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15 juin 2023 4 15 /06 /juin /2023 05:01
Le flicage dans l'université (auto ou pas) ne s'arrêtera jamais.
Par Marine Dessaux
 
Ils rejoignent les médecins, avocats, magistrats. Avec quelques nuances ! Désormais, les docteurs, à l’issue de leur soutenance, prêteront serment. Un serment qui ne signifie pas l’entrée dans un ordre professionnel, mais qui est lié à l’obtention d’un diplôme et à l’intégrité scientifique qui l’accompagne.
C’est un pas de plus pour sensibiliser à l'éthique et l’intégrité scientifique dans le doctorat : désormais, à l’issue de la soutenance, après un verdict du jury positif, les nouveaux docteurs prêteront serment.
Une mesure mise en œuvre tout récemment, par un arrêté du 26 août 2022 paru le 31 août au Journal officiel, mais qui est l’aboutissement d’une réflexion lancée dès les années 90 par des intellectuels et scientifiques tels que Michel Serres et Pierre Léna.
Il a fallu attendre octobre 2020, alors qu’en plein cœur de la crise sanitaire, plusieurs affaires ont ébranlé la confiance du public dans la science (notamment celle de la chloroquine), pour voir l’adoption, pendant les débats sur la loi de programmation de la recherche (dite « LPR »), d’un amendement défendu par les élus communistes Pierre Ouzoulias, Jérémy Bacchi et Céline Brulin.
Le « serment des docteurs relatif à l’intégrité scientifique » était né. Encore fallait-il en imaginer le contenu concret…
Que dit le serment ?
Le texte publié au Journal officiel est le suivant :
« En présence de mes pairs. Parvenu(e) à l’issue de mon doctorat en […], et ayant ainsi pratiqué, dans ma quête du savoir, l’exercice d’une recherche scientifique exigeante, en cultivant la rigueur intellectuelle, la réflexivité éthique et dans le respect des principes de l’intégrité scientifique, je m’engage, pour ce qui dépendra de moi, dans la suite de ma carrière professionnelle quel qu’en soit le secteur ou le domaine d’activité, à maintenir une conduite intègre dans mon rapport au savoir, mes méthodes et mes résultats. »

Mais comment a-t-il été élaboré ? Chargé de concrétiser ce qui n'était alors qu’un article de la LPR, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri), sous l'égide Frédérique Vidal, s’est tourné vers l'Office français de l’intégrité scientifique (Ofis), l'Académie des sciences et le Réseau national des collèges doctoraux (RNCD).

De la surprise au chantier
Après une première phase de surprise face à cette nouveauté, il a fallu se retrousser les manches. « Nous ne nous attendions pas à la création d’un tel serment, raconte Sylvie Pommier, présidente du RNCD, il a d’abord fallu déterminer quelle serait l’intention. Suite à une première phase d’incompréhension a suivi une phase de questionnement : fallait-il créer un serment dès le début de la thèse [comme c’est notamment le cas à l’entrée de l'École nationale de la magistrature, NDLR] et avoir les mêmes attentes dès le premier jour du doctorat que pour un chercheur ? Cela semblait compliqué. »
S’est également posée la question de proposer un ou plusieurs textes parmi lesquels le doctorant aurait pu choisir. « Cela aurait été intéressant d’avoir deux ou trois textes, mais cette option n’a finalement pas été retenue en raison d’une mise en œuvre complexe », explique Sylvie Pommier.
Ensuite est venu le temps de la rédaction. « Nous avons trouvé un consensus rapidement, notre souci commun était de produire un texte court, vraiment centré sur l’intégrité scientifique sans considération plus générale de vertu ou morale. Nous voulions également mettre en avant le fait que ce serment n’est pas porté uniquement par ceux qui poursuivront une carrière dans la recherche : la formulation ouvre aux autres trajectoires professionnelles », se remémore Stéphanie Ruphy, directrice de l’Ofis (Office français de l'intégrité scientifique).
Un serment collectif
Autre point spécifique, le texte précise « pour ce qui dépendra de moi », une façon de rappeler que les exigences de l’intégrité scientifique ne reposent pas uniquement sur les épaules d’un individu, mais sur tout l’écosystème de la recherche, explique celle qui est également professeure en philosophie.
Elle souligne aussi que « les doctorants vont signer à l’entrée de leur thèse une charte expliquant que le futur docteur devra prêter serment, celle-ci sera également signée par les encadrants et le laboratoire : c’est une façon de marquer que ce serment est collectif ».
En effet, les établissements publics d’enseignement supérieur doivent faire évoluer leur charte du doctorat, en y intégrant un paragraphe relatif au respect des exigences de l’intégrité scientifique.
Quelle valeur ?
Le serment des docteurs, contrairement à celui des avocats, médecins ou policiers, a une valeur purement symbolique puisqu’il n’est pas juridiquement contraignant. Néanmoins « sa pratique est ancrée dans un cadre légal et engage moralement la docteure ou le docteur, qui peuvent l’invoquer pour refuser d’effectuer des actions en tension avec les principes de l’intégrité scientifique », précise la fiche pratique de l’Ofis.
« Cela ne marque pas l’entrée dans un ordre professionnel, qui aurait une compétence pour sanctionner, mais l’obtention d’un diplôme. Il reflète que, lorsqu’on est docteur, on a un certain rapport à la méthode scientifique », complète Stéphanie Ruphy.
Critiques
Sur les réseaux sociaux, la parution du serment a créé la surprise et suscité de premières critiques. Les uns estimant qu’une telle démarche n’aura aucun impact, les autres s’interrogeant sur les conséquences en cas de refus de prêter le serment.
Source (pour ceux qui imaginent que le vieil universitaire que je suis publie sans source, au doigt mouillé).
 
 
Pourquoi les docteurs dans l'université vont-ils désormais prêter serment ?
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11 juin 2023 7 11 /06 /juin /2023 05:01

La citation est une béquille. Bien utile dans toutes les circonstances de la vie. Les sites spécialisés en comptent des dizaines de milliers. La citation est la compagne bienfaisante de l’homme qui ne vise qu’à se cultiver et à transmettre aux autres son savoir, ses découvertes. Pour celui qui pratique l’esbrouffe, la citation est le marqueur de celui qui étale sa culture comme de la confiture et qui est fondamentalement en insécurité. Pour ce qui me concerne, j'aime citer des auteurs qui m'apprennent quelque chose ou qui expriment un argument mieux que je n'aurais su le faire. D'un point de vue pragmatique, je sais qu'une citation a pour effet de réveiller le lecteur qui a peut-être tendance à s'endormir en me lisant, même si je rédige dans ce blog des textes plutôt courts. Et, égoïstement, je sais qu'une citation aura sûrement pour effet de me rendre plus crédible.

 

En m’aidant de l’ouvrage de Gavin’s Clemente-Ruiz, J’y suis, j’y reste, petite anthologie des expressions de notre Histoire (Albin Michel), je voudrais revenir sur quelques citations approximatives, voire complètement fausses, non sans avoir relu Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient de Freud.

 

« La France a perdu une bataille, mais la France n’a pas perdu la guerre ! » Cette phrase, De Gaulle ne l’a pas prononcé au micro de la BBC en juin, et elle n’a même pas été écrite. En revanche, après le discours de capitulation de Pétain, De Gaulle fut l’auteur de ce questionnement : « L’espérance doit-elle disparaitre, la défaite est-elle définitive ? Non ! » L’historique « La France a perdu une bataille… » apparaîtra plusieurs semaines après le 18 juin sur des affiches placardées sur des murs à Londres. Dans le même temps, le 28 mai 1940, Duff Cooper, ministre de l’Information chargé des relations avec les Forces françaises libres à partir de 1943, déclarera : « Même si les alliés ont perdu cette bataille, nous ne devrions pas avoir perdu la guerre. »

 

 

« Honi soit qui mal y pense ». La devise anglo-normande de l’Ordre de la Jarretière, la plus haute distinction de la chevalerie anglaise. Ce jour- là (le 23 avril 1348), le roi Édouard III danse avec sa maîtresse Jeanne Plantagenêt, comtesse de Salisbury. La jarretière de la jeune dame tombe par terre devant une foule de courtisans horrifiés. Le roi la ramasse en disant : « Honi soit qui mal y pense, tel qui s’en rit aujourd’hui s’honorera de la porter demain, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs le chercheront avec empressement. » Le problème est que cet épisode a été rapporté par l’historien italien Polydore Virgile en 1534 dans son Anglica Historia. Too good to be true, donc.

 

 

« Le calembour est la fiente de l’esprit qui vole » (Victor Hugo). On se dit que le grand Totor détestait le calembour. Or il l’adorait. C’est une phrase qu’il fait prononcer par un personnage de son roman le plus célèbre. Une citation exhaustive s’impose : « Le calembour est la fiente de l'esprit qui vole. Le lazzi tombe n'importe où ; et l'esprit, après la ponte d'une bêtise, s'enfonce dans l'azur. Une tache blanchâtre qui s'aplatit sur le rocher n'empêche pas le condor de planer. Loin de moi l'insulte au calembour ! Je l'honore dans la proportion de ses mérites ; rien de plus. Tout ce qu'il y a de plus auguste, de plus sublime et de plus charmant dans l'humanité, et peut-être hors de l'humanité, a fait des jeux de mots. Jésus-Christ a fait un calembour sur saint Pierre, Moïse sur Isaac, Eschyle sur Polynice, Cléopâtre sur Octave. Et notez que ce calembour de Cléopâtre a précédé la bataille d'Actium, et que, sans lui, personne ne se souviendrait de la ville de Toryne, nom grec qui signifie cuiller à pot. » Les Misérables, 1862.

 

Je me revois encore sous les lazzis de mes camarades de seconde quand le prof de français me demanda de passer au tableau pour l’exercice de récitation – on récitait au tableau en ce temps-là – et que je massacrai le sublime Lamartine par un retentissant : « Ô lac ! suspends ton vol… » C’est que, inconsciemment, je voulais sortir des limbes de l’anonymat Antoine-Léonard Thomas et son “ Ode sur le temps ” (1762) : « Ô temps, suspends ton vol, respecte ma jeunesse, Que ma mère longtemps témoin de ma tendresse, reçoive mes tributs de respects et d’amour… » (1820).

 

 

Dans un autre genre : « Les capitalistes sont si bêtes qu’ils nous vendront jusqu’à la corde qui va servir à les pendre » (Lénine). Cette phrase ne figure dans aucun écrit officiel de Vladimir Oulianov. En revanche, Lénine, dont, par parenthèse le train mythique n’a jamais été plombé, a déclaré « Les capitalistes travailleront avec peine à leur propre suicide ». Dans le même ordre d’idée, on a vu en  Suisse, en 2008, les socialistes, les Verts et le Parti évangélique soutenir la proposition du chef d’entreprise Thomas Minder contre les rémunérations « abusives » des actionnaires. Or rien n’interdisait la distribution de bonus faramineux. Ce qui permit à un Daniel Vasella, PDG de Novartis, d’engranger en un an 21 millions de francs suisses.

 

 

Si le ridicule tue, Bernard-Henri Lévy est mort pour avoir écrit : « Ou bien encore Kant…] dont Jean-Baptiste Botul a montré aux néo-kantiens du Paraguay que leur héros était un faux abstrait, un pur esprit de pure apparence […] ». In venter une citation, c’est beau. Mais inventer un auteur de citations, c’est grandiose. Ce qui me plait peut-être le plus dans ce sproposito, c’est le Paraguay, l’effet de réel de Barthes, le unnecessary detail d’Orwell. Il fallait bien choisir le pays. Ainsi, la Mongolie intérieure nous aurait fait tiquer ; l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie, c’était trop simple pour un esprit aussi brillantissime. L’Obs, soutien habituel de BHL, déversa sa bile : « C’est un peu comme si Michel Foucault s’était appuyé sur les travaux de Fernand Raynaud pour sa leçon inaugurale au Collège de France. » Quant à Cornelius Castoriadis, qui ne s’est jamais fait aucune illusion sur « l’industriel du vide », il parla de « camelote, d’imposture publicitaire, de bluff, de démagogie et de prostitution de l’esprit ». Ouïe !

 

Il en a dit des conneries, Mac-Mahon (« Fécamp, port de mer et qui entend le rester », « Que d’eau, que d’eau ! »). Alors, par charité, on va rétablir une citation de lui qui a été mal interprétée : « C’est vous le nègre. Eh bien, continuez ! » Pas de racisme dans la bouche de ce chef de l’État mémorable. Dans l’argot de l’École militaire de Saint-Cyr, le major de promotion s’appelait le “ nègre ”.

 

 

La « divine surprise » de Maurras ne fut pas la victoire de l’Allemagne nazie en 1940, mais la chute de la République et l’arrivée au pouvoir de Pétain. Il utilisa cette formule dans Candide, le 24 juillet 1940 et la développa dans son livre De la colère à la justice en 1942. La République était pour lui synonyme de “ juiverie ”. Blum était un “ détritus humain à fusiller dans le dos ”. L’expression s’est banalisée au point que le journaliste Thomas Legrand l’a utilisée pour qualifier l’inattendue candidature d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle de 2022.

