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2 juin 2022 4 02 /06 /juin /2022 05:01

Selon Denis Fougère et Mirna Safi, sur l'ensemble de la période allant de 1968 à 1999, 11% des immigrés avaient acquis la nationalité française (hors acquisition par mariage). Les immigrés originaires d'Algérie, du Portugal et de Turquie sont les moins fréquemment naturalisés, par opposition à ceux venus d'Asie du Sud-Est et des l'Afrique subsaharienne. Être inactif ou ouvrier diminue les chances de naturalisation. L'acquisition de la nationalité a un impact positif sur l'accès à l'emploi des immigrés (In “ L'acquisition de la nationalité française : quels effets sur l'accès à l'emploi des immigrés ? ”).

 

Les naturalisations sont en baisse depuis 2005. Les naturalisés étaient plus de 92 000 en 1995, 168 826 en 2004, puis un peu plus de 150 000 en 2005. 113 608 en 2015, 110 014 en 2018,  109 821 en 2019 et 84 864 en 2020 première année de la crise sanitaire. Entre 2016 et 2020 les acquisitions de la nationalité française par mariage se chiffraient respectivement à 20 702, 17 476, 21 000, 25 262 et 18 223. Les femmes sont aussi nombreuses que les hommes à acquérir la nationalité française, avec une chute des Maghrébines qui sont passées de 50% en 2005 à 37% en 2014.

 

Un problème sérieux est que, dans notre culture, dans notre imaginaire, un Français maghrébin reste un immigré. Selon le démographe Hervé Le Bras, hier tout était simple : on était français ou étranger. Aujourd’hui on peut être français, mais Français “ immigré ”. La “nocivité” du mot est de faire “fi de la naturalisation”, et plus grave, d’avoir “gonflé la partie étrangère en lui adjoignant les naturalisés, ce qui a creusé l’écart entre ces derniers et les Français”. Ainsi, en renvoyant le naturalisé à son étrangeté on élargissait, “le fossé […] entre les Français de naissance et les immigrés”.

 

L'immigration ad vitam aeternam est-elle un frein à l'assimilation, et même à l'intégration ?

 

Naturellement, on ne réécrit pas l'histoire et il est vain de revenir sur les occasions manquées. Il n'est pas interdit cependant de se demander si l'immigration perpétuelle a empêché l'assimilation d'une bonne partie de l'immigration. La continuation d'un flot d'immigration important en provenance d'Afrique du Nord dans un contexte de chômage massif et structurel a empêché de nombreux immigrés de bénéficier de conditions économiques et sociales décentes, ce qui a fait obstacle à une vraie assimilation et a, en revanche, nourri dans l'Hexagone un fondamentalisme né en Algérie.

 

Il semble que l'actuel président de la République soit en faveur d'un multiculturalisme “ à la française ”. En 2017, ce pur produit de l'enseignement supérieur français et homme de culture qualifiait la culture française de “ diverse et multiple ” en assénant qu'il “ n'y a[vait] pas de culture française ”, après avoir, au Puy du Fou et ailleurs, évoqué son amour pour les belles lettres et la pensée française. Il semble bien que sa vision la moins incohérente est celle d'un monde ouvert où il faut constamment s'adapter et où l'économie, le social et la culture ne sont pas enracinés dans la tradition, n'ont pas d'assignation particulière. L'actuel président envisage-t-il une société pluriethnique avec des normes majoritaires dominantes que respecteraient des cultures minoritaires qui seraient elles-mêmes respectées ? Il faudra alors s'accommoder de dirigeants du style Erdogan qui, voulant le beurre et l'argent du beurre, demande à ses ressortissants migrant vers la France de réclamer la nationalité française tout en affirmant que l'assimilation est “ un crime contre l'humanité ”. Pour Erdogan, la nationalité est, à proprement parler, de papier : “ rendre un passeport français ne vous fait pas perdre votre identité turque ”. Il est clair que pour lui les Turcs résidant en Europe sont les “ diplomates ” de la Turquie.

