Allemagne. Ces aides sont financées par les consommateurs, eux-mêmes, au titre de la Contribution au service public de l’électricité (CSPE) dont le taux plein représente 20 à 25 % de la facture (5 % va aux aides sociales). Cette Contribution a augmenté de 650 % depuis sa création en 2012. Le montant de la CSPE est plafonné pour les gros consommateurs notamment les entreprises alors que tous les petits paient…

 

Gratuité et tarification progressive

La gratuité du bouclier énergétique constitue une rupture avec le système de tarification marginaliste actuellement en vigueur, puisque ce dernier est dégressif, ce qui signifie qu’un gros consommateur paie beaucoup moins cher son énergie qu’un plus petit. Cette tarification dégressive, héritée des années 70 quand consommer toujours plus d’énergie était synonyme de progrès, équivaut, en raison du poids des abonnements dans la facture des consommateurs, à faire payer l’énergie des gros par les petits. L’alternative au système de tarification dégressive est donc la tarification progressive qui repose sur une idée simple : faire payer plus cher le prix du kWh d’électricité et/ou de gaz aux gros consommateurs qu’aux petits, afin de décourager les grosses consommations et d’orienter les investissements vers l’isolation. Les gros consommateurs subventionneraient ainsi la dépense énergétique des petits et seraient incités à changer leurs habitudes. Plusieurs pays, depuis le milieu des années 1970, pratiquent des tarifs progressifs, mais sans remettre en cause les fondements du système marchand et donc échouent à réussir la transition.

La gratuité de l’énergie élémentaire n’ajoute pas seulement une tranche gratuite aux tranches payantes existantes, car elle modifie la conception même du dispositif, puisqu’il ne s’agit pas tant de permettre aux pauvres d’avoir leur part au banquet énergivore que de faire de la gratuité un instrument pour changer le système actuel. L’instauration du système de gratuité couplé à des tranches tarifaires progressives, peut, cependant, s’inspirer des dispositifs existants. Ainsi la Californie développe depuis 1975 un dispositif, devenu avec le temps plus progressif, concernant l’électricité et le gaz. Le volume de base ou « baseline », égal à 50 ou 70 % de la consommation résidentielle moyenne, est modulé selon la zone climatique, selon la saison, selon la source d’énergie utilisée et selon l’utilisation éventuelle d’équipements médicaux… Il existe quatre à cinq tranches pour l’électricité et deux pour le gaz. Le prix du kWh varie de un à trois ou quatre entre la première tranche et la dernière.

La France échoue, depuis des années, à créer un tel dispositif. La gauche socialiste et écologique avait déjà tenté, en 2011, de faire adopter le principe d’une tarification progressive, via le vote d’un amendement, mais la droite s’y était opposée en évoquant le problème des résidences secondaires et en contestant l’idée que les plus gros consommateurs seraient nécessairement les plus aisés. Toutes les études prouvent qu’existe pourtant une corrélation positive entre la consommation énergétique et le niveau de vie et il serait aisé de mettre en place une autre tarification pour les résidences secondaires.