 

 

Il en a prononcé des phrases historiques, Napoléon. Il faut dire qu’à l’époque, le buzz, c’était lui, et lui seul (avec Talleyrand, que l'Empereur avait qualifié de « merde dans un bas de soie ». La célèbre harangue des 40 siècles et des pyramides a beaucoup contribué à la légende de Bona mais n’a pas été prononcée. En revanche, le jeune général a su remotiver ses troupes avec « Vous n’avez ni souliers, ni habits, ni chemises, presque pas de pain, et nos magasins sont vides ; ceux de l’ennemi regorgent de tout. C’est à vous de les conquérir. Vous le voulez, vous le pouvez, partons ! » (29 mars 1796, Toulon). De même, il n’a jamais prononcé la charitable insulte « L’Angleterre est une nation de boutiquiers » que lui a attribué son médecin à Sainte-Hélène. Cette phrase fut forgée par le conventionnel Bertrand Barère de Vieuzac le 11 juin 1794.

 

 

Joseph Bara fut la figure iconique, le saint laïc des écoles primaires de mon enfance. Le problème est qu’on ne sait pas exactement comment il est mort et ce qu’il a dit en mourant. Il se voit entouré par des ennemis royalistes qui lui demande de leur livrer deux chevaux qu’il conduisait. Il leur refuse et leur cingle : « Á toi, foutre brigand, les chevaux du commandant et les miens ! Et bien oui ! ». Phrase assez banale qui deviendra, selon certains auteurs, « Vive la République ! » Il est touché, mais, apparemment, ne meurt pas sur le champ. Il reçoit une balle dans le genou et mourra un peu plus tard.

 

 

« Encore un instant, Monsieur le bourreau ». Une supplique que l’on prête à la Du Barry mais qui fut vraiment inventée par les frères Goncourt dans leur livre consacré aux maîtresses de Louis XV. D’extraction modeste, la Du Barry avait 40 ans de moins que son illustre amant. En 1791, on lui vola ses bijoux. Elle fit de nombreux allers et retours à Londres afin de les récupérer. Ces déplacements parurent suspects et le tribunal révolutionnaire l’accusa d’intelligence avec l’ennemi et la condamna à mort. Au pied de l’échafaud, elle cria « Qu’on me laisse la vie, je donne tous mes biens à la nation ». Elle adora faire l’amour mais elle préféra les délices de la bonne chair. On lui dédia la garniture de légumes qui porte son nom. Dans son Dictionnaire des idées reçues, Flaubert la tua une seconde fois : « Les personnes grasses n'ont pas besoin d'apprendre à nager. Font le désespoir des bourreaux parce qu'elles offrent des difficultés d'exécution. Ex : la du Barry. »

 

 

Buffon n’a pas dit « Le style, c’est l’homme » mais « le style est l’homme même ». Ce qui ne voulait pas dire exactement la même chose. Je livre ici l’analyse de mon ancien collègue et ami Jacques Dürrenmatt (ohé, Jacques !) : « [Le linguiste allemand] Harald Weinrich explique la modification traditionnelle de la phrase : « Le style est l’homme même. » en « Le style, c’est l’homme. » par la volonté de rendre sensible hors contexte la « mise en relief avec emphase » exprimée par le « même » que Buffon emprunte à Cicéron pour distinguer « certains phénomènes « hors de l’homme », appelés par lui sommairement « choses » et groupant les connaissances, les faits et les découvertes », de ce qui est « “dans” l’homme, voire dans le plus intime de sa nature  ». Une étude un peu précise des modifications que subit l’énoncé dans la première moitié du XIXe siècle révèle d’autres raisons. Les confidences du savant, rapportées par Hérault-de-Séchelles dans Les Siècles littéraires de la France, ne sont pas sans jouer un rôle déterminant dans l’évolution de la phrase comme on le voit d’entrée dans ce passage :

« Le style est l’homme, me répétait-il souvent ; les poètes n’ont pas de style, parce qu’ils sont gênés par la mesure du vers qui fait d’eux des esclaves. Aussi quand on vante devant moi un homme, je dis toujours : Voyons ses papiers ». […] « Voulez-vous […] être original ? Quand vous aurez un sujet à traiter, n’ouvrez aucun livre ; tirez tout de votre tête, ne consultez les auteurs que lorsque vous sentirez que vous ne pouvez plus rien produire de vous-même »

 

 

Albert Camus n’a pas prononcé en ces termes « J’aime la justice mais je préfère ma mère ». Á Stockholm le 14 décembre 1957, à l’issue de la cérémonie de remise du prix, Camus tient une conférence de presse quand un jeune algérien le somme de prendre parti dans le conflit qui ensanglante l’Algérie. Selon Le Monde, Albert Camus commence par donner une leçon de politesse à l’étudiant sur sa manière de le questionner : « Je n’ai jamais parlé à un arabe ou l'un de vos militants comme vous venez de me parler publiquement. Je puis vous assurer cependant que vous avez des camarades en vie grâce à des actions que vous ne connaissez pas… ». Et il poursuit : « J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi le terrorisme qui s’exerce aveuglément dans les rues d’Alger. En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère ». Puis, dans une lettre au Monde, Camus précisa : « Je voudrais [dire] à propos du jeune algérien qui m’a interpellé que je me sens plus près de lui que de beaucoup de Français qui parlent de l’Algérie sans la connaître. Lui savait ce dont il parlait et son visage n’était pas celui de la haine mais su désespoir et du malheur. Je partage ce malheur, son visage est celui de mon pays. »

 

Freud n’a pas prononcé en 1909 en débarquant aux États-Unis « Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste ». La seule référence connue à cette phrase est celle de Jacques Lacan, qui la tenait de Jung en 1933. Élisabeth Roudinesco, autrice d’une célèbre biographie de Freud, affirme que Lacan a inventé cette phrase.

 

Tout le monde devrait savoir que Galilée qui, à l’époque, risquait gros, n’a pas prononcé en 1633 « Et pourtant, elle tourne [bouge] ». Le 17 février 1600, le frère dominicain et savant napolitain Giordano Bruno était mort sur le bûcher – après huit années de procès –  pour avoir prétendu que l’univers était infini et qu’il était peuplé d’une infinité d’astres. Selon lui, la terre n’était pas le centre de l’univers, pas plus que le soleil, d’ailleurs. Le fou ! 124 ans après le procès de Galilée, l’écrivain italien Giuseppe Baretti (traducteur de Corneille, entre autres) inclut cette fausse citation dans son anthologie The Italien Library.

 

Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Excusez du peu, cette phrase est de Jésus. Elle figure dans trois Évangiles. Gandhi a analysé cette phrase de la manière suivante : Jésus a éludé la question directe qui lui était posée parce que c'était un piège. Il n'était en aucun cas tenu d'y répondre. Il a donc demandé à voir la pièce pour les impôts. Puis il dit avec un mépris méprisant : « Comment pouvez-vous, vous qui faites le trafic des pièces de César et qui recevez ainsi ce que vous considérez comme des avantages de la domination de César, refuser de payer les impôts ? » Toute la prédication et la pratique de Jésus pointent indubitablement vers la non-coopération, qui inclut nécessairement le non-paiement des impôts. »

Á ne pas confondre avec « Rendez à Césaire ce qui est à Césaire » de Senghor.

 

« Un quart d’heure avant sa mort, il était encore en vie » n’est pas de Monsieur de La Palice, Maréchal de France. Au lendemain de sa mort lors de la bataille de Pavie, des soldats rendirent hommage à son courage et à sa vaillance en composant une chanson de quatre vers :

Monsieur d’La Palice est mort

Mort devant Pavie ;

Un quart d’heure avant sa mort

Il était encore en vie.

Sous-entendu, il se battait toujours.

Monsieur de La Palice n’avait rien d’un enfonceur de portes ouvertes. Il était contre l’engagement de l’armée de François, Ier à Pavie. Alors qu’il était désarmé, il mourut d’un tir d’arquebuse à bout portant.

 

De même que Louis XV (ou Madame de Pompadour) n’a pas dit « Après moi le déluge », Louis XIV n’a pas dit « L’État c’est moi » quand il n’avait que 17 ans. Mais c’est à cette époque que l’absolutisme monarchique s’établit à grands pas. L’auteur de la formule pourrait être Pierre Édouard Lémontey dans son Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV et sur les altérations qu'il éprouva pendant la vie de ce prince (1818), qui écrivit : « Le Coran de la France fut contenu dans quatre syllabes et Louis XIV les prononça un jour : “L'État, c'est moi !” ». 

 

François Guizot, le réactionnaire bien connu a bien prononcé « Enrichissez-vous ! » Mais la phrase a été sortie de son contexte. Il ne s’agissait pas d’un exorde aux grands capitalistes. Guizot lui-même n’a jamais été un homme d’argent. En 1840, Il écrivit ceci : « Usez des droits politiques, fondez votre gouvernement, affermissez vos institutions, enrichissez-vous, améliorez la condition matérielle et morale de la France ; voilà les vraies innovations, voilà ce qui donnera satisfaction à cette ardeur de mouvement, à ce besoin de progrès qui caractérise cette nation. » Du Pompidou, quoi…

 

« Ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ». Pauvre Marie-Antoinette ! Et méchant Jean-Jacques Rousseau qui écrivit, alors que la reine n’était pas encore née : « Environné de petites choses volables que je ne regardais même pas, je m'avisai de convoiter un certain petit vin blanc d'Arbois… et l'occasion fit que je m'en accommodai de temps en temps de quelques bouteilles pour boire à mon aise en mon petit particulier. Malheureusement je n'ai jamais pu boire sans manger.Comment faire pour avoir du pain ? Il m'était impossible d'en mettre en réserve. En faire acheter par les laquais, c'était me déceler, et presque insulter le maître de la maison. En acheter moi-même, je n'osai jamais. Un beau monsieur l'épée au côté aller chez un boulanger acheter un morceau de pain, cela se pouvait-il ? Enfin je me rappelai le pis-aller d'une grande princesse à qui l'on disait que les paysans n'avaient pas de pain, et qui répondit : Qu'ils mangent de la brioche. J'achetai de la brioche. Encore que de façons pour en venir là ! Sorti seul à ce dessein, je parcourais quelquefois toute la ville, et passais devant trente pâtissiers avant d'entrer chez aucun. »

 

« Mon royaume pour un cheval ! » Il n’est pas certain que Richard III ait prononcé cette phrase que lui attribue Shakespeare. Mais, en tout cas, ce n’était pas pour fuir mais pour tuer ses ennemis jusqu’au dernier.

 

« Pour vivre heureux, vivons cachés ». Cela ressemble à du La Fontaine pur sucre mais c’est du Florian, dans la morale du “ Grillon ”. Un grillon se lamente en se comparant à un superbe papillon. Mais lorsqu’il voit des enfants arracher les ailes du superbe insecte, il change d’avis : « Je ne suis plus fâché, il en coûte trop cher pour briller dans le monde. » Florian est également l’inventeur de « Rira bien qui rira le dernier » et de « Plaisir d’amour ne dure qu’un moment, Chagrin d’amour dure toute la vie ».

 

Citez, citez, il en restera toujours quelque chose

 

Sherlock Holmes n’a jamais prononcé « Élémentaire, mon cher Watson ». Elle fut prononcée la première fois dans le film Sherlock Holmes par le célèbre acteur anglais Basil Rathbone, titulaire du rôle à 14 reprises. Il faut dire que dans Le chien des Baskerville, Holmes rabaissait une hypothèse de son comparse par un « intéressant mais élémentaire ».

 

Churchill n’est pas l’inventeur de l’expression « rideau de fer ». Comme métaphore politique, elle est apparue en 1920 dans la bouche de la féministe socialiste Ethel Snowden critiquant les violences du bolchévisme. Á cet instant, le “ rideau de fer ” se situe à la frontière russe. En 1940, le ministre roumain des Affaires étrangères Grégoire Gafenco écrit à Churchill : « Nous ne parvenons plus à avoir la moindre nouvelle de nos compatriotes restés de l’autre côté de la ligne de démarcation, comme si un rideau de fer s’était abattu en travers de notre pays. » Le 23 février 1945, Joseph Goebbels utilise cette expression (eiserner Vorhang) dans le journal interne du parti nazi. Enfin, le 5 mars 1946, Churchill popularise à jamais ce “ curtain ” dans un discours prononcé dans l’université du Missouri : « De Stettin sur la Baltique jusqu’à Trieste dans l’Adriatique, un rideau de fer est descendu sur l’Europe. »

 

« La religion est l’opium du peuple » (Das Religion ist das Opium des Volkes). De Marx, assurément. Au terme d’un développement poignant : «  La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'un état de choses sans esprit. Elle est l'opium du peuple. » Á l’époque de Marx, l’opium était pris comme analgésique.