 

Pour simplifier, on dira que l'assimilation est l'acceptation de la société en tant qu'État tandis que l'intégration est l'entrée dans une société d'individus, principalement par le biais de l'emploi. L'assimilation abolit les différences : vous croisez dans la rue un Sicilien d'origine sans penser un seul instant que ses parents ou grands-parents ont émigré il y a peu (comme les Bretons ou les Auvergnats de Paris dans la première moitié du XXe siècle). L'intégration n'abolit pas les différences : elle les dissout dans l'économie, étant basée sur un contrat. On comprend donc pourquoi l'Union Européenne met en avant le modèle intégrationniste car il est, selon ses termes, “ un processus dynamique à double sens d'acceptation mutuelle de la part de tous les migrants et résidents des États membres. Ce processus […] est essentiel pour mettre à profit le potentiel qu'offre les migrations ainsi que pour améliorer la cohésion sociale. ”

 

Pendant ce temps, l'acceptation des mœurs de la société dominante est passée par pertes et profits. Mais bien des faits de société, impensables il y a quarante ans, sont entrés dans la norme : le voile islamique contre lequel des femmes se battent courageusement en Iran, l'abattage halal qui concerne désormais la moitié de la viande vendue dans notre pays, la polygamie et l'excision pratiquées discrètement, l'interdiction du blasphème de plus en plus répandue, la critique d'une religion immédiatement taxée de “ racisme ”, l'existence de “ territoires perdus de la République ”, la baisse du niveau scolaire pour quantités d'enfants issus de l'immigration, le clientélisme  régulateur de paix dans les cités et de statu quo, les subventions versées à des associations dites “ culturelles ”.

 

Assimilation ou intégration ? (II)
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23 mai 2022 1 23 /05 /mai /2022 05:01

Le Monde se demande comment un étudiant en médecine à Tours a pu continuer ses études à Limoges après le dépôt de cinq plaintes à son encontre pour des faits de viol et d’agressions sexuelles survenus entre 2013 et 2020 ? C’est un cas d’école, révélateur des dysfonctionnements de l’université dans le traitement des violences sexuelles et sexistes, sur lequel s’est penchée l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche.

 

Á la mi-avril 2022, des inscriptions en lettre capitales noires sur fond blanc ont fait leur apparition sur les murs de la faculté de médecine de Tours. « Aujourd’hui ton violeur, demain ton docteur » ; « Ici sont formés et protégés des violeurs » : les messages, collés par un collectif féministe, sont explicites et l’émoi est véritable. Après deux mois de détention provisoire, entre septembre et novembre 2020, un étudiant accusé de viol et d’agressions sexuelles par des étudiantes a pu s’inscrire à la faculté de médecine de Limoges, pour y poursuivre son cursus, en attendant la tenue de son procès. Le jeune homme, âgé de 24 ans, a réalisé un stage au service de gynécologie d’un centre hospitalier de Nouvelle-Aquitaine.

Dans leur prérapport, Patrick Allal et Cristelle Gillard, coresponsables de la mission sur les violences sexuelles et sexistes à l’inspection générale, font état d’un paradoxe : une réactivité réelle de la part de la présidence de l’université de Tours et du doyen de la faculté de médecine, et une confusion totale des genres lorsqu’il s’est agi de prendre des mesures concrètes contre l’étudiant.

 

 

Selon Communiste Hebdo, la nouvelle Première ministres mandatée pour mener la réforme de la retraite à 65 ans. Dans les transports, la colère gronde. L'intersyndicale CGT-RATP, UNSA-RER, et FO ont appelé les conducteurs à faire grève contre la casse de leurs conditions de travail et pour l'augmentation des salaires. Le 25 mai, une grève nationale de tous les métiers est également appelée par une intersyndicale CGT, SUD Rail, UNSA Ferroviaire et CFDT Cheminots. Á la RATP,  sur le réseau bus et tramways est également prévue une grève pour les 23, 24 et 25 mai.

 

 

Le World Socialist Website s'est montré scandalisé par les références du président ukrainien Zelensky au film de Charlie Chaplin Le Dictateur. Dans ce film, Chaplin faisait une satire des dirigeants fascistes d’Allemagne et d’Italie à une époque où Hollywood n’osait pas faire une telle critique. Chaplin jouait deux rôles dans le film, le dictateur nazi et un barbier juif d’apparence identique.

 

Lorsque le barbier était pris pour Hitler, le premier prononçait devant une foule un discours passionné dans lequel il déplorait « un système qui faisait torturer des hommes et emprisonner des innocents ».

 

Zelensky, dont la promotion par son gouvernement d’un capitalisme de libre marché sans entraves et d’un nationalisme extrême qui inclut un soutien total au célèbre bataillon fasciste Azov, et ses partisans des États-Unis et de l’OTAN, défendent tout ce que Chaplin abhorrait.

 

La promotion éhontée de la guerre de l’OTAN contre la Russie et sa marionnette Zelensky par les médias et les gouvernements bourgeois du monde entier s’accompagne de l’annulation et de la diabolisation des artistes russes. Les responsables du Festival de Cannes ont interdit toute délégation officielle ou reporter de Russie. Le seul réalisateur russe autorisé à figurer au festival est Kirill Serebrennikov, dont le nouveau film La femme de Tchaïkovski, a été financé en partie par le milliardaire russe Roman Abramovich, dont la fortune avoisinait les 15 milliards de dollars en 2021.