La gauche socialiste et écologique, devenue majoritaire en 2012, a tenté de faire adopter une loi dans ce sens, conformément à la promesse N° 42 de François Hollande et à l’accord conclu avec EELV. Cette proposition employait les termes de bonus et de malus, car le dispositif ne passait pas par une manipulation des tarifs réglementés mais par l’ajout d’une ligne sur la facture, en plus ou en moins. L’idée était d’étendre progressivement le champ d’application de cette loi à d’autres énergies, dites hors réseaux, comme le fioul domestique, le GPL, le bois de chauffage. Les sénateurs de droite, centristes et communistes votèrent contre cette tarification progressive mais la loi fut adoptée par l’Assemblée dans la nuit du 11 au 12 mars 2013. Mais le Conseil constitutionnel a finalement censuré ce texte, car seules les consommations domestiques (et non industrielles) étaient concernées, ce qui était « injuste » et « illogique ». Les juges constitutionnels ont, également, considéré qu’appliquer cette loi aux logements dotés d’un chauffage collectif, ne pouvant être réglé individuellement, instaurerait une inégalité entre les citoyens. La gratuité, couplée à un système de tarification progressive, pourrait, cependant, s’inspirer des grandes lignes de ce projet retoqué, en l’étendant aux entreprises et en trouvant des aménagements pour les logements collectifs non équipés de compteurs individuels. Faut-il obliger, par exemple, les immeubles à se doter de sous-compteurs permettant ainsi d’évaluer la consommation de chaque logement ? Nous pouvons retenir la prise en compte de grandes zones climatiques excluant un calcul commune par commune. Cette mesure garantit que le bon usage ne soit pas défini de façon abstraite par un volume de consommation mais par une température garantie. Peut-être faudrait-il, en revanche, prendre en compte le nombre des occupants et l’âge des membres du foyer (une personne âgée, toujours dans son logement, consomme naturellement davantage) ? Le principe serait de transformer la tranche basse en tranche gratuite mais en majorant beaucoup plus fortement les tranches suivantes. Les coefficients, servant à calculer les bonus et malus, qui étaient compris entre 0,8 et 1,5, devraient être revus à la hausse, car le tarif le plus bas aurait été seulement de 3 à 10 % moins cher que les tarifs actuels et les personnes passant au-dessus du tarif de base auraient obtenu un malus seulement de quelques dizaines d’euros. Bien sûr, il faudrait conserver l’idée de créer un véritable Service public de la performance énergétique de l’habitat afin d’assister locataires et propriétaires dans leurs démarches de réduction de consommation. Ils seraient systématiquement contactés et se verraient proposer des conseils gratuits et, au besoin, des aides pour améliorer leur logement ou modifier leurs comportements énergivores. Les locataires, non responsables de la mauvaise qualité de l’isolation de leur logement ni de la mauvaise qualité thermique du chauffage, pourraient déduire une partie du malus de leur loyer, afin d’inciter les propriétaires à réaliser les travaux nécessaires.

Cette tarification progressive, toujours considérée comme impossible en France, est, pourtant, pratiquée dans 90 pays dans le monde.

Concernant la progressivité des tarifs, les expériences internationales prouvent que l’efficacité du système dépend du volontarisme. Ainsi en Corée du Sud, six tranches existent avec une progressivité très forte puisque la dernière tranche est 11 fois supérieure à la première.

Concernant le volume de la tranche gratuite, la situation californienne est intéressante car elle montre que 50 % de la population se concentre dans la zone basse ce qui signifie que le nombre de gros consommateurs se trouve en fait assez réduit. 
J’ajouterai que la gratuité de la première tranche doit porter aussi sur celle de l’abonnement, sinon le rapport entre le montant de la facture et le nombre de kWh consommés serait plus élevé pour un petit consommateur que pour un gros. Il serait sage, d’ailleurs, de limiter la puissance des compteurs en s’inspirant de l’Italie où il ne dépasse pas généralement 3 kVh. Des études estiment la baisse de consommation à 6 % immédiatement (en raison des changements de comportements), et, à presque, 20 % à long terme (en raison des investissements : isolation des logements et appareils plus efficaces).

 

Gratuité et efficacité économique

La gratuité du bouclier énergétique s’avère bonne sur le plan économique, car en allant de pair avec la réduction globale des consommations, elle réduit le besoin en investissement dans les capacités de production d’électricité et diminue, également, la facture des importations de gaz naturel et de pétrole. Les chiffres réels de la facture énergétique sont certes incertains mais colossaux. La facture énergétique officielle est de 40 milliards d’euros, montant divisé presque par deux en raison de la chute des cours du pétrole. Ce montant n’intègre pas, cependant, le vrai coût du nucléaire, estimé par la Cour des comptes à 228 milliards d’euros depuis les années cinquante. Le nucléaire coûte immensément cher. Ce calcul ne tient pas compte, également, des frais de transport et de distribution, or le seul coût de la production ne représente, selon les experts, que 40 % du coût final. On estime donc que le nucléaire coûtera bientôt (compte tenu de l’explosion des coûts de maintenance et du surcoût de l’EPR) 120 euros le mégawatt/heure contre, par exemple, 80 à 90 pour l’éolien terrestre.

L’association NégaWatt retient l’hypothèse d’une facture énergétique de 110 milliards d’euros par an jusqu’en 2025 que ce soit pour le scénario « tendance » ou même pour le scénario NégaWatt en raison des investissements nécessaires à la transition. La facture du scénario NégaWatt diminuerait ensuite progressivement, jusqu’à atteindre 80 milliards d’euros, ce qui représenterait une économie globale de 370 milliards d’ici 2050. Le choix des ENR aurait, par ailleurs, un effet très positif sur l’emploi, grâce à la création nette de 100000 postes à plein temps d’ici 2020, 400000 d’ici 2030 et 500000 d’ici 2050.