 

« Il ne faut pas désespérer Billancourt ». Sartre n’a jamais pensé cela. Dans la pièce Nekrassov, Sartre propose ces deux répliques dites par le personnage Georges de Valera : « Il a écrit deux répliques : « Il ne faut pas désespérer les pauvres » et « Désespérons Billancourt ». La contraction des deux donne la célèbre phrase qu’il n’a jamais prononcée. En revanche, Sartre a bien écrit, en 1944, alors que la France était toujours largement occupée, : « Jamais nous n’avons plus libres que sous l’occupation allemande. Il faut placer cette phrase dans le contexte sartrien. Je cite Benoit Schneckenburger : « Bien souvent nous-nous désespérons parce que notre liberté se heurte à des contraintes qui nous empêchent de réaliser ce que nous voulons. Nous découvrons par là toute la pesanteur du monde extérieur, si bien que nous-en devenons parfois pessimistes. Sartre nous invite à assumer cette condition de la liberté, en commençant par renoncer à l’illusion que la liberté serait par nature bonne. Si la définition de la liberté relève de l’indéterminé, nous ne pouvons pas parier sur la réussite de nos projets. Par liberté nous pouvons gagner ou échouer. La liberté de ce point de vue est angoissante, parce qu’elle ne garantit rien par avance, nous sommes délaissés. Elle est aussi angoissante parce que nous sommes responsables de nos actions, nous-ne pouvons pas nous trouver de fausses excuses, pas même les circonstances : si nous sommes libres, nos décisions nous appartiennent.

L’occupation allemande est bien la situation dans laquelle nous devons exercer notre liberté. La liberté n’a de sens que parce qu’elle suppose une action, un engagement de soi, en fonction précisément des circonstances. Être libre, c’est se situer par rapport à une condition donnée, qui nous invite à choisir. Plus que cela, le sens même de la situation historique relève de ma libre décision. Sartre affirme que « cette guerre est mienne », non que je l’ai voulue, mais parce qu’il dépend de moi de me comporter en collaborationniste, en résistant, en attentiste. Le pouvoir de la liberté ne réside pas seulement dans le pouvoir d’action, mais également dans la conception nous-nous faisons du monde extérieur. Ainsi de négative et subie, la situation politique nous conduit à agir et à vouloir la transformer. L’engagement devient la seule conduite morale par laquelle nous pouvons exercer une liberté qui ne demande qu’une chose : elle-même. « Tout est permis si c’est sur le plan de la liberté » ajoute Sartre, c’est-à-dire que face à une contrainte, comme l’était l’occupation, nous devons agir pour la liberté. Le régime de Vichy a préféré abdiquer la liberté des Français, là où la résistance a porté au plus haut le combat pour la libération.

 

Quand la République française pose les bonnes questions :

Citez, citez, il en restera toujours quelque chose
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6 juin 2023 2 06 /06 /juin /2023 04:58

Le cas de “ Happiness is a Warm Gun ”

Cette chanson est à ce point complexe, sa structure musicale tellement irrégulière qu’elle nécessita quatre-vingt-quinze prises. Elle commence comme une folk song en mineur (« She’s not a girl who misses much […] »), se poursuit sur le mode d’un blues éthéré (« I need a fix ’cause I’m going down »), puisse passe à un rythme de rock lent (« Mother Superior jump the gun »), avant de s’achever en majeur, John chantant « Happiness is a warm gun », accompagné par ses deux camarades qui, tels les Platters dans les années cinquante, le soutiennent avec des « Bang bang, shoot, shoot ». Le style Platters s’accommode de paroles surréalistes (« She’s well acquainted with the touch of the velvet hand like a lizard on a window pane » et d’une prise de position très nette sur la prolifération des armes à feu aux États-Unis (« Happiness is a warm gun »). Lennon a trouvé le titre de sa chanson dans une affiche publicitaire pour la America’s National Rifle Association (24). A contrario, une phrase telle « A soap impression of his wife which he ate and donated to the National Trust » est du pur esprit Goon Show. Lennon détourna le slogan publicitaire en lui faisant faire un petit détour par la drogue et le sexe. Les initiés savaient que le « gun » en question était une seringue. La phrase « I need a fix ’cause I'm going down, down to the bits that I left uptown » était tellement explicite que la chanson fut interdite sur toutes les ondes. Accessoirement, le « gun » figurait l'attribut viril, en érection (« warm ») du chanteur. D'où le vers « Mother Superior jump the gun ». Mother Superior était le surnom que John donnait affectueusement à sa compagne Yoko Ono. Mais il pouvait aussi s'entendre – Lennon était décidément très en verve – comme le sexe de la femme : « Happiness is a warm gun/cunt ». Une chanson aux paroles aussi ambiguës, aux images aussi décalées méritait bien cinq changements de clé en 2 minutes 43. En si peu de temps, le chanteur alternait déprime, ironie, désespoir, angoisse et espoir. En alliant certains maniérismes du rock innocent des années cinquante à une critique féroce de la violence de la société américaine, Lennon se moquait de la légèreté de la musique populaire de la décennie précédente et jetait un regard ironique sur les chansons à message de la deuxième moitié des années soixante. Mais on peut se demander si la forme ne l’emportait pas sur le fond, si le message ultime de la chanson n’était pas que la fragmentation est inhérente au monde, donc aux discours, en d’autres termes qu’une vision cohérente, englobante de la société est utopique.

Le refus de l’engagement

Aucune de ces chansons n’avait pour but de proposer une vision globalisante du monde, de critiquer ou d’adhérer. Il s’agissait plutôt de proposer un regard détaché sur le monde, où l’engagement et la sympathie laissent la place à l’ironie et la distance. Les auteurs s’en tenaient à la surface des choses, à une nostalgie amusée (25). La chanson « Revolution 1 » est très caractéristique de cette attitude et de ce positionnement :

« But when you talk about destruction
Don’t you know that you can count me out
[…] 
You say you’ll change the constitution
Well you know
We all want to change your head
[…] But if you go carrying pictures of Chairman Mao
You ain’t gonna make with any one anyhow »

L’enregistrement de cette chanson se déroula du 30 mai au 21 juin 1968. Vraisemblablement influencé par sa nouvelle compagne Yoko Ono, Lennon propose dans cette chanson très attendue (qu’avaient les Beatles à dire sur l’agitation sociopolitique des années soixante ?) une philosophie comportementale et individualiste. La chanson est une réponse dionysiaque provisoire – car Lennon et Ono changeront par la suite d’avis – à l’action gauchiste (en particulier maoïste) dans le mouvement étudiant dans les pays occidentaux. Lennon est en symbiose avec le « Why Don’t We Do it in the Road » de McCartney, le « it » renvoyant à l’amour et à la « fumette », et non aux combats de rue de « Street Fighting Man » des Rolling Stones. Bien sûr, le contexte référentiel immédiat de la chanson se trouve dans les « événements » de mai 68 à Paris et à Londres. « Revolution 1 » fut enregistrée au moment où le pouvoir politique vacillait en France, alors que le Général De Gaulle se voyait contraint de dissoudre l’Assemblée Nationale. La vague estudiantine n’avait cessé de déferler depuis février, en fait depuis l’offensive du Têt au Vietnam. L’appel sous les drapeaux des fils de la bourgeoisie blanche américaine allait occasionner d’imposantes manifestations à Washington, à Paris et à Londres dans le quartier cossu de Grovesnor Square où se trouvait l’ambassade des États-Unis. L’assassinat de Martin Luther King, à la même époque, radicalisa davantage le mouvement. Le jour même où les Beatles enregistraient « Revolution 1 », des étudiants du Hornsey College of Art proclamaient un « état d’anarchie » pour soutenir les étudiants de la Sorbonne et de la London School of Economics.

En juillet, le groupe enregistra une seconde mouture de la chanson qui serait commercialisée au mois d’août (sous le titre de « Revolution »), comme la face B de « Hey Jude ». Entre temps, le mouvement protestataire avait subi une répression particulièrement violente de la part du maire de Chicago Richard Daley lors de la convention du Parti Démocrate. Tout en proposant de la chanson une interprétation plus violente, avec des accords de guitare saturés, Lennon ne dépassait pas, au contraire, les hésitations et les limites de son engagement politique, se contentant de modifier le vers capital, « Don’t you know that you can count me out » en « Don’t you know that you can count me out … in ». Ceci fut vécu comme une véritable trahison dans les milieux d’extrême gauche. Les trois autres membres du groupe, qui avaient toujours voulu se maintenir à l’écart des débats les plus sensibles ne furent pas rassurés par la proclamation « Peace and Love » de Lennon annonçant à ses admirateurs qu’il n’irait sur des barricades qu’avec des fleurs, peu de temps avant d’adopter les signes distinctifs du gauchisme américain : le béret noir du Black Power et un portrait de Mao Tse Toung à la boutonnière.

Lennon et Yoko Ono créèrent « Revolution 9 », une troisième version de la chanson, totalement expérimentale cette fois-ci, et sans l’assentiment des autres membres du groupe et du directeur artistique. Il s’agissait d’un montage totalement aléatoire et dont le sens ne se laissait pas deviner facilement, réalisé dans l’optique de la musique concrète de Varese ou de Stockhausen. Lennon pensait que pour composer dans le futur il ne serait plus nécessaire de connaître la musique. Cette chanson se voulait un reflet, à l’état brut, du fragmentaire, du discontinu de la vie moderne. En 1971, dans un entretien avec le leader trotskiste anglais Tarik Ali, Lennon donnerait une interprétation politiquement désenchantée de son œuvre : « I thought I was painting in sound a picture of revolution — but I made a mistake. The mistake was that it was anti-revolution26. » Le musicien était alors dans une phase maoïste qu’il renierait peu de temps après. Disons qu’au moment où ils concevaient « Revolution 9 », Lennon et Ono critiquaient le capitalisme dans ses manifestations les plus dures (guerre du Vietnam, Convention de Chicago du mois d’août 1968), mais également la réaction gauchiste — à leurs yeux négative — du mouvement de mai en France, en Allemagne ou en Italie. En matière d’introduction à la chanson, les Beatles insérèrent un fragment fredonné de McCartney : « Can you take me back ? », une supplique pour un retour, une révolution vers le confort sécurisant de l’enfance, et on note que « Revolution 9 » est suivie par « Good Night », la dernière plage du disque, une berceuse écrite par Lennon et chantée par Ringo Starr accompagné d’une vingtaine d’instruments à cordes. Une fois encore, le brouillage était ravageur.

On remarquera pour conclure que les Beatles, dans le double album blanc, ont, à plusieurs reprises remis en cause la manière traditionnelle dont les chansons se terminent. Ainsi, « Helter Skelter » donne l’impression de se terminer à deux reprises, par une disparition graduelle du son, mais ne s’achève réellement qu’à la troisième tentative sur un cri du batteur Ringo Starr, épuisé par cette séance d’enregistrement : « J’ai des ampoules aux doigts ». A une époque où les chansons — pour des raisons de passages en radio, donc commerciales — dépassaient rarement trois minutes, les Beatles montraient par l’exemple que terminer une chanson était un exercice de style conventionnel et contraint (27). Le double album est donc une œuvre sans fin, où l’instabilité ne disparaît jamais. Il nous fait penser à un big-bang à l’envers dans la mesure où les créateurs se refusent à accepter la fin d’un monde dont on ne parlerait plus. The Beatles implique donc fortement l’auditeur, contraint à réorganiser l’œuvre sans fin, soit en se tournant vers des modèles passés, soit en imaginant des formes nouvelles. Le disque est contemporain d’objets littéraires non identifiés, comme le roman de B.S. Johnson The Unfortunates(1969), ouvrage livré sans reliure, sans pagination, où l'auteur a décidé qu'il pouvait se passer de progression narrative comme modus vivendi et de clôture comme objectif. Estimant que la forme romanesque du XIXème siècle était « épuisée », B.S. Johnson postulait que les créateurs devaient accepter le chaos et le changement pour en tirer profit. En déconstruisant la pop music, les Beatles ont créé un album qui ne signifiait à proprement parler rien, mais qui obligeait les fans à donner leur sens à l’œuvre, à replacer la pop music dans l’histoire de la musique et à réfléchir sur la fonction de la culture populaire.