 

 

Facétieux comme jamais, le site suisse l’1dex affirme que le banquier éborgneur et emmerdeur aurait proposé à Emmanuel Valls le ministère de la Documentation et de l’énergie. Celui-ci aurait décliné l’offre après avoir compris qu’il s’agissait du ministère des Photocopies et du café.

 

Revue de presse (407)
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16 mai 2022 1 16 /05 /mai /2022 05:01

Selon France Culture, dans certaines villes de France, à l’instar de Nantes, Lyon, Bordeaux ou Marseille, se déplacer relève parfois du labyrinthe, ou de la jungle. 

 

Depuis quelques décennies, les palissades, barrières, murs ou portails automatiques avec digicodes et caméras de surveillance fleurissent dans l’espace public afin d’empêcher les passages, voire clôturer les rues, les résidences et les copropriétés.

 

Ce phénomène de "gated communities", de quartier résidentiel fermé, était jusque-là plutôt fréquent à l’étranger : en Afrique du Sud, aux États-Unis, au Brésil.

 

Mais si le processus de séparation spatiale des classes sociales n’est pas un phénomène récent en France, l’Hexagone voit aussi ce séparatisme gagner ses villes et villages, et ce bien au-delà des quartiers huppés, composés de très riches. En somme, cet espace de l’entre soi se démocratise. 

 

Pourquoi voit-on se multiplier ces enclaves dans la ville ? Qui sont ces “ enfermés ” ? 

 

Quelles sont les conséquences de ces choix privés sur l’espace public ? Que dit-il de notre capacité à vivre ensemble et à faire commun ? 

 

 

Selon le World Socialist Website, la décision de la Finlande d’adhérer à l’OTAN marque une escalade majeure dans la guerre contre la Russie menée par les États-Unis. Le président Finlandais et le premier ministre ont annoncé dans une déclaration commune que le pays devrait rejoindre “ sans délai ” l'alliance militaire de l'OTAN. Cette décision, qui met fin à plus de sept décennies de neutralité formelle de la Finlande, marque une escalade massive dans la course à l'impérialisme américain et européen vers une guerre totale contre la Russie.

L’adhésion de la Finlande fera plus que doubler la frontière de l’OTAN avec la Russie. Le pays partage une frontière de 1 300 kilomètres avec la Russie, et sa capitale, Helsinki, n’est qu’à trois heures et demie de Saint-Pétersbourg en train. Le vote du parlement requis pour soumettre officiellement une demande d’adhésion, attendu la semaine prochaine, est considéré comme une formalité. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré jeudi que le processus d’adhésion de la Finlande à l’alliance se ferait « sans heurts et rapidement ». On s’attend à ce qu’elle soit rapidement suivie par l’adhésion de la Suède voisine. Les sociaux-démocrates au pouvoir s’apprêtent à renverser dimanche leur opposition de plusieurs décennies à l’adhésion à l’OTAN. Selon certaines informations, le gouvernement fera ensuite une annonce officielle lundi.

 

 

L’Humanité relève un bien étrange deux-poids-deux-mesures. Détournement de fonds publics, violences sexuelles, harcèlement dans la Macronie. On en parle bien peu.

Le chef de l’État a donné son feu vert à l’investiture de personnes loin d'être exemplaires, comme Thierry Solère, Laetitia Avia, Gérald Darmanin, Éric Woerth, Sira Sylla, Anne-France Brunet, Jérôme Peyrat. Sans rien trouver à redire au fait que ceux qui pourraient voter la loi la bafouent.

Lors de sa campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron avait promis une « République exemplaire ». Non seulement rien de tout cela n’a été respecté durant son mandat, mais sur les 548 candidats investis ou soutenus par sa majorité pour les élections législatives des 12 et 19 juin, certains ont fait l’objet de condamnations judiciaires ou trempent dans plusieurs affaires.

 

Il y a bien sûr le cas Thierry Solère, doté d’un CV riche en mises en examen pour treize chefs d’accusation, dont « fraude fiscale », « emploi fictif », « détournement de fonds publics » ou « trafic d’influence passif ». Pas de quoi empêcher le parti présidentiel de l’in­vestir dans la 9e circonscription des Hauts-de-Seine.

Même traitement de faveur pour Éric Woerth (ex-LR), candidat sous la bannière Ensemble ! dans l’Oise. L’ancien ministre du Budget est toujours mis en examen pour « financement illégal de campagne électorale » concernant celle de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2007.