Autre avantage économique : la régie apporte une autonomie garantissant d’utiliser les bénéfices au profit de la commune. Elle permet une reprise en main des réseaux, face au quasi monopole d’EDF sur la distribution d’électricité qui empêche les collectivités d’exercer leur contrôle sur les sommes prélevées, par exemple, au titre de l’entretien des réseaux ruraux. La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) estime à 11 milliards d’euros les provisions qui auraient dû être utilisées par ERDF pour moderniser le réseau mais qui sont restés au chaud dans la maison maire pour la seule période 1995-2005. La FNCCR est, également, très critique face à la mise en place des compteurs communicants, type Linky, car ils marquent le transfert de propriété à ERDF des compteurs et des systèmes de comptage, alors que les collectivités étaient jusqu’alors juridiquement propriétaires des ouvrages, des réseaux de distribution et des compteurs.

 

Gratuité et relocalisation énergétique 

Le choix d’un modèle marchand ou gratuit n’est jamais neutre au regard de la conception du système de production énergétique. Le capitalisme a abouti à la création d’un système centralisé, caractérisé par l’éloignement des lieux de production et de transformation des zones de consommation d’où les gaspillages liées à la logique des profits. Le choix de la gratuité va de pair avec celui de confier la production d’énergie aux collectivités locales afin de la décentraliser. La gratuité repose donc sur la montée en puissance des territoires de projets, considérés comme les acteurs principaux des énergies renouvelables, de l’efficacité et de la sobriété énergétiques. 


Les collectivités locales ont, d’ailleurs, longtemps été le principal acteur historique en matière d’énergie, avant les phénomènes de centralisation et concentration au profit d’EDF et de GDF. Les communaux au moyen-âge assuraient les besoins en chauffage de la population, puis, ce fut, du 19e siècle au milieu du 20e siècle, l’âge d’or des politiques énergétiques locales de gaz et d’électricité. Le système de concession à des entreprises privées ne fut qu’une parenthèse au 18e siècle (l’éclairage de Paris est concédé en 1769), avant le grand retour des régies afin d’assurer un meilleur contrôle. La loi du 15 juin 1906 fait d’ailleurs de l’accès à l’électricité et au gaz un Service public dont les collectivités locales sont responsables. Le département ne devenant compétent qu’en 1930 mais toujours aux côtés des communes, des syndicats de communes et de l’Etat. Une série de décrets instaurent, dès 1906, des Cahiers des charges, afin de contrôler les politiques énergétiques des collectivités territoriales. Un décret de 1917 réglemente l’essor des régies communales, au nombre de 7000 dès 1923 (soit 20 % des communes françaises). L’électrification des campagnes, devenue priorité nationale, est d’abord assurée, depuis 1923, grâce aux concours financiers de l’Etat, puis, par la création, en 1936, du Fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACE) qui fait contribuer les collectivités locales. La Loi du 8 avril 1946, nationalisant l’énergie, confirme le rôle central des collectivités territoriales mais substitue de nouveaux établissements publics nationaux aux différentes entreprises privées et locales : ce sera EDF pour électricité et GDF pour le gaz. Les collectivités se voient ainsi imposées un concessionnaire unique. L’Etat renforce même encore son contrôle en imposant des Cahiers des charges type, en 1960 pour l’électricité et en 1961 pour le gaz. La loi de décentralisation 1982 met fin à ces cahiers obligatoires, mais EDF et la FNCCR élaborent, en 1992, un nouveau cahier type. A la fin des années 1990, la Libéralisation du secteur de l’énergie est actée, avec l’ouverture systématique du marché à la concurrence.