 

Notes

24 « Happiness is a warm gun in your hand ». Réaction de Lennon à cette publicité : « I thought, what a fantastic, insane thing to say. A warm gun means you’ve just shot something. » (« J’ai pensé, quelle folie incroyable de dire une chose pareille. Une arme à feu encore chaude veut dire que vous venez de tirer sur quelque chose. »)

25 Selon Sam Kene, Fire in the BellyNew York, Bantam, 1991, p. 110.

26 Red Mole, 8 mars 1971.

27 En 1968, les Beatles battaient le record de durée d’une chanson pour 45 tours avec « Hey Jude » (7 mn 7 secondes).

 

Pourquoi le “ Disque blanc ” des Beatles est-il blanc ? (III)
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4 juin 2023 7 04 /06 /juin /2023 05:01

La déception du sens

On peut de nouveau revenir à la déception du ou des sens attendus (11), parce que la main des auteurs a écrit plus vite que leur tête à une époque où ils doutaient d’eux-mêmes en tant qu’individus, en tant que groupe, en tant qu’icône pour la jeunesse. La chanson « Glass Onion » use, dans ce contexte postmoderne, de l’écriture rapide, déjà présente dans « I Am The Walrus » et qu’on retrouvera dans « Come Together ». Sans le savoir, Lennon, avec ce titre abscons, renvoyait aux célèbres peaux d’oignon de Barthes, aux strates de sens qui empêchent l’auditeur d’atteindre le noyau dur du texte, sûrement parce qu’il n’y en a pas. Ici, Lennon marquait qu’il était las d’être un des Beatles, la phrase « The Walrus was Paul (12) » indiquant qu’il reconnaissait à son complice le mérite d’avoir maintenu la cohésion du groupe de 1967 à 1968.

Depuis son adolescence, Lennon aimait les jeux de mots (une de ses émissions préférées était le Goon Show avec Peter Sellers, qu’il admirait au plus haut point), les euphémismes burlesques qui rendaient la tâche difficile aux intellectuels souhaitant analyser ses textes avec leurs propres armes. Ainsi, dans son livre In His Own Write, publié en 1964, il appelait l’ancien Premier ministre Harold McMillan « Harrassed McMillion », déformant un nom propre pour lui faire dire ce qui n’était que suggéré (la maladie et la fortune du personnage 13), avant de s’intéresser de la même manière à « Prevalent ze Gaute unt Docker Adenoid » (14). Le discours de « Glass Onion » fait appel à l’intuitif, à l’incongru et à la connotation. Il n’y a dans cette chanson aucune relation logique de cause à effet, mais un déterminisme erratique induit par ce qui ressemble à de l’écriture automatique. Il revenait donc aux auditeurs d’essayer de donner un sens global à la vingtaine de vers de la chanson. Les paroles étaient également fortement autoréférentielles. Lennon y citait cinq anciennes chansons des Beatles : « Strawberry Fields For Ever », « I’m the Walrus », « Lady Madonna », « The Fool on the Hill », « Fixing a Hole ». Enfin parce qu’il souhaitait tourner en dérision ceux qui voulaient absolument que les textes des Beatles aient un sens, charrient des messages, Lennon écrivit des phrases courtes mais denses et dont le sens était sibyllin : « trying to make a dove-tail joint », « standing on the cast iron shore » (15).

« I’m So Tired » possède elle aussi plusieurs couches de sens. A priori, un amoureux transi s’en prend à la femme dont la pensée l’obsède la nuit (« my mind is set on you ») car il ne peut trouver la tranquillité de l’esprit. Mais cette « peace of mind » pour laquelle Lennon donnerait tout, la profonde lassitude (« I don’t know what to do »), le désordre de l’esprit (« I can’t stop my brain » […] « I’m going insane ») renvoient aux problèmes spirituels et aux désillusions que le chanteur a connus, à ce moment-là, dans le sillage du gourou indien. Lennon laisse entendre avec « I’m So Tired » à quel point son esprit est détraqué (« My mind is on the blink ») à une époque où il est en train de divorcer de sa première femme, et où le groupe a perdu son impresario Brian Epstein, mort d’une surdose médicamenteuse (16). Les quatre derniers vers de la chanson sont totalement inattendus. Lennon s’en prend à Sir Walter Raleigh (« such a stupid git » (17)), l’introducteur du tabac en Angleterre, qu’il rend responsable de sa propre accoutumance. La chanson se termine ainsi de manière grotesque, sur un fragment de sornettes qui réduit à néant ce que la chanson pouvait avoir d’authentique.

« Sexy Sadie » était à l’origine un violent brûlot contre le gourou Maharashi dont Lennon avait fini par penser qu’il était un escroc. Au départ, les paroles devaient être :

 « Maharashi, what have you done
You made a fool of everyone
[…] 
You little twat
Who the fuck you think you are »

Elles devinrent :

« Sexy Sadie, what have you done
You made a fool of everyone
However big you think you are »

Comme, par ailleurs, l’expression « Sexy Sadie » désignait dans les années soixante une prostituée travestie, le brouillage du sens finissait par nuire à la portée d’une chanson à peine verdelette.

Des emprunts

Les deux auteurs-compositeurs phares du groupe (Lennon et McCartney) n’hésitèrent pas à se copier l’un l’autre afin de se rendre des hommages mutuels ou de se lancer des piques mouchetées. Dans plusieurs chansons d’amour, John chante avec une voix proche de celle de Paul (« Dear Prudence », « Julia », « Cry Baby Cry »), tandis que Paul se fait presque passer pour John dans « Why Don’t We Do it in the Road », « Helter Skelter ».

Cela dit, en matière de création, d’adaptation ou d’hommage, le disque se caractérise principalement par les multiples emprunts fait à des genres ou à des styles antérieurs à eux-mêmes. Ce qui, paradoxalement, fut, pour eux, une manière d’innover. Alors que les précédents 33 tours avaient donné une impression de jamais entendu, The Beatles fit dans le familier décalé. Certaines phrases mélodiques de « Blackbird » sont influencées par Bach (18). « Mother Nature’s Son » est proche de la folksong américaine de la fin des années cinquante. « Don’t Pass Me By », première réelle composition de Ringo Starr, puise dans le Country and Western, mais fait également appel au non-sens qu’affectionne Lennon :

« You were in a car crash
And you lost your hair
(19)
You said that you would be late
About an hour or two
I said that’s alright I’m waiting here
Just waiting to hear from you »

23L’idée de la chanson « Ob-La-Di, Ob-La-Da » fut inspirée à Paul par le nom d’un groupe nigérian The Obladi-Oblada Band. Cette onomatopée est une expression yoruba qui signifie que la vie continue (d’où le « Life goes on » qui glose le titre). McCartney en a fait une chanson entraînante pour enfants sur un rythme de calypso, et il n’a pas hésité à laisser dans les paroles une erreur grossière sur l’identité sexuelle d’un des deux protagonistes de la chanson, obscurcissant volontairement le sens :

« Molly stays at home and does her pretty face
And in the evening she still sings it with the band
[…]

Desmond [au lieu de Molly] stays at home and does his pretty face
And in the evening she’s [sic] a singer with the band (20) »

« The Continuing Story of Bungalow Bill » est un mélange de Tartarin (que les Beatles ne connaissaient sûrement pas) et de Buffalo Bill, avec peut-être une touche de Jim la Jungle, célèbre héros de bandes dessinées des années cinquante. Dans le deuxième couplet, Bungalow est sauvé par un certain Captain Marvel, autre héros des bandes dessinées États-uniennes. Le refrain ne pouvait pas ne pas être repris dans les écoles primaires : « Hey, Bungalow Bill/ What did you kill/ Bungalow Bill ? »

« Rocky Racoon » plagie les chansons de cow-boy du début du siècle. Le producteur George Martin pousse le souci de vraisemblance jusqu’à jouer sur un piano de bastringue :

« Now somewhere in the black mountain hills of Dakota / There lived a young boy named Rocky Racoon ».

« Cry Baby Cry » est une berceuse qui plonge l’auditeur dans l’univers d’Alice à travers son miroir :

« The Duchess of Kircaldy always smiling
And arriving late for tea
The duke was having problems
At the local bird and bee
(21)
Cry baby cry
Make your mother sigh
She’s old enough to know better
So cry baby cry »

Faisant référence à la période d’avant-guerre, « Honey Pie » inclut de vraies fausses rayures de 78 tours et plonge l’auditeur dans le monde de Fred Astaire :

« Honey Pie my position is tragic
Come and show me the magic
Of your Hollywood song
You became a legend of the silver screen
And now the thought of meeting you
Makes me weak in the knee »

Dans « Piggies », Harrison fait un bond de deux cents ans dans le passé en s’adjoignant un clavecin, des violons, violoncelles et altos. Il leur fait jouer de manière pseudo baroque, un arrangement totalement décalé par rapport aux paroles peu ragoûtantes de la chanson :

« Have you seen the little piggies
Crawling in the dirt
And for all the little piggies
Life is getting worse
Always having dirt to play around in »

Le meurtrier Charles Manson se persuada que « Piggies » l’autorisait à tuer des « pigs », des bourgeois (22).

« Back in the U.S.S.R. » s’intitulait à l’origine « I’m Backing the UK » en référence à une campagne de publicité de 1967 intitulée « I’m backing Britain », lancée par le patronat et le gouvernement pour pallier l’important déficit commercial du pays. Les paroles sont, au premier abord, philosoviétiques (23) et moquent la tendance pan-États-unienne de nombreuses chansons de langue anglaise du début des années soixante :

« Been away so long I hardly knew the place
Gee it’s good to be back home
Leave it till tomorrow to unpack my case
Honey disconnect the phone
I’m back in the U.S.S.R.
You don’t know how lucky you are boy
Back in the U.S. Back in the U.S. Back in the U.S.S.R.
Well the Ukraine girls really knock me out
They leave the west behind
And Moscow girls make me sing and shout
That Georgia’s always on my mind »

Dans le même temps, « Back in the U.S.S.R. » ne cachait pas être inspirée et démarquée de « Back In the USA » de Chuck Berry (1959), chanson écrite à la gloire du pays en tant que berceau du rock :

« New York Los Angeles
How I yearn for you
[…] 
Just to be at my home
Back in Old Saint-Louis »

Alors que Berry mentionnait un maximum de villes américaines (espérant, pour de simples raisons commerciales, que son disque se vendrait dans ces endroits cités), McCartney, dans « Back in the U.S.S.R. », glorifiait les jeunes filles d’Ukraine, de Moscou et de Géorgie. Il reprenait l’expression « Georgia on my mind », allusion à un classique du blues de Hoagy Carmichael, rendu célèbre par Ray Charles. Les Beatles se moquent donc gentiment – ils sont conscients, globalement, de leur dette envers Chuck Berry – de grands succès des années cinquante en se les réappropriant. « Back in the U.S.S.R. » reprend le schéma narratif et structurel de « Back In the USA » et parvient à installer un comique de narration, sans pour autant ridiculiser l’œuvre source, ce qui est, théoriquement, l’essence même de la parodie. La chanson atteint le point d’équilibre entre la ressemblance nécessaire et l’écart, la distorsion. Le coup n’est réussi que parce que les Beatles sont d’authentiques créateurs. En bon postmoderne, McCartney part du principe qu’on ne peut évaluer ce discours qu’en utilisant la grammaire de son discours. Afin de déranger la grammaire rock de l’intérieur, il utilise le calque (« I’m back in the U.S.S.R. »), des jeux de langue référentiels (« Moscow girls make me sing and shout/ that Georgia’s always on my mind »), un matériau fictif tout en duplicité, autrement dit métafictionnel, universel de par la dérision de l’autorité narrative (« Let me hear your balalaikas ringing out/ Come and keep your comrade warm »), enfin des jeux de mots (« Back in the US, back in the US, back in the U.S.S.R. »). Pour garantir son autocritique en tant qu’interprète, il singe la chanson source sans la subvertir, en singeant sa propre manière de chanteur de rock and roll et en utilisant des voix de fausset directement reprises de celles des Beach Boys, un groupe californien très innovant à partir de 1966, mais fortement maniériste quelques années plus tôt. « Back in The USSR » atteste le paradoxe d’une existence inexistante du groupe. C’est la chanson dont l’interprétation, à l’oreille, semble la plus cohésive. Or les Beatles ne jouent qu’à trois, le batteur Ringo Starr étant absent. McCartney s’est installé à la batterie avant d’enregistrer des partitions de piano et de guitare. Lennon joue des percussions et de la guitare basse, l’instrument de McCartney. Harrison joue de la guitare (son instrument) et des percussions.

 

Suite et fin mardi 6 juin

 

Notes

 

 

11 R. Barthes, Essais critiques IV, op. cit., p. 63.

12 En novembre 1966, McCartney eut un accident de vélo moteur en compagnie de son ami Tara Browne (qui devait mourir quelque temps plus tard dans un accident de voiture et à qui Lennon fait référence dans « A Day In the Life » : « He blew his mind out in a car »). Paul eut une légère blessure à la lèvre qu’il masqua par le port d’une moustache. Le bruit courut qu’il avait été décapité. Pendant plusieurs années, la rumeur de sa mort perdura, rumeur alimentée par dérision par le groupe dans plusieurs de ses chansons et sur plusieurs pochettes de disques.

13 McMillan possédait pour partie la grande maison d’édition portant son nom.

14 Le jeu sur la langue fait penser au “ Jabberwocky ” de Lewis Carroll. (President De Gaulle and Dr Adenauer).

15 Au premier abord, le « dove-tail joint » est un assemblage de bois en menuiserie, le joint en queue d’aronde (ou d’hirondelle), mais l’expression fait penser à la marijuana. La « plage de fer forgé » renvoie vraisemblablement à la plage sinistre de Garston, dans l’estuaire de la Mersey près des docks de Liverpool, où des collecteurs déversaient à l’époque des eaux usagées et des détritus de toutes sortes.

