Dans une optique puritaine, la clarté et l’obscurité des jardins reflètent le combat mené par l’individu face au bien et au mal. Au XVIIe siècle, les comédies de la Restauration traduisent ce combat, ce dérèglement. En 1664, George Etheredge, dans la Vengeance comique, ou l’amour dans un tonneau, introduit le personnage de la dame de qualité qui a de forts appétits sexuels et qui prend l’initiative. Il s’agit bien sûr d’une farce mais le jardin permet l’inversion des rôles. Une riche veuve, qui s’appelle Rich, entraîne le timoré Frollick (to frolic = batifoler) dans le jardin des délices :
Sir Frederick – Où ? Où voulez-vous me conduire, madame ? Quelle est votre intention ? Veuve Rich – Faire un tour dans le jardin et nous arrêter dans un endroit frais. Sir Frederick – Madame, je n'ose m'aventurer sous ces ombrages propices au badinage. Je devine que vous avez l'esprit à parler d'amour, mais mon cœur est trop tendre pour qu’on puisse lui faire confiance dans ce genre de conversation. Veuve Rich — Je ne peux imaginer que vous soyez aussi sottement vaniteux. Est-ce votre esprit, monsieur, ou votre personne qui me parle ?
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La belle époque !
Rien n’est donc simple, rien n’est manichéen, mais tout tremble d’une manière incertaine, comme Daniel Defoe l’a si bien suggéré avec Lady Roxane ou l'Heureuse Catin, ou encore Moll Flanders qui décrit la chute et la rédemption d’une prostituée bigame, voleuse et incestueuse, toujours du point de vue du personnage. Pour les protestants, ce qu’est Defoe, le chaos n’est pas dans la nature mais dans l’homme. L’esthétique gothique convient parfaitement pour traduire ce chaos. La peinture, quant à elle exprimera désormais davantage une vision tourmentée, contrastée de la réalité, plutôt qu’une vision claire, ordonnée et harmonieuse. Turner aura fait oublier Poussin et sa vision de l’Antiquité.
En 1756, Edmund Burke publie son traité d’esthétique Enquête philosophique sur l’origine de conceptions du sublime et du beau. Pour Burke (le libéral qui, plus tard, réagira de manière très conservatrice à la Révolution française), le beau est ce qui est bien constitué, plaisant à l’œil, tandis que le sublime peut nous contraindre, voire nous détruire. Nous craignons le sublime car nous voyons en lui l’infini et notre propre mort. Burke postule qu’il faut chercher à établir la relation entre le monde extérieur au sujet et le monde qui emplit l’esprit du sujet. Il faut dépasser le cartésianisme– Burke fut toujours hostile à la philosophie française, à l’« esprit du siècle » – car il sépare artificiellement ces deux mondes.