 

La gratuité fait donc le choix d’un retour aux régies municipales d’énergie électrique (RMEE) alors qu’il n’en reste plus que 170. Ces Entreprises locales de distribution (ELD) productrices et distributrices d’énergie couvrent 5 % du territoire, 5 % des clients et 5 % de l’énergie. La principale ELD en France, Sorégies (dans la Vienne), fondée en 1925, couvre les besoins de 134000 consommateurs. Ce choix est celui de l’économie sur le plan comptable, puisqu’une facture d’électricité comprend un petit tiers pour la fourniture, un gros tiers pour l’acheminement et un tiers de taxes. Les RMEE gagnent sur l’acheminement et sur la fiscalité, puisqu’elles sont exonérées de la taxe communale de distribution de l’électricité (qui compose environ 8 % d’une facture). Les RMEE sont aussi souvent fournisseuses d’énergie ce qui apporte des recettes. Ce choix est aussi celui de solutions technologiques douces, comme la construction d’éoliennes, afin de viser à l’indépendance énergétique comme, par exemple, dans la commune de Montdidier en Picardie. Cette commune, en optant pour une production « verte » locale, a gagné sur tous les tableaux, car la chaufferie alimentée à 80 % par du bois local a permis de réaliser une économie de 18 % sur la facture du centre hospitaliser et des établissements scolaires. Dans d’autres communes, ce choix est celui de l’enfouissement des lignes électriques pour lutter contre la pollution visuelle.

 

Gratuité et efficacité écologique

La gratuité du bouclier énergétique satisfait une visée écologique, car en rendant plus chers les derniers kWh consommés, elle incite à réduire les consommations en récompensant les économies. Il s’agit donc bien d’utiliser ce mécanisme économique incitatif pour combattre toutes les formes de gaspillage.

 

La gratuité oppose donc au scénario du développement par l’abondance énergétique, promu par le Conseil mondial de l’énergie, un autre scénario fondé sur l’efficacité et la sobriété énergétiques. Ce scénario est d’autant plus crédible que la consommation d’énergie diminue, depuis quelques années, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, au-delà de l’impact de la crise et des délocalisations. Cette bonne nouvelle a permis, en 2017, à l’association NégaWatt de revoir à la hausse ses prévisions de réduction de consommation. Un nouveau scénario pour la période 2017-2050 a donc été travaillé (après ceux des années 2003, 2006 et 2011), avec pour objectif la réduction de moitié de la consommation d’énergie finale et de 63 % de l’énergie primaire, grâce au développement conjoint de la sobriété, de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. J’insiste sur le fait que cet objectif est visé à qualité de vie inchangée. Le concept de NégaWatt, inventé par le grand spécialiste Nord-Américain Amory B. Lovins (prix Nobel alternatif en 1983) se fonde sur la réduction à la source des besoins en énergie, par la sobriété. Il appelle à ne plus laisser les entreprises du secteur imposer les normes, mais à étudier en détail les besoins en énergie, en partant des différents types d’usages, tant individuels que collectifs. Le principe est de consommer mieux au lieu de produire plus, en se défaisant de la dépendance aux énergies fossiles et fissiles. Les NégaWatts sont donc de l’énergie non consommée, grâce à un usage plus sobre, plus efficace et aussi aux énergies renouvelables (ENR). Le nouveau scénario NégaWatt retient l’hypothèse d’un passage à 100 % d’ENR dès 2050, grâce à la biomasse, à l’éolien et au photovoltaïque. Le pétrole ne serait plus utilisé que pour des usages non énergétiques et la dernière centrale nucléaire fermerait en 2035. Ce scénario n’est possible qu’en utilisant les ressources locales diversifiées, en maîtrisant mieux le nombre, le dimensionnement et l’usage des nombreux appareils et des équipements. Il repose sur la primauté du gaz/électricité (non conventionnelle), en stockant les excédants d’électricité (locale et non fissile), sous forme de méthane de synthèse (selon la technologie power-to-gas).

 

Le grand Service public de la performance énergétique de l’habitat, déjà évoqué, serait chargé d’opérer des diagnostics gratuits, par caméra thermique pour donner des conseils gratuits sur les techniques et les tarifs des travaux (qui pourraient être aidés), il devrait, également, informer sur le choix d’équipements peu gourmands en énergie fossile (au moyen, par exemple, d’un label). L’Etat devrait, enfin, se doter des moyens juridiques, techniques et humains, afin de réduire ses propres consommations, par exemple, via des actions sur l’éclairage public (215 % d’économie en moyenne), mais, aussi, via la recherche d’une meilleure efficacité énergétique, dans l’ensemble des fonctions publiques et tout le service public.