16 L’hypothèse d’un suicide a également été évoquée.

17 Raleigh fut exécuté en 1618 pour une conspiration – peu avérée – contre le roi.

18 Dans la biographie de Barry Miles publiée en 1997, Paul McCartney. Many Years from Now (Londres, Secker and Warburg), le chanteur donne – rétrospectivement – une interprétation politique à sa création : « I had in mind a black woman rather than a bird. They were the days of the civil-rights movement, which all of us cared passionately about, so this was really a song from me to a black woman. […] This is one of my themes : take a sad song and make it better. » (485-486). (« Je pensais plutôt à une femme noire. [En argot de l’époque « bird » – tout comme « chick » – signifie « femme »] C’étaient à l’époque du mouvement pour les droits civiques qui nous préoccupaient tous passionnément. En fait, c’est une chanson que j’ai écrite pour une femme noire […] C’est l’un de mes thèmes favoris ; prenez une chanson triste et rendez-la plus optimiste. »)

19 Ces deux vers alimentaient la rumeur de la « mort »de Paul McCartney.

20 Le dernier 45 tours enregistré par les Beatles comporte une chanson (« Get Back », avril 1969), qui devait, à l’origine, traiter de l’immigration sur le mode de la dérision : « Don’t dig no Pakistani taking all the people’s jobs/Get back to where you once belonged. » Mais le climat ne se prêtait pas à la satire au second degré. Un an auparavant, le leader d’extrême-droite Enoch Powell avait prononcé son célèbre discours de Birmingham, prévoyant des « fleuves de sang » à l’occasion de l’arrivée sur le sol britannique de dix mille Indiens et Pakistanais. Le parti néo-fasciste National Front avait, quant à lui, organisé des ratonnades à Bradford et Luton. McCartney fit du protagoniste de sa chanson un transsexuel : « Sweet Loretta Martin thought she was a woman/But she was another man. »

21 Cette chanson est fortement inspirée par une comptine pour enfants, « Sing a Song of Six Pence » : « The king was in his counting-house/ Counting out his money/ The queen was in the parlour/ Eating bread and honey ».

22 Les « pigs » méritent « a damn good whacking ». Outre Sharon Tate, son ami Leno LaBianca fut sauvagement assassiné. Il fut découvert une fourchette plantée dans le ventre. Ce qui avait peut-être été inspiré par les derniers vers de la chanson : « You can see them out for dinner/ With their piggy wives/ Clutching forks and knives to eat their bacon. » (« Vous les voyez sortir dîner/avec leurs femmes truies/tenant fermement leur fourchette et leur couteau pour manger leur lard en tranches. »)

23 Enregistrée les 22 et 23 août 1968, au moment de l’entrée des chars russes dans Prague, la chanson fut vigoureusement dénoncée par la John Birch Society, organisation d’extrême droite et raciste états-unienne.

Pourquoi le “ Disque Blanc ” des Beatles est-il blanc ? (II)
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3 juin 2023 6 03 /06 /juin /2023 04:54

Lorsque le “ Disque Blanc ” (qui s'appelle officiellement “ The Beatles ”) est sorti en novembre 1968, je fus, comme beaucoup d'autres, perplexe face à un album “ double ” – ce qui n'était pas fréquent à l'époque mais qui aurait pu être triple ou quadruple tellement les Beatles disposaient de matériel apte à être enregistré – qui partait dans tous les sens tel un objet non identifié, mais qui, comme toujours chez ces créateurs hors pair, fourmillait de trouvailles, de nouveautés, de moments familiers ou totalement déconcertants. J'avoue que ma première réaction balança entre deux extrêmes : ils se foutent de nous, ils sont décidément géniaux. Je passais les vacances de Noël dans une famille amie anglaise qui m'aida à décortiquer cette œuvre, et surtout à oublier (provisoirement) l'album concept Sgt Pepper avec sa pochette tellement riche et conçue au millimètre près.

 

J'ai publié ce qui suit dans les Cahiers du Mimmoc en 2006, une revue scientifique des anglicistes de l'université de Poitiers. Je ne l'avais jamais relu depuis. Ce texte contient des imperfections et bien des passages auraient mérité d'être développés. Mais je pense qu'en gros il a bien vieilli et tient toujours la route.

 

Dans « Strawberry Fields Forever » (février 1967), John Lennon prévient, dans une perspective postmoderne, que la représentation artistique est impossible car « nothing is real ». Au même moment, Paul McCartney propose, avec « Penny Lane » (février 1967), une des plus troublantes définitions de ce qu’est la représentation artistique : « And though she feels as if she’s in a play / She is anyway ». Que se passe-t-il, en effet, lorsque l’art est sciemment accepté comme un faux-semblant à la fois par les producteurs, les récepteurs, tandis que les acteurs (ou actants) ont une conscience phénoménologique de leur existence ? Il se passe que, comme le proposait Magritte au bas d’un tableau représentant une pipe, « Ceci n’est pas une pipe » (1). En d'autres termes, la musique ne représente pas le réel car elle ne dit représenter qu’elle-même, ne renvoyer qu’à elle-même. Quelques mois plus tard, les Beatles allaient remettre en cause l’esthétique conventionnelle de la représentation qu’ils avaient exploitée et poussée jusque dans ses derniers retranchements dans leurs quatre 33 tours précédents : Rubber SoulRevolverSgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band et Magical Mystery TourYellow Submarine (1967), le 33 tours qui suivrait celui qui nous intéresse ici, serait d’ailleurs sous-titré « Nothing is real ».

Du brouillage au blanc

A l’époque où il conçoit The Beatles, le groupe a décidé de contrecarrer toutes les attentes. Si rien n’est réel, seule une représentation négative de l’art, un brouillage total des codes et des écoutes, un décalage permanent peuvent faire sens. Seul le blanc de la couverture peut signifier le réel car il donne à voir ce qui est invisible, tout comme la plupart des chansons du disque donnent à entendre ce qui devrait être inaudible, qu’il s’agisse d’œuvres expérimentales, de chansons à priori totalement surannées ou de compositions qui mélangent les genres de manière très inattendue. Cette couverture blanche – que seuls les aveugles peuvent « voir » car le nom du groupe n’apparaît qu’en blanc mais estampé en relief (chaque exemplaire du disque étant numéroté de la même manière) – prend le contre-pied de l’inattendue couverture de Sgt Pepper où les Beatles se mettaient doublement en abyme (le groupe de 1967 côtoyant les statues de cire de Madame Tussaud de 1964 dans un disque où ils étaient censés incarner l’Orchestre du Club des Cœurs Solitaires du Sergent Poivre) au bord d’une tombe et devant une improbable galerie d’une bonne cinquantaine de portraits en pied comptant Marilyn Monroe, W. C. Fields, Karl Marx ou Edgar Allen Poe. La couverture blanche tranchait également avec celle de Magical Mystery Tour, reprenant, sans grande originalité, les recettes de l’esthétique psychédélique de l’époque.

La pochette de The Beatles fut réalisée par Richard Hamilton (2), que la critique considère comme l’inventeur du Pop Art. Hamilton suggéra que la pochette fût blanche et proposa ensuite de réaliser un collage de photos des Beatles, puis d’en faire une affiche à insérer à l’intérieur de l’album, avec en prime les paroles des chansons. La vision éclatée du monde dans The Beatles, la fragmentation de nombreuses chansons se retrouvent dans la pochette du double disque. A l’intérieur de la neutralité du blanc uniforme, quatre photos en noir et blanc des Beatles nous sont offertes. En nous regardant fixement, John, Paul, George et Ringo se donnent à nous. Ce don est redoublé par quatre photos en couleur sur papier glacé que l’on peut ranger dans un album personnel. Mais l’affiche de Hamilton nous présente les membres du groupe de manière totalement anarchique, en compagnie de quelques amis (George Martin, Elizabeth Taylor), sans parler du Premier ministre Harold Wilson. Impossible de donner un sens à ce poster, impossible de le hiérarchiser dans la synchronie ou la diachronie.

Avec « The Beatles », plus connu sous le nom de « White Album », nous sommes, à première vue, en présence d’une table rase où le sens, selon la démarche postmoderne, glisse de l’œuvre aux récepteurs dans la mesure où ce sens est déconstruit par les créateurs avant d’être reconstruit par les consommateurs dès lors que, pour reprendre une formulation de Linda Hutcheon, « le champ d’application du sens […] se déplace vers l’acte d’énonciation dans son ensemble. » (3) Dans cette perspective, The Beatles est un disque à part dans la production du groupe, leurs trois derniers 33 tours ayant été conçus dans une optique très claire d’affirmation d’un sens. Une fois ouvert, l’objet « double album blanc » continue de résister à toute interprétation évidente. L’œuvre offre une succession de styles totalement différents, sa structure est fragmentée, quand ce ne sont pas les chansons elles-mêmes qui présentent ces caractéristiques.

La multiplicité des sens et des interprétations engendrée par ce recours à la fragmentation, au brouillage, aux miroirs externes et internes (l’œuvre reflète la musique populaire des cinquante années précédentes et se reflète elle-même) procède effectivement du postmodernisme : au lieu de signifier le monde, le disque ne renvoie qu’à l’essence et à l’existence de la pop music, et interroge sa place et son rôle dans la société.

Au temps du post-modernisme

Avant de nous demander pourquoi le groupe a produit ce disque-là à ce moment-là, il convient de situer de nouveau la démarche postmoderne dans les années soixante. Le postmodernisme fut une réaction au modernisme, dans le domaine de l’architecture en premier lieu. Furent ensuite concernés les arts graphiques (la pop music est, plus qu’aucune autre musique populaire, une musique qui se voit) et la littérature (ainsi, The Beatles est-il contemporain de La maîtresse du lieutenant français de John Fowles, par exemple). Si l’architecture moderne, avec son béton, ses tubulures et son verre, rejetait la tradition, le postmodernisme affirmait rejeter ce rejet. On verra que de nombreuses chansons de The Beatles s’inscrivent dans cette double négation. La démarche postmoderne retourne vers les styles traditionnels, non dans un élan nostalgique, mais en marquant ses distances, en n’hésitant pas à plagier, à pasticher, à se mirer dans le passé tout en parodiant sa propre démarche narcissique. Le postmodernisme n’interpelle pas les mythes, il re-produit le passé avec ironie, détachement, affection parfois, mais aussi avec un souci calculé de provoquer le choc des moments culturels, des anachronismes. Une structure de verre pourra côtoyer une voûte gothique et des linteaux palladiens. En littérature ou en chanson, le postmodernisme se caractérise par la plurivocité, l’intertextualisation, les sens multiples, la subversion des formes, les méandres, l’erratique, la fragmentation, le non-sens. La subversion des genres implique l’atténuation des barrières entre l’art noble, comme la musique dite « classique » et l’art populaire. Le regard distancié vers le passé n’implique pas la répétition, mais un rétablissement (au sens athlétique du terme) de la mémoire, une anamnèse après analyse, donc un travail en analogie débouchant sur des ana ou métamorphoses. Politiquement parlant, si le postmodernisme peut épouser certaines causes, l’attitude dominante sera celle du désenchantement (et bien des chansons de l’album blanc sont « désenchantées ») par rapport à l’Histoire en ce qu’elle n’offre pas de clés pour la compréhension du présent ou pour la prévision de l’avenir. S’il ne s’agit peut-être pas de la fin des idéologies, on peut observer une pause ou une panne idéologique. Le créateur propose sans finalité. Aucune œuvre ne saurait donner confiance en l’avenir (4). 

En outre, la création postmoderne tente de déstabiliser l’art afin d’établir un nouveau discours sur l’art, une nouvelle relation entre l’œuvre et le récipiendaire. La place vacante laissée par l’absence de sens explicite, l’absence de « message », libère un nouvel espace de réflexion sur la nature de l’art. En tant qu’œuvre postmoderne, l’album blanc marque la volonté des créateurs de problématiser le continuum de la musique populaire. L’assemblage de genres et de styles musicaux, parfois à l’intérieur d’une même chanson, induit une réflexion (y compris au sens optique du terme) de l’œuvre sur elle-même et une réfraction — donc une appréciation, un jugement — de tel genre par rapport à la norme de tel autre.

On connaît ce postulat de Barthes (exactement contemporain de la sortie de The Beatles) selon lequel une création est un espace multidimensionnel dans lequel diverses écritures ou paroles s’interpénètrent quand elles n’entrent pas en contradiction (5). Ainsi le roman réaliste – ou le rock and roll traditionnel pour ne citer que lui – ne sont reconnus qu’à partir du moment où l’horizon d’attente est satisfait. L’œuvre postmoderne refuse ce relatif confort intellectuel quand elle accorde plus d’importance aux trous, aux seuils, aux marges qu’au fond.

Une œuvre kitsch ?

