1% de croissance ? 1,5% ? La belle affaire ! Comme si cette dérisoire embellie pouvait améliorer le sort de la majorité de la population. Comme si cela pouvait permettre une sortie de crise alors qu’il n’y a pas de crise mais des transferts toujours plus massifs de la richesse vers le centile supérieur et une dévolution des pouvoirs décisionnels à des puissances situées hors du champ démocratique, dans des zones de non-droit.
Depuis 2008, on assiste dans le monde entier, non pas à une “ crise ”, mais à une guerre de classes dont l’objectif est de saper les conquis sociaux, de tirer les salaires vers le bas, de casser les services publics ou, à tout le moins, de les soumettre aux normes du privé, de faire s’épuiser (burn-outer) des travailleurs considérés uniquement comme des variables d’ajustement. Et ce ne sont pas des structures comme le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, censées aider les travailleurs qui ont perdu leur emploi à cause des effets négatifs de la mondialisation (mais où sont donc les effets positifs ?) qui rendront espoir aux dizaines de millions de sans emploi sous nos latitudes.
La “ crise ” est une stratégie exclusivement au service du capital financier. Le reste n’est que casse. En France, la production industrielle a reculé de 16% par rapport à 2008 et est redescendue niveau de 1994. 2,5 millions d’emplois ont été détruits depuis 1990. 150 000 en 2012. Les acquisitions et les fusions frappent systématiquement les travailleurs qui ne peuvent plus lutter mais qui doivent, en tant que « partenaires sociaux », accepter des accords à la baisse pour « préserver » ce qu’il reste de l’emploi.
Areva est en grande difficulté. Sûrement pas par la faute des travailleurs. La société a perdu 4,8 milliards d’euros en 2014. 4 000 travailleurs seront licenciés en France d’ici 2017, 6 000 au total dans le monde sur un effectif global de 45 000 personnes.

Alcatel-Lucent est en train de fusionner avec Nokia par le biais d’une opération d’échange d’actions pour une somme de 15,6 milliards d’euros. Certains actionnaires sont très inquiets, comme par exemple le fonds de gestion britannique Odey Asset Management qui possède 6 % du capital d’Alcatel-Lucent, et est par conséquent le deuxième actionnaire du groupe. Il s’est récemment dit « mécontent » des conditions du rachat. En cause, l’opération d’échange d’actions qui prévoit que chaque actionnaire d’Alcatel verra son poids divisé par trois dans le nouvel ensemble.
« L’accord a été présenté comme une prise de contrôle d’Alcatel-Lucent par Nokia, a expliqué le fonds à ses investisseurs lors d’une mise à jour trimestrielle. En réalité, la prime qu’ils offrent a toutes les caractéristiques de celle offerte lors d’une fusion. Nous estimons par conséquent que les conditions de l’opération sont inacceptables. » Dans un document transmis à l’Autorité des marchés financiers, le fonds d’investissement a indiqué ne pas vouloir céder ses parts à Nokia dans ce contexte.
Cela se passe bien au-dessus des têtes des travailleurs, mais aussi de celles des gouvernants. Cette fusion marque de toute façon une nouvelle étape dans le démantèlement d'Alcatel Alsthom, ex CGE, ex CIT, ex SACM etc. Autrefois entreprise nationale, Alcatel Alsthom était leader mondial dans toutes ses activités et employait 200 000 travailleurs. Avant sa privatisation par Balladur en 1987, Alcatel était un des leaders mondiaux dans la fourniture des commutateurs téléphoniques numériques, des câbles de transmission sous-marins, de l'infrastructure mobile, des applications de réseaux intelligents, des applications de Centre d'Appel, des applications vidéo (fixe et mobile) ainsi que des satellites et des charges embarquées, des marchés des réseaux optiques, des équipements d'accès DSL et des routeurs ATM et IP. Depuis que le capital en a pris le contrôle, 100 000 emplois ont été supprimés, l’entreprise est passée sous le contrôle de l’allemand Lucent. Aujourd’hui, la fusion avec Nokia est présentée comme « indispensable pour sauver l’entreprise » alors qu’il s’agit d’une nouvelle étape vers toujours plus de profits et toujours plus d’exploitation des travailleurs.
Renault Trucks (avec un nom étasunien, ça roule tout de suite mieux) a été intégré dans le groupe Volvo en 2002 (Volvo a été vendue en 2010 au chinois Geely pour 1, 8 milliards de dollars). L’actionnaire Renault s’est retiré du capital en 2012. En un an, le groupe a supprimé 4000 emplois dans le monde sur un total de 104 000. Au premier trimestre 2015 Renault – Volvo – Trucks a réalisé un bénéfice net de 457 millions d'euros. La suppression de 500 emplois en France est prévue pour 2015.
Souvenons du kleiner Mann à talonnettes lors de la campagne de 2007 face à des employés de GDF : « jamais je ne privatiserai l’entreprise ». GDF a été privatisée au profit de ses copains et elle est désormais affublée d’un faux nom anglais. 3 000 emplois viennent d’être supprimés en 18 mois. Derrière le sobriquet Engie se cache à peine une stratégie visant à transformer pleinement l’entreprise en opérateur financier. Engie c'est 22,1 milliards de chiffres d'affaires et 3,6 milliards de résultats financiers.
Lorsqu’en 2014 les ciments Lafarge (12,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires) fusionne avec la société suisse Holcim (21, 65 milliards de francs suisses de chiffre d’affaires), une première vague de 480 emplois supprimés est déposée dans la corbeille de mariage. Le nouveau groupe, qui pèse 35 milliards d'euros de chiffre d'affaires, compte 130 000 salariés et se donne entre 12 et 18 mois pour « rationaliser ses activités ».
Le leader du transport européen Norbert Dentressangle (4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013, 8 000 camions) a été vendu à XPO – Logistics (États-Unis) le 28 avril 2015. La transaction financière s'élève à 3,24 milliards d'euros. Le groupe s’est donné 18 mois pour « rationnaliser ».
Vallourec (multinationale qui fabrique des tubes, des oléoducs, des gazoducs, de l’équipement pour automobile) est implantée dans 20 pays et compte 23 000 salariés. L'entreprise a réalisé 5,7 milliards de chiffre d'affaires, 224 millions de résultats nets en 2014. L’entreprise veut « réduire les coûts ». Mais pas les dividendes versés aux actionnaires. En avril 2015, Vallourec annonce la suppression de 2 000 postes dans le monde du fait du contexte de baisse d'investissement dans l'industrie pétrolière et gazière lié à la baisse des cours. Dans le même temps, elle rachète 10 millions de ses propres actions (sur 128 millions).
Ailleurs, Siemens a supprimé 13 000 emplois. Airbus licencie mais verse 1 milliards d’euros à ses actionnaires. Dans les grandes entreprises, les profits ont augmenté de 30% en 2014.
Le capital est assurément toxique.