 

La gratuité de l’énergie élémentaire s’avère donc la stratégie gagnante pour sortir, au plus vite, de l’énergie carbonée, en misant sur les ENR en fonction des meilleures sources locales : éolien, solaire, biomasse, géothermie, biogaz, valorisation énergétique des déchets, etc. Je prends le pari qu’il sera ainsi possible de rattraper très vite le retard de la France par rapport à l’Europe du Nord, y compris en matière de réseaux de chaleur (une cinquantaine seulement en France), alors qu’ils vendent l’énergie 20 % moins chère et contribuent largement à combattre les gaspillages.

 

(Extraits du livre Gratuité vs capitalisme (Larousse, 2018)

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5 novembre 2018 1 05 /11 /novembre /2018 06:32

 

 

Une fois n’est pas coutume, citons Le Figaro : « En dix ans, la valeur du patrimoine net des administrations publiques est passée de 57% à 8% du PIB.

 

[…] La différence entre la dette publique et les actifs financiers s’élève à 1837 milliards d’euros, et correspond aux engagements financiers nets de l’État. Une somme équivalant à 80% du PIB, quand la moyenne de la zone euro est à 68% et celle de l’Union européenne, un peu plus vertueuse, à 64%. La France fait un score comparable à celui du Royaume-Uni ou de la Belgique. La dette nette de l’Italie, mauvaise élève, atteint 120% du PIB, alors que la Suède est le pays le plus sain financièrement, avec un solde positif (actifs financiers nets représentant 20% du PIB).

 

 

Selon Communistes Hebdo, sans autre perspective politique que celle de « sortir les sortants », c’est la tendance à confier le pouvoir à des forces qui prônent la répression et l’ordre vers laquelle se tournent une majorité des couches sociales qui s’estiment déclassées. L’impérialisme étasunien use de cette situation pour reprendre la main politique dans toute cette région qu’ils estiment être leur « arrière cours ».

 

Si nous ne sous-estimons pas le danger politique que représente l’élection de Bolsonaro, qui va accélérer la mise en œuvre des objectifs du capitalisme brésilien, un homme entièrement au service de l’impérialisme étasunien et la nécessité de le combattre en soutenant les forces démocratiques brésiliennes, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une analyse approfondie de la situation en mesurant et en faisant mesurer les limites, et au bilan l’échec, des forces politiques se réclamant du changement mais qui en réalité laissent croire que le changement est possible en maintenant le pouvoir de la bourgeoisie capitaliste et ne  s’attaquant donc pas à la domination du grand capital.

 

 

Théophraste, dans Le Grand Soir, évoque les malheurs d’un pays pas si lointain : « Presque un quart de la population a fui. Pourtant, ce pays n’est pas en guerre. Ce sont les plus éduquée (médecins, avocats, ingénieurs) qui sont partis. Les conséquences s’en feront sentir dans une dizaine d’années.

Le chômage touche plus de 23% de la population active (48% pour les moins de 25 ans). Les suicides ont augmenté de 35 % en 10 ans. Près de 30 % des citoyens ont perdu leur couverture sanitaire. Les dépenses allouées aux hôpitaux publics ont baissé de 40 %.

Le taux de fécondité par femme a chuté à 1,3 en 2018, ce qui est insuffisant pour assurer le renouvellement des générations. On prévoit qu’en 2060, le pays aura perdu environ 2 millions d’habitants.

Vous croyez peut-être que je parle d’un désastre dû à des sanctions étasuniennes, européennes ou à un sabotage organisé par le patronat local et l’opposition au Venezuela. Mais c’est la Grèce que j’évoque : pays frère, membre de l’Union européenne. »

 

 

Revue de presse (255)

Dans Le Monde Diplomatique, Alain Deneault explique comment Didier Lombard a dégraissé France Telecom : « En 2004, France Télécom a changé de statut. Depuis, plus de 50 % de son capital provient d’investissements privés, et tout le secteur des télécommunications est ouvert à la concurrence. L’entreprise entre alors dans une gestion de type « gouvernance », notamment en « responsabilisant » son personnel.

 

Moins employés que «  partenaires  » à même l’entreprise, les subalternes apprennent à se rendre pertinents auprès de leurs supérieurs immédiats. Ils doivent atteindre des objectifs irréalistes, développer des méthodes de vente dégradantes, se donner des formations d’appoint, rivaliser pour se caser dans de nouveaux organigrammes, acquérir de nouvelles compétences, sous peine d’être laissés sur le carreau. C’est d’ailleurs l’un des buts de la manœuvre : décourager plus de vingt mille d’entre eux, afin qu’ils quittent l’entreprise sans devoir être formellement licenciés. Un propos de Didier Lombard devant les cadres de France Télécom, le 20 octobre 2006, résume son état d’esprit : « Je ferai les départs d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte. »

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3 novembre 2018 6 03 /11 /novembre /2018 05:52

Les Éditions Bayard ont été créées en 1873 par le fondateur des Augustins de l'Assomption. Elles possèdent de très nombreuses publications de qualité : La Croix, Le Pèlerin, Pomme d'Api, Okapi etc. Bayard compte 36 millions de lecteurs dans le monde.