Survenant après Sgt Pepper et son prodigieux foisonnement inventif, l’album blanc, avec son refus (à une ou deux exceptions près que nous évoquerons) de recherches et d’innovations (6), a été taxé par certains contemporains de kitsch (7). Même si John Lennon a pu, après coup, qualifier telle ou telle chanson de « rebut », le terme « kitsch » ne convenait pas. La création kitsch copie avec application des styles convenus, pour ne pas dire usés jusqu’à la corde. Les Beatles parodiaient, mais avec le « distancement » (Barthes) d’une ironie démystificatrice. En feuilletant l’encyclopédie de la musique populaire de manière synchronique et diachronique, le groupe montrait que la pop music ne constitue pas un tout homogène né spontanément. L’univers pop apparaît dans ces plages comme constitué de galaxies fort éloignées les unes des autres, d’ensembles disparates.

Lorsque les Beatles, Paul McCartney en particulier, exhument du passé, à la surprise générale, des styles, des musiques, des manières de chanter inconnus ou oubliés de la jeunesse de l’époque et qu’il les « reformatent » pour une lecture pop, ils exposent les recettes de leur art. Le groupe prévient les auditeurs qu’ils sont bel et bien en train d’écouter des chansons, et que, comme pour toute création artistique, la mimesis est une illusion. En outre, en se replongeant dans le passé, mais sans jamais lui rendre un hommage aveugle, les Beatles questionnent la portée de leur art et de la pop music en général, au risque de sous-évaluer leur propre importance historique. S’il est possible de se moquer des chansons du passé, ils s'interrogent avec modestie sur le caractère audible de la pop music des années soixante quand une ou deux générations auront passé.

L’album des tensions

The Beatles fut l’album des tensions personnelles, au moment où les quatre membres se posaient sérieusement la question de la survie de leur groupe. Les chansons furent pourtant, pour la plupart, écrites en Inde, à l’occasion d’une retraite spirituelle auprès du gourou Maharashi Mahesh Yogi, dans une ambiance très « paix et amour ». Ce séjour, commencé sous les meilleurs auspices, mais qui allait se terminer dans la confusion et de sérieuses prises de bec avec le gourou, se situait, dans la vie du groupe, à un moment privilégié : sorti en 1967, le disque Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band avait fort justement conféré aux Beatles une reconnaissance universelle en matière de création (8), et les quatre jeunes gens avaient fondé, avec Apple, une compagnie dont ils attendaient qu’elle leur donne une autonomie totale en matière de création musicale, picturale et cinématographique. Malheureusement, l’expédition indienne aviva des conflits latents humains et artistiques. Les Beatles n’en revinrent pas moins d’Orient avec une masse impressionnante de chansons originales, fortement marquées par la composition à la guitare sèche, puisqu’ils ne disposaient pas de piano en Inde.

Les Beatles avaient imaginé appeler leur double album « A Doll’s House »Une maison de poupée d’Ibsen exprime, entre autres choses, l’antinomie entre le réel et l’imaginaire, la difficulté de communiquer, le poids du passé sur le présent. Le concept de maison de poupée(s) pouvait convenir à un disque fourre-tout ressemblant à une brocante de souvenirs d’enfance (9), avec des fantasmes, des jardins secrets, de l’onirisme carrollien (10).

Une œuvre du fragment

Le disque sortit en novembre 1968, à un moment où l’influence du groupe était telle que se ses membres (Lennon et McCartney en particulier) étaient très souvent sollicités pour donner leur avis sur la marche du monde : mouvement de jeunes, guerre du Vietnam, guerre civile irlandaise, mouvement des Noirs américains. A sa manière, le double album allait donner une réponse apolitique, en marge d’un bouillonnement comme le monde occidental n’en avait pas connu au cours du siècle.

La fragmentation, l’assemblage, le bricolage font que ce disque rompait avec la production précédente des Beatles. Le caractère accumulateur de différents genres tranchait avec la production pop de l’époque, tournée vers l’élaboration de disques concept, thématiques. Fragmentation dans l’ensemble de l’œuvre induisant une écoute active, mais aussi fragmentation constitutive de certaines chansons, soit parce que ces chansons étaient constituées de fragments (« Happiness is a Warm Gun » ou « Everybody’s Got Something to Hide Except for me and my Monkey »), soit parce qu’elles étaient elles-mêmes des fragments (« Wild Honey Pie » or « Why Don’t We Do it in the Road »). La technique picturale du collage utilisée par Hamilton pour son affiche corroborait la démarche des auteurs compositeurs, eux-mêmes inspirés par le surréalisme ou les romans expérimentaux du style Finegans Wake. Ce double 33 tours ne contient aucun thème fédérateur. Ainsi, la chanson la plus noire, « Happiness Is a Warm Gun » de John Lennon précède-t-elle une pochade légère et farfelue adressée par Paul McCartney à sa chienne, « Martha, my Dear ». La chanson très optimiste « Blackbird » qui, au premier degré, chante la nature et les petits oiseaux, précède « Piggies », caricature sans ambages de l’homo occidentalis. Le fragment absurde et libidineux « Why Don’t We Do it in the Road » est suivi de deux chansons très émouvantes et autobiographiques ou Lennon et McCartney évoquent successivement leur relation douloureuse à leur mère défunte (« I Will » et « Julia »). Le blues suicidaire et « dylanien » de Lennon, « Yer Blues », précède la chanson bucolique et à l’eau de rose « Mother Nature’s Son » de McCartney. L’exceptionnellement violent « Helter Skelter » précède une valse lente et susurrée, « Long, Long, Long ». « Revolution 9 », en tant que musique concrète, ne trouve pas sa place dans l’ensemble, pas plus que la dernière chanson, « Good Night », une berceuse orchestrée avec dix-huit instruments à cordes, inspirée de « True Love » de Cole Porter, qu’on se serait davantage attendu à trouver sur un disque de Bing Crosby.

 

Notes

 

 

1 McCartney était un grand admirateur du peintre belge. Il possédait plusieurs de ses tableaux et avait fait dessiner le logo de la firme des Beatles Apple en plagiant une pomme célèbre de Magritte.

2 On connaît son œuvre culte de 1956 : « Just What It Is That Makes Today’s Homes So Different, So Appealing ? »

3 A Poetics of Postmodernism, p. 86. Citée par Christian Gutleben in Un tout petit monde : le roman universitaire anglais - 1954-1994, Strasbourg, P.U. de Strasbourg, 1996, p. 114.

4 Quelques années plus tard, les punks créeront une rhétorique et une esthétique du refus (voir Claude Chastagner, La loi du rock, Castelnau-le-Lez, Climats, 1998, p. 78).

5 « [Un texte est] un espace à dimensions multiples, où se marient et se contestent des écritures variées, dont aucune n’est originelle. […] L’écrivain ne peut qu’imiter un geste toujours antérieur, jamais originel ; son seul pouvoir est de mêler les écritures, de les contrarier les unes par les autres. « La mort de l’auteur », Essais critiques IV : le bruissement de la langue, Paris, Le Seuil, 1984, p. 65.

6 Les versions originales de nombreuses chansons sont assez peu différentes des maquettes proposées par l’Anthology III des Beatles.

7 Kitsch vient de l’allemand Kitschen signifiant jeter. Kitsch implique l’idée de production artistique sans grande valeur, jetée au public pour sa consommation.

8 Le disque a fait depuis l'objet d'une étude très savante dans une collection où l'on retrouve la Missa Solemnis de Beethoven ou Oedipus Rex de Stravinski : Alan F. Moore, The Beatles Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, Londres, Cambridge U.P., 1997.

9 Voir Bernard Gensane, « Le Thème de l’enfance chez les Beatles », Les Langues Modernes, hiver 1970.

10 Il n’est pas exclu qu’ils aient renoncé à ce titre pour la simple raison que le premier album du groupe Family sorti en août 68 s’intitulait Music in a Doll’s House.

Pourquoi le “ Disque Blanc ” des Beatles est-il blanc ? (I)
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27 mai 2023 6 27 /05 /mai /2023 05:01

 

 

Paul McCartney, qui s'y connait en fabrication de chansons éternelles, estiment que “ God Only Knows ” des Beach Boys est la meilleure chanson du XXème siècle.

 

Le problème quand on est anglo-américano-centré et qu'on ne connaît pas d'autres langues que l'anglais, c'est qu'on a tendance à oublier le reste du monde. Je pourrais proposer à Macca (dans un désordre total et sans oublier que je suis français, donc légèrement biaisé) “ Le temps du muguet ”, interprété ici par Ivan Rebroff, (ou “ Katioucha ”) de Matvei Blanter,  “ Amsterdam ” ou “ Ne me quitte pas ” par Brel “ La Mer ” de Charles Trenet, “L'Hymne à l'amour ” d'Édith Piaf ” (ou “ Je ne regrette rien ”), sans parler des “ Trois Cloches ” (avec les Compagnons de la Chanson), “ Les Feuilles Mortes ”, de Prévert et Kosma (ici par sa créatrice Cora Vaucaire), “ Il mio Rifiugio de Ricardo Cocciante ”, Fado Português par Amalia Rodrigues, “ Bella Ciao ” (origines ashkénazes, italiennes … et françaises), “ Le loup, la biche et le chevalier ” d'Henri Salvador) “ Et maintenant ” de Gilbert Bécaud,“ Les moulins de mon cœur ” de Michel Legrand, “ Göttingen ” de Barbara, “ Un jour tu verras ” de Mouloudji,  “ Les lacs du Connemara ” de Michel Sardou, (y'a pas que Macca qui sache écrire des chansons “ irlandaises ”,   “ El Condor pasa ” (traditionnel péruvien) ici par Pura Alcantara de Byström,  “ La Bamba ” par Los Lobos, “ Waterloo ” par Abba, “ Come Prima ” par Marino Marini, “ Ti Amo ” par Umberto Tozzi, “ O sole mio ” d'Eduardo di Capua, Alfredo Mazzucchi, Giovanni Capurro (1898), “ Non Ho l'Eta ” de Gigliola Cinquetti, “ Manhã de carnaval ” par Eliseth Cardoso, “ Love Me, Please Love Me ” de Michel Polnareff, “ Le Galérien ”, ici par Yves Montand, arrangement d'une mélodie russe par Léo Poll (père de Michel Polnareff), paroles de Druon et Kessel, “ Plaine,  ma plaine ”, par Lev Knipper, “ Nuit et Brouillard ” de Jean Ferrat (ou “ La Montagne ”), “ Comme d'habitude" de Claude François.

 

Bon, j'arrête et j'espère des suggestions.

 

 

 

God Only Knows des Beach Boys, mouais...
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24 mai 2023 3 24 /05 /mai /2023 05:01

Un exemple, parmi des milliers d’autres nous prouvant – si besoin était – que le XXe siècle (pour le XXIe, un bilan est prématuré) fut fracassant et fracassé.

 

Officier de cavalerie polonais, Witold Pilecki fut agent de renseignement et chef de la résistance polonaise durant la Seconde Guerre mondiale. Il n’en fallait pas plus pour qu’il achevât sa courte vie (1901-1948) fusillé à Varsovie.

 

Il fut l’un des fondateurs de l’Armée polonaise secrète, un groupe de résistants en lutte contre l’occupation allemande.

 

Pendant la guerre, il se fait volontairement emprisonner en 1941 dans le camp de concentration d’Auschwitz afin de témoigner, de renseigner les Occidentaux. Il parviendra à s’évader du camp après deux ans et demi d’emprisonnement avant de prendre part à l’insurrection de Varsovie d’août à octobre 1944. Il est arrêté en 1947 par la police secrète après qu’on l’eut accusé de collaborer avec les services de renseignement britannique. Il est exécuté après une parodie de procès. Sa personnalité et son action seront cachées jusqu’en 1989. Il sera réhabilité comme « l’un des plus grands héros de la guerre ».

 

En 1926, il était devenu propriétaire du domaine familial situé dans l’actuelle Biélorussie. Il œuvre comme travailleur social, il fonde une coopérative agricole et préside une usine agroalimentaire. En 1932, il fonde une école de cavalerie. En 1938, il reçoit la Croix du mérite pour son action dans le domaine du travail social.

 

Il est mobilisé en août 1939 en tant que commandant de peloton de cavalerie. Quasiment anéanti suite à des combats avec les forces allemandes en septembre 1939, son peloton se replie à Lviv en Ukraine. Il intègre une division d’infanterie, détruit sept chars allemands et abat un avion.

 

Après l’invasion par l’Union soviétique en septembre 1939, la division est dissoute, Pilecki, se cache à Varsovie avant d’organiser l’armée secrète polonaise. En 1940, cette formation comprend 8 000 hommes. Pilecki demande alors à ses supérieurs l’autorisation d’être interné dans Auschwitz, un camp de concentration qui n’est pas encore d’extermination. Il reçoit le n° 4859. Durant son emprisonnement, il est promu par l’armée polonaise au rang de premier lieutenant.

 

Il organise dans le camp une « union clandestine des organisations militaires » et prépare combat contre les SS. Il crée un réseau d’entraide, récupère des médicaments et de la nourriture et parvient à inoculer le typhus à des SS. Il réussit à faire parvenir par radio à Londres des descriptions très précises sur le camp. La Gestapo du camp élimine plusieurs membres de l’organisation clandestine. Pilecki s’efforce de convaincre les alliés de la nécessité d’attaquer Auschwitz. Il s’évade après 947 jours de détention.

 

Les Britanniques refusent un bombardement aérien du camp. Plus tard, l’historien étasunien David S. Wyman posera la question évidente suivante : « Comment se fait-il que les gouvernements des deux plus grandes démocraties occidentales, sachant qu'il existait un endroit où 2 000 êtres humains sans défense pouvaient être tués toutes les trente minutes, sachant que ces exterminations continuaient, encore et encore, n'ont pas ressenti le besoin de trouver une voie pour éradiquer ce fléau de la surface de la terre ? » Churchill, pour sa part, avait refusé ces bombardements au motif qu’ils seraient « imprécis ».

 

En août 1943, Pilecki rejoint une organisation anticommuniste secrète, « L’Indépendance » pour préparer la résistance contre une éventuelle occupation soviétique. C’est alors que commence l’insurrection de Varsovie. Une horreur. Les combattants polonais vont résister 63 jours. On dénombrera coté polonais 18 000 soldats tués, 25 000 blessés et 180 000 civils tués. Les Allemands perdront 17 000 soldats. Après leur capitulation, les soldats polonais obtiennent le statu de prisonniers de guerre et sont emprisonnés en Allemagne. Ce qu’il reste de la population civile (environ 350 000 personnes) est parquée dans des camps de transit dans la banlieue de arsovie, puis déportée vers des camps de concentration. Pilecki est envoyé dans un camp en Silésie. Il est libéré par l’armée des États-Unis le 28 avril 1945.

 

En juillet 1945, il est affecté au renseignement militaire. En décembre, il organise un réseau de collecte de renseignements. Son identité d’agent de renseignements est découverte. Il refuse un ordre de quitter le pays. En 1946, le gouvernement polonais donne l’ordre de cesser les actions clandestines de la résistance polonaise. Pilecki refuse.

 

En avril 1947, il collecte des informations sur les atrocités commises par les Soviétiques en Pologne pendant l’occupation de 1939 à 1941. Il est arrêté par des agents du ministère de la Sécurité publique le 8 mais 1947. Il est torturé mais ne révèle aucune information importante. Le tribunal le juge « ennemi du peuple » et le condamne à morte le 15 mai. Il est exécuté 10 jours plus tard d’une balle dans la nuque par le bourreau alcoolique et violeur Piotr Smietanski. La dépouille de Pilecki n’a jamais été retrouvée.

 

En 1992, les autorités biélorusses détruisent la propriété des Pilecki. Les étangs qui l’entourent sont comblés avec du sable.

 

En 2003, le procureur qui a requis contre Pilecki est impliqué de complicité dans son meurtre. Il meurt en 2004 avant la fin de son procès.

 

Réhabilité, Pilecki est décoré à titre posthume de l’Ordre de l’aigle blanc, la plus haute décoration polonaise. En 2013, il est qualifié de « plus haut exemple de patriotisme polonais ». Plusieurs films, livres et bandes dessinées lui sont consacrés.

 

Ci-dessous : une photo de Pilecki pendant son procès.

 

Connaissez-vous Witold Pilecki ?
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17 mai 2023 3 17 /05 /mai /2023 04:09

Prenez les chaînes de radio, celles de télévision, privées ou publiques et vous entendrez, selon vos disponibilités, 10, 20, 50 bulletins « météo » chaque jour.

Pourquoi ce type d’information jusqu’à l’écœurement ?

 

Il s’agit d’un choix de société, ou tout simplement politique. Lorsque j’étais enfant, nous étions abreuvés de résultats de courses hippiques. J’ai encore, dans l’oreille, la voix très radiophonique de Maurice Bernardet. Finis les bourrins. Finis les cravates que la baronne de Rothschild (bien avant la naissance du boy d’Amiens) offrait chaque dimanche à Léon Zitrone.

 

Le mot « météo », abréviation de « météorologie » (d’un mot grec qui signifie « discours sur ce qui est au-dessus de la terre ») ne convient pas. Comme son nom l’indique, la « météo » est la science du temps, qu’il a fait, qu’il fait ou qu’il va faire. Ce que l’on nous donne sur les antennes, c’est tout simplement le temps. Parce qu’ils étaient devenus la première puissance maritime mondiale et parce qu’ils avaient besoin de prévisions sûres à court et moyen termes, les Britanniques ont inventé cette science qu’ils ont appelée « weather forecast », c’est-à-dire « les prévisions concernant le temps ». Á noter que le mot « forecast » (prévisions) est utilisé au singulier lorsqu’il s’agit de prévisions particulières (« the weather forecast today is… » et au pluriel lorsque l’on parle de prévisions en général (« weather forecasts are not always reliable »). Raison pour laquelle le méridien de Greenwich, dont tout part, se situe à … Greenwich, c’est-à-dire à Londres. Même si, pendant 130 ans, il n’a pas été placé au bon endroit !

 

94% de la population française possèdent un téléphone portable. Avec ce merveilleux petit instrument, désormais le prolongement du membre antérieur droit ou gauche chez la majorité des humains, on peut en – littéralement – quatre secondes savoir quel temps il a fait, quel temps il fait et quel temps il va faire à Karachi. On aura également des indications précises sur la pression atmosphérique, la vitesse du vent, la qualité de l’air, la visibilité, l’humidité et le désormais incontournable ressenti. En étant plus modeste, on aura exactement les mêmes renseignements concernant Hénin-Beaumont ou le 7ème arrondissement de Lyon.

 

Donc, à quoi servent les bulletins « météo » ?

 

Á rien.

 

Ah si, j’oubliais, à nous faire ingurgiter de la pub, avant, après et parfois pendant ces bulletins.

 

Fallait le dire. C’est dit. Et j’ajouterai que la science du temps, telle que nous la connaissons aujourd’hui, date du VIème siècle, suite au refroidissement des années 535 et 536, dû vraisemblablement à des éruptions volcaniques phénoménales qui firent chuter la température de 2,5°, et engendrèrent des récoltes misérables, des famines, des épidémies de peste. Á bien conserver dans un coin de notre cerveau lorsque nous évoquons un plausible réchauffement climatique de deux degrés d’ci 50 ans.

Pourquoi des bulletins « météo » à tire-larigot ?

Je dépose parfois des textes de ce blog sur le site du Grand Soir, dont je suis l'un des trois administrateurs et l'un des contributeurs réguliers. Le Grand Soir a publié près de 30 000 articles et a accueilli près de 3 millions de visiteurs depuis sa création. J'ai pour règle de ne jamais répondre aux commentaires : j'ai dit ce que j'avais à dire et les commentateurs sont libres de s'exprimer comme ils l'entendent. Même lorsque les commentaires manient l'attaque personnelle. Dans ce cas, leurs auteurs se déconsidèrent sans que j'ai besoin de les y aider.

 

Il y a une chose qui me frappe dans les commentaires – je les lis tous avant publication – c'est que quatre lecteurs sur cinq ne lisent pas comme il convient. Ils ont des excuses : depuis l'avènement d'internet, nous sommes massivement abreuvés, sollicités par des foultitudes de choses à lire. Alors, on lit trop vite. Je ne fais pas exception et, comme beaucoup d'autres, j'ai tendance à lire, non pas ce qui est écrit, mais ce que j'aurais écris, moi, à la place de l'auteur. Je ne vois que ce que j'ai envie de voir.

 

Je voudrais en faire ici la démonstration en reprenant les commentaires à mon article publiés par le Grand Soir. Je rappelle que j'ai enseigné l'anglais pendant quarante ans (langue et littérature) et que , comme ici, je m'intéresse aux mots en ce qu'ils posent question en termes politiques.

 

1) Je regarde le bulletin météo du JT soir de France 2, histoire de voir s’il pleuvra et quand. C’est pour le jardin ! En effet, étant très fainéante de nature, je sème sans arroser préférant que la pluie s’en charge. Il faut donc que je sache quand semer pour que dame Nature arrose mes semis. Il reste une marge d’erreur à intégrer.


J’ai trouvé très courageux de la part de France 2 de modifier complètement son concept de bulletin météo. Ils ont réussi à introduire sans trop de lourdeur des notions de climat et de changement climatique. Bien entendu les complotistes vous diront la suite, que c’est de la propagande pour asservir le peuple et emmerder les contribuables (surtout la fibre contributive, là c’est douloureux).

 

Très intéressant, mais hors sujet.

 

2) Malgré l’inquiétante prolifération météorologique dénoncée ici avec justesse et mesure, il est réconfortant de pouvoir inférer de cet article que des gens regardent toujours la télévision et écoutent encore la radio tout le jour durant pour faire un constat de cette importance.

 

Petit commentaire vicieux d'un type (ou d'une typesse) qui me reproche de perdre mon temps avec des futilités alors que, lui-même, ne peut avoir écrit ce commentaire que parce qu'il fait de même.

 

3) Tellement plus simple, il suffit de se connecter à ce site :


https://www.infoclimat.fr/
Il montre la photo satellite actualisée chaque minute, on voit parfaitement les nuages plus ou moins menaçants avancer selon les couleurs. A chacun ensuite de voir plus finement (certains sites météo bénévoles y vont de leur commentaire) pour prévoir ce qui va se passer avec un degré de certitude assez grand. Météo-France ne peut pas gérer les micro-climats, qui abondent.


S’y inscrire apporte même souvent des plus, on peut même relater un phénomène très local, qui souvent continue à se déplacer.

 

Je repense à cette fois où mon fils, allant rejoindre sa belle-famille à Auxerre, a pu observer une tornade se déplaçant devant lui, et constatant qu’à partir d’un certain endroit les murs étaient renversés, les toits arrachés..... de quoi se sentir tout petit...

 

Intéressant, familial et hors sujet.

 

4) La météo, c’est assez fascinant. D’ailleurs j’ai des amis (que je côtoie moins maintenant) qui, dès qu’ils surent ce qui s’était passé à Tchernobyl, demandèrent leur mutation. Ils étaient en Alsace, on les parachuta en Guadeloupe qui se remettait très difficilement de Hugo.


Ils étaient ingénieurs météorologues tous les deux.


Rien n’est évident en météo. Je ne parle même pas de la prévision à long terme. Cela joue sur des facteurs de milliards de milliards de facteurs.


Mais bien entendu, des fonctionnaires formatés au micron près sauront quoi faire quelle que soit la circonstance. Ne sont-ils pas prévus pour ce genre d’aberration ? . On a tout compris.

 

Intéressant, mais hors sujet.

 

5) Billet peu clair... et vaguement confusionniste. Météo et climat sont distincts.

 

Moi aussi, j’aime bien savoir le temps qu’il va faire, pour diverses raisons, dont celle mentionnées par Assim... Et je ne me réfère pas à la météo pour prouver quoi que ce soit concernant le climat.

 

Ceux qui continuent à regarder la téloche sont ceux qui se gavent de pubs (ils savent ce qu’ils doivent faire pour ne plus l’être, et s’ils continuent, ils n’ont pas à s’en plaindre), ceux qui comme moi ont une application pour connaître le temps qu’il va faire sont préservés de toute publicité.

 

J’annule mon com précédent, dont je regrette le caractère trop hostile vis-à-vis de l’auteur. Avec mes excuses.

 

Je reformule mon propos.

 

Météo et climat sont deux choses distinctes. Je ne me réfère pas à la météo pour former mon jugement sur le changement climatique. Connaître la météo à venir m’est utile pour diverses raisons dont celles mentionnées par Assim.

 

Quant à déplorer la présence de publicités, seuls les usagers de la télévision ont à s’en plaindre mais ils connaissent la solution à ce problème sans vouloir se résoudre à la mettre oeuvre.

 

C’est vrai qu’avant 2000, tout se faisait au doigt mouillé... La météorologie existe pratiquement depuis que les satellites existent. La propension qu’ont certains à causer de sujets auxquels ils ne connaissent rien n’a plus de limites.

 

Lui, c'est le pompon. Deux commentaires. Il signe d'un pseudo “ chinois ” (il a vécu là-bas). Il m'a dans le collimateur. Il veut le beurre et l'argent du beurre en étant une sorte d'administrateur officieux, mais pas officiel, du Grand Soir, ce qui implique des responsabilités. C'est un type cultivé, d'un calibre certain. Il exerce un magistère quasi terroriste en insultant de nombreux commentateurs (moi y compris) du haut des sa névrose et de ses frustrations. “ Faut vraiment avoir un pète au casque pour flipper en regardant la météo sur Internet... ”, écrit-il charitablement à un lecteur. Trois lecteurs m'ont écrit à mon adresse personnelle (hors Grand Soir, donc) pour me dire qu'ils cessaient de commenter par crainte de se faire ramasser par ce “ Chinois ”.