 

Le problème avec les intellectuels catholiques – attention, Bernard, je sens que tu vas verser dans l'anticléricalisme primaire – c'est qu'ils ont toujours hésité entre Torquemada et la bonne conscience. Après 1917, Bayard éditera des romans anti-bolcheviks. Aujourd'hui, la maison produit des ouvrages prévenant les enfants contre la pédophilie. Intention très louable.

 

J'ai sous les yeux un ouvrage où Bayard s'emmêle les pinceaux dans les couleurs. Ne vous attendez surtout pas à ce que l'ouvrage ait mis en scène un bon père habillé de noir et un enfant de chœur toute blanc vêtu. Cas de figure pourtant on ne peut plus répandu.

 

Une première histoire raconte met en scène la sidération d'un petit garçon sportif tripoté par son entraîneur.

 

Les Éditions Bayard et le politiquement correct

 

Faut-il s'en étonner, l'entraîneur (de rugby) est blanc et blond tandis que l'enfant est franchement noir ? Il est conseillé à l'enfant, et donc aux lecteurs, de ne pas taire le problème, de se confier aux parents. On découvre que le père du gamin est blanc et que sa mère est noire. On aurait pu s'attendre à un enfant métis. Mais non, d'autant que le frère du petit sportif est lui aussi très noir.

Les Éditions Bayard et le politiquement correct

 

Le père et son fils vont raconter l'histoire au commissariat de police. La déposition est prise – politiquement correct au carré – par une policière, comme par hasard, noire.

Les Éditions Bayard et le politiquement correct

 

Une seconde histoire met en scène une petite fille et son oncle avant des caresses dans une voiture. L'oncle, coutumier du fait, est blanc et mal rasé.

Les Éditions Bayard et le politiquement correct

 

Par ailleurs, Bayard met en garde les enfants fous d'écrans contre les prédateurs sur internet. Avec ici un homme blanc à l'expression perverse.

Les Éditions Bayard et le politiquement correct

 

Donc pas de curés pédophiles, pas d'agresseurs arabes ou noirs.

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22 octobre 2018 1 22 /10 /octobre /2018 05:45

 

 

Le Grand Soir attire notre attention sur le sort de Julian Assange.

 

  • qui n'a jamais été accusé de viol
  • qui n'a violé aucune loi (d'une juridiction dont il dépendait).

L'indifférence des grands médias et leur diffusion de fausses informations sur cette affaire n'est pas pour nous surprendre, ajoute Le Grand Soir.

Plus troublant est le silence des médias "alternatifs" qui ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui sans le travail de Julian Assange et de Wikileaks.

 

 

Philippe Poutou, note le site Regards.fr à propos de l’usine Ford, estime que, malgré une proposition de reprise, ils osent dire « non, on veut fermer l’usine ». C’est pour ça que le gouvernement a mis dans les pattes de Ford un repreneur qui s’appelle Punch – qui est un proche de Macron. Mais Ford ne s’est pas laissé séduire et n’accepte pas la reprise. Leur détermination est quand même assez dingue.

 

Une reprise, dit Poutou, ce n’est pas juste une usine avec des ouvriers et celui qui s’en va donne les clés. Ça fonctionne quand le repreneur a de l’activité dès le départ, sinon, une activité industrielle ça met deux ans à se mettre en place et pendant ce temps on se retrouverait sans travail. Or, Ford ne veut pas laisser d’activité, parce que ça voudrait dire que, quelque part, ils sont encore liés à l’usine pendant un ou deux ans. Et certainement que, financièrement, ce sont des contraintes. Sauf que c’est du devoir, de la responsabilité de Ford que l’usine fonctionne après son départ. C’est surprenant de voir une multinationale tout faire pour qu’il n’y ait pas de reprise. Et une fois qu’elle décide de fermer, c’est beaucoup plus compliqué. On l’a vu avec Goodyear. On s’aperçoit que Ford se comporte comme des sagouins. Ils ont pris une décision, ils ne s’en expliquent pas et ils ne changent pas d’avis.

 

 

Revue de presse (254)

 

Dans l’émission “ Arrêt sur image ”, Daniel Schneiderman revient sur l’interview d’Alexis Corbières par Léa Salamé : « Vous avez la preuve que Mme Belloubet a donné l’ordre de ces perquisitions ? » demande Léa Salamé à Alexis Corbière, au lendemain de l’orageuse perquisition dans les locaux de la France insoumise. Ah, chère Léa ! La preuve ! Bien sûr que non. Quelques souvenirs, en revanche. Pas très anciens : c’était il y a à peine un mois. La presse se faisait l’écho d’une information : Emmanuel Macron avait personnellement recalé trois candidats à la succession de François Molins au poste de procureur de Paris. Au vu et au su de tous, Macron faisait voler en éclats l’increvable fiction française de « l’indépendance de la Justice ».  

 

 

Dans un article très roboratif de soutien à Jean-Luc Mélenchon publié par Le Grand Soir, Jacques-Marie Bourget met en garde le président de la France Insoumise contre une certaine naïveté. Alors, perquisition ? Garde à vue ? Rions ! Souviens-toi, Jean-Luc, qu’en 1994 les policiers ont refusé d’exécuter une perquisition au domicile des époux Tibéri !

 

Cette justice est celle qui, à Bar-le-Duc, a provoqué la pendaison en cellule d’un malheureux libérable. Victime de deux magistrates ayant rédigé un faux jugement, le supplicié est resté illégalement en prison et s’est suicidé. Et ces deux-là n’ont même pas été réprimandées par le CSM, le Conseil Supérieur de la Magistrature. 

 

Ce que tu n’as pas totalement compris, cher Jean-Luc, c’est que la machine, les corps « constitués » nous gouvernent aussi. Ils sont capables de nous étrangler sans même un ordre suprême. Presse ou justice ? Nous vivons sous un régime « d’état d’urgence », avec des « bavures » qui n’en sont pas. Où un policier sans état d’âme peut se substituer au laitier et s’en aller sortir du lit un responsable politique pour le mettre nu.

 

Pour le croire il faut avoir vu, sur Soir 3 le mardi 16 octobre, une journaliste questionner le secrétaire adjoint du syndicat policier Alliance. La délinquante (puisque complice) demandait au flic de réagir aux vidéos du Mélenchon en colère... Savez-vous, à France 3 et dans la police, qu’il s’agit ici d’un acte illégal ? Ce témoin au-dessus de tout soupçon violant à la fois le secret professionnel et le secret de l’instruction. Voilà le journalisme du nouveau monde, c’est la police qui parle.

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20 octobre 2018 6 20 /10 /octobre /2018 05:28

 

Comme son nom l'indique, l'ordalie est un supplice. Lorsque les preuves contre l'accusé n'étaient pas suffisamment établies, on (l'Église, chez nous) lui imposait le “ Jugement de Dieu ”. Par exemple, apposer la main droite sur des braises rougies. Si l'accusé ne souffrait pas, s'il n'était pas brûlé, il était innocent. On trouve l'ordalie dans le code d'Hammourabi (1750 avant JC).

 

Le Concile de Latran interdit cette pratique en 1215.

 

Elle existe toujours en Égypte (dans d'autres pays peut-être). Dans le cas présent était accusée par sa famille de lui avoir dérobé 2 000 dollars. Une somme, il est vrai !

 

Les autorités religieuses l'ont donc contrainte à lécher par trois fois cette cuiller en fer rougie par le feu.

 

L'idée (sic) étant qu'une personne coupable est très nerveuse, ce qui assèche sa langue.

 

Comme elle ne s'est pas brûlée, la personne a donc été déclarée innocente et la famille l'a réintégrée en son sein.

 

Une idée judicieuse pour la centaine de tribunaux islamiques (Sharia Courts) reconnus d'utilité publique par les autorités britanniques.

 

PS : Immédiatement après l'épreuve du feu, cette dame, comme elle était en présence d'hommes qui ne rigolaient pas – des juges tout de même – s'est intégralement revoilée.

 

 

 

L'ordalie à deux pas des pyramides

 

Ici, trois hommes ont accepté cette compétition, ce qui a facilité le travail de la police.

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