 

6)  @C’est le top ce site, merci ! Mais justement, je ne veux pas entrer dans cet engrenage dénoncé par Bernard Gensane. Je conserve un certain flou artistique et un aléa poétique. Je ne suis pas au taquet, je ne suis pas à la chaîne. Je ne suis pas non plus dans la recherche du rendement, ni de la productivité. Ça me mettrait trop la pression. S’il fallait que je galope pour me conformer au dieu du tonnerre, tu te rends compte comme ma fainéantise en prendrait un coup ? 


@..., tu peux préciser pour savoir si c’est du lard ou du cochon ta petite remarque ? Et quelle est ta position concernant les bulletins météo, si tu veux participer à cet échange d’opinions sur le même plan que les copains.

 

Terriblement personnel.

 

7) Je trouve que Bernard Gensane est bien gentil de trouver que les bulletins météo ne servent à rien sauf à nous faire ingurgiter de la pub.Regardons Météo-France sur internet : 1/3 de la page pour les cartes météo, 2/3 pour marteler réchauffement climatique, sécheresses, ouragans et catastrophes.
Regardons la météo sur France 3 à 21h. Emission nouvelle formule et nouveau nom : "Météo 
et climat" ... Tout un programme. Au temps consacré aux prévisions habituelles s’ajoute ce qu’il faut bien appeler une lourde séquence de propagande climatique : une question bien naïve d’un téléspectateur est sélectionnée et un expert de la doxa climatique lui assène une réponse bien comme il faut.


Tout ce matraquage (ajouté aux innombrables documentaires écolo-catastrophistes de France 5) n’est-il pas suspect ? Le fait qu’il vienne de la télé de Macron ne met il pas la puce à l’oreille ?


Et bien non. Au sein de la gauche radicale, on veut bien critiquer le gouvernement, sa propagande et ses médias quand il s’agit de retraites ou même de l’Ukraine. Et c’est très bien.


Par contre, dès qu’il s’agit des dogmes mondialistes climatiques ou covidiens (qui visent rien moins que faire consentir à la nouvelle austérité et à la disparition des libertés fondamentales), on se range gaiment du côté du système, on ne voit que pure science et aucune propagande et ceux qui osent alors critiquer la télé des milliardaires deviennent des complotistes et des gens d’extrême-droite. (Voir le commentaire de x qui trouve France 2 courageuse et sa séquence climat bienvenue et sans lourdeur).

 

Constructif.

 

8) Sans vouloir offenser Bernard .son article est mauvais dans le sens où il oublie le principal .les effectifs de Météo France ont été laminés...ce qui a pour conséquence que " la météo" c est a dire la prévision du temps a 48 h maxi est fausse 1 jour sur 2 .sans compter la météo touristique mensongère .( On annonce la neige régulièrement pour faire venir les touristes en station).bref tout part en couille en macronie.

 

J'ai des amis météorologues de haut niveau (docteurs d'État en physique de l'atmosphère entre autre) depuis 1978. Ce que j'écris n'est pas parfait mais je ne pars jamais sans biscuits. Exemple typique du commentateur qui ne s'intéresse qu'à un seul point que je n'ai pas évoqué.

 

 

9) HéHé Comme le dit X, le plus hallucinant c’est qu’il y ait encore pléthore devant les publicités et la météo .


Oui mais ça les rassure de voir qu’il y a des régions où il fait plus froid que chez eux .Qu’ils n’ont pas tout faux partout .

 

Sinon .Certes le ciel bleu fait voir la vie en rose .


Mais pour tous ces gens qui vivent hors sol entre béton et bitume et ne marchent jamais dans la boue et ne sèmeront jamais rien de leur vie où se trouve la faille psychique obsessionnelle pour la météo dont tire profit la publicité ?


Justement n’y aurait il pas dans le subconscient de tous ces scrutateurs du temps qu’il fait la trace de tous leurs ancêtres pour qui la météo était une question de récolte ou de mort et pas de choix de WE ou de parapluie oui ou non ?

 

Intéressant, mais pas grand chose à voir avec mon article.

 

10) Plus vicieusement : si on fait une recherche sur une ville sur Wikipedia, systématiquement "la chose climatique" est présentée comme se préparant à une augmentation des températures, mais ce n’est que suggéré, et aucune preuve n’est donnée. Et ce genre de blabla se retrouve au niveau de chaque commune, même petite. C’est dégoûtant.

 

Parfaitement en rapport avec mon article. L'auteur de ce commentaire devrait développer.

 

11) J’ai lu une fois un article sur le coût astronomique des 690 stations météologiques de France et de leurs 3 700 agents , chargés par le passé de relever les températures etc et qui aujourd’hui ne servent plus à rien car les relevés sont faits par les satellites mais qui continuent d’exister, sans même de réduction de personne : les effectifs de Météo-France sont restés constants depuis la création de cet établissement public. Pourquoi ? 


Defense des intérêts corporatistes ? Apathie bureaucratique ? Détournement des salariés vers autre chose ? La propagande climat et transition énergétique est sans aucun doute leur véritable fonction...

 

Commentaire informatif pas vraiment en rapport avec l'article mais qui pose un problème très sérieux.

 

12) Figure-toi que moi-aussi ça me fait profondément chier que mon assurance m’envoie des bulletins d’alerte météo au moindre orage. Cette ingérence dans ma pensée est insupportable. Cette infantilisation révolte. Toutefois, ça n’enlève rien au fait qu’il y a bel et bien un problème environnemental et même beaucoup de problèmes environnementaux, en particulier l’accaparement de l’eau par les entreprises (industrie ou agriculture).

 

Tu devrais sortir du jugement manichéen. Tu risques d’être manipulé par le lobbying de la FNSEA (et similaires) qui pilonne pour ne pas souffrir la moindre restriction à ses prédations. Tu risques d’être le jouet de leur endoctrinement anti-écologique, martelé jour après jour pour que Macron décide en leur faveur (faire une pause dans la réglementation). Tu risques de mettre sur le même plan le green-washing débridé et les véritables questions écologiques.

 

Le plus souvent, ceux qui ont les yeux rivés sur leur téléphone pour voir quel temps il fera, c’est pour vérifier qu’ils auront du beau temps en week-end !!! Jean-YVes Leblanc, je me contente personnellement de mon petit bulletin en début de ma petite soirée télé. Si je le rate, hé bien, c’est pas grave ! Le téléphone n’est pas pour moi une extension de mon corps. Je n’ai pas téléchargé la moindre appli. 


Je ne suis jamais géolocalisée non plus.

 

@D, ça serait un article de Agnès Verdier-Molinié sur le coût astronomique de la météo nationale ;-) ? Pour la droite, tout ce qui est recherche scientifique fondamentale est un coût de trop. La droite préfère les délicieux crédits impôts recherche faits directement aux entreprises.

 

Très polémique, plutôt hors sujet, mais pose de vrais problèmes.

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26 avril 2023 3 26 /04 /avril /2023 05:01

L’embrouillamini, tel que je le conçois en tant que praticien et amoureux des langues, est l'idiome de la confusion qui, à force de nous embrouiller, devient difficilement compréhensible parce que le destinateur envoie un message double ou triple à un destinataire qui ne sait plus ce qu’il doit recevoir. Le contact entre les deux bouts de la chaîne linguistique se fait mal car, autant physiquement que psychologiquement, la communication se brouille, flotte, ne parvient pas à être correctement maintenue. 

 

Liaison (Canal+) est une série passionnante, fort bien menée, avec des acteurs très aguerris. Elle a été conçue par Virginie Brac à qui l’on devait déjà plusieurs épisodes d’Engrenages, succès très mérité de Canal+. Elle est produite par la société britannique Ringside Studios et la française Léonis Productions. Les deux acteurs principaux sont Vincent Cassel et Eva Green. Cassel parle l’anglais, l’italien, le portugais et l’espagnol – sa maîtrise de ces langues est très authentique (à part l’espagnol un peu trop calqué sur l’italien). Son portugais, en particulier, est quasi indétectable. Il a une oreille exceptionnelle qui lui permet de reproduire à la perfection des langues “ difficiles ” comme l’arabe ou le russe. Eva Green parle français, suédois et anglais.

 

Tous ces acquis langagiers tombent bien dans une série anglo-française qui veut être achetée “ à l'internationale ”, comme on dit.

 

Et pourtant, il y a un malaise, surtout du côté des acteurs français, présents en grand nombre. Outre les deux vedettes susnommées, on rencontre Gérard Lanvin, Thierry Frémont, Stanislas Merhar (de père slovène), Irène Jacob, Laëtitia Eidi (de mère libanaise), Eriq Ebouaney (d’origine camerounaise), Tchéky Karyo (d’origine turko-grecque).

 

Je n’évoque pas ici les acteurs britanniques ou d’autres nationalités pour ne pas compliquer le tableau.

 

Question : en quelle langue ces acteurs jouent-ils ? Autant que j’ai pu le décrypter, ils jouent dans leur langue maternelle. Mais leurs prestations sont doublées. Par eux-mêmes, m’a-t-il semblé. La production complétant par des sous-titres. Et alors là, nous sombrons dans le gloubi-boulga de la confiture linguistique. Á part Eva Green – et encore car son anglais se veut mais n'est pas extraordinaire, c’est la cata. Cassel n’est pas lui-même. Thierry Frémont, qui joue le rôle du président de la République français, est méconnaissable, outré. Gérard Lanvin en devient risible, niveau 5ème de transition. Irène Jacob est tout sauf Irène Jacob. Stanislas Merhar est à l'Ouest.

 

Les signes disparaissent dans une soupe à gros bouillons. Nous sommes dans la bâtardise des signifiés et dans l’édulcoration des signifiants. La série n’est ni anglaise, ni française. Même si c’est accessoire, on ne peut évaluer le jeu des acteurs, alors qu’ils sont tous très bons.

 

 

La série Liaison : tourner en embrouillamini pour quelques dollars de plus

PS qui n'a rien à voir : si ce n'est pas moi qui le dis, personne d'autre ne le dira. Hier 25 avril, j'ai donné une longue conférence sur Orwell à des élèves de 1ère du Lycée Récamier de Lyon, à l'initiative de leur professeur d'anglais Maud Bergantin. C'était la première fois depuis 14 ans que je parlais devant des djeuns. Je m'en suis plutôt bien sorti. Il faut dire que ces lycéens étaient très motivés, posant une foule de questions particulièrement pertinentes.

La série Liaison : tourner en embrouillamini pour quelques dollars de plus
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19 avril 2023 3 19 /04 /avril /2023 05:01

 

Le 14 avril 2023, j'ai fait référence à ce formidable dialogue entre le sociologue David Harvey et Jean-Luc Mélenchon qui portait notamment sur la manière dont le capitalisme avait aboli l'espace et le temps, ce qui était tout bénéfice pour lui.

 

Le temps (ou l'espace…) d'une conversation téléphonique de quelques minutes m'a fait prendre conscience, toucher du doigt, ce nouvel état de fait.

 

Sur l'écran de mon téléphone s'affiche un numéro espagnol. Je suis intrigué : je n'ai pratiquement aucune connaissance dans le pays. Je doute que le correspondant soit un admirateur éperdu de ce blog ; peut-être s'agit-il d'un ami français de passage en Espagne.

 

– Allo, digame…

 

– Allo Bernard ?

 

– Oui…

 

– Je ne t'entends pas très bien.

 

– Tout baigne de mon côté. Mais qui es-tu ?

 

– C'est Jean Dupont.

 

– Ah… Mais que fais-tu en Espagne ?

 

– Je ne suis pas en Espagne mais à Vienne.

 

– En Auvergne-Rhône-Alpes ?

 

– Mais non, en Autriche.

 

– Tu m'en dis un peu plus…

 

– Je reviens de Dubai où j'ai donné quelques conférences [Jean Dupont est retraité de l'enseignement supérieur]. Alors que nous étions à environ 1 heure de vol de Paris, le commandant de bord a eu deux crises cardiaques successives. La première légère, la seconde sérieuse et douloureuse. Nous avons été déroutés vers Vienne où le second a posé l'avion en catastrophe. Nous devrions être à Paris ce soir. 

 

– Dans ce cas, passe à la maison demain, je fais chauffer le Glenmorangie que nous aimons tant, ce sera bon pour nos coronaires et tu me raconteras tout cela en détail. Et surtout tu m'expliqueras pourquoi ton numéro de téléphone s'est affiché en Espagne.

 

– Je te réponds tout de suite : quand je suis à l'étranger, j'ai un abonnement qui fait passer mes communications par satellite, et alors c'est au petit bonheur la chance.

 

Imaginons une guerre nucléaire où tout doit se décider par satellite dans l'immédiateté au petit bonheur la chance !

 

Bref, cette configuration, ce scénario eussent été impossibles il y a seulement trente ans. Peut-être que dans trente ans on pourra remonter le temps, tout revivre et empêcher, par exemple, des avions de s'écraser. 

 

 

Un coup de fil illustrant le dialogue Harvey-Mélenchon
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