Revue de presse (406)
Revue de presse (406)
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13 mai 2022 5 13 /05 /mai /2022 05:13

Le matin, je marche une heure ou deux. Toujours à l'étranger.

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9 mai 2022 1 09 /05 /mai /2022 05:00

Le World Socialist Website relève que, quelques jours après le récent dîner de l’Association des correspondants de la Maison-Blanche, il devient clair qu’il s’agit d’un autre événement de super-propagation parmi l’élite de Washington. Des dizaines, voire des centaines, des plus de 2 500 participants sans masque se sont probablement fait infecter par le COVID-19 lors de ce repas.

 

Alors que les participants au dîner de la WHCA étaient tenus de présenter une preuve de vaccination et de prouver qu’ils s’étaient faits tester négatif pour le COVID-19, on les a autorisés à utiliser des tests antigéniques rapides, qui sont plus susceptibles de renvoyer des faux négatifs que les tests PCR.

 

Du point de vue de la classe dirigeante, l’élément le plus irresponsable de l’événement a été la participation du président Joseph Robinette Biden. Il souffre d’un trouble de la coagulation sanguine qui nécessite un médicament qui interagit probablement avec le Paxlovid et dont il ne pourrait plus bénéficier.  Consciente de ces dangers, la Maison-Blanche a néanmoins choisi de faire asseoir le président des EU sans masque à l’avant de la salle pendant environ 90 minutes.

 

 

L’Obs s’est intéressé à la publication d’Un serment sacré, ouvrage rédigé par Mark Esper, dernier secrétaire à la Défense de Donald Trump. En poste de juin 2019 à novembre 2020, Esper a travaillé « durant une période inédite de troubles civils, de crises sanitaires, de menaces extérieures grandissantes, de transition du Pentagone et avec une Maison-Blanche visiblement prête à contourner la Constitution ». 

Un intervalle durant lequel les relations entre le bouillant président septuagénaire et son ministre de la Défense étaient tendues. Ses Mémoires éclairent des épisodes clés de la présidence Trump.

Dans des extraits obtenus par le média Axios et publiés lundi 2 mai, l’ancien chef du Pentagone rapporte qu’en marge de manifestations antiracistes en juin 2020, le président, très irrité, aurait lancé dans le bureau Ovale : « Vous ne pouvez pas simplement leur tirer dessus ? Tirez-leur dans les jambes ou quelque chose. » Il faut rappeler que le 1er juin 2020, les alentours de la Maison-Blanche avaient été le théâtre de manifestations agitées, faisant suite à la mort quelques jours plus tôt de l’Afro-Américain George Floyd, tué par un policier blanc à Minneapolis.

 

 

Courrier International explique comment Dubaï est devenu un paradis immobilier pour l’argent sale du monde entier

Les appartements et villas de luxe dont Dubaï s’est fait une spécialité font le bonheur de trafiquants, hommes d’affaires véreux et anciens responsables politiques corrompus. Un récent rapport américain pointe l’ampleur du phénomène.

“Le marché immobilier de Dubaï est un refuge pour des kleptocrates internationaux, le crime organisé transnational et un large spectre d’autres acteurs illicites – de trafiquants de drogues aux oligarques russes”, rapporte le quotidien britannique The Independent

Aussi bien un “homme d’affaires russe associé au seigneur de guerre tchétchène Ramzan Kadyrov”, qu’un “chef de réseau criminel irlandais impliqué dans le trafic de cocaïne”, un ancien premier ministre bulgare accusé de corruption, ou encore le baron de la pègre turque, tous sont attirés par la possibilité d’y placer leurs capitaux dans des biens immobiliers de luxe, grâce au “haut niveau d’opacité” et aux “failles dans l’application” des lois.

“Différents paradis fiscaux offrent différents services”, explique à ce propos l’universitaire norvégienne Annette Alstadsæter, toujours selon The Independent. La plupart permettent de “domicilier des entreprises boîtes aux lettres, pour camoufler des activités situées ailleurs”.

Mais Dubaï permet surtout de se servir des richesses acquises illégalement, en les convertissant en appartements et villas de luxe. Il y a quelques années déjà, souligne le journal, 81 propriétés d’une valeur de plus de 107 millions de dollars (un peu plus de 100 millions d’euros) avaient été identifiées comme étant en lien avec des personnes sous sanctions pénales.

L’afflux d’argent sale, ou de provenance douteuse, s’est accéléré depuis l’invasion russe de l’Ukraine. Plusieurs oligarques russes ont également transféré leurs yachts des ports de plaisance européens vers les Émirats pour éviter une saisie.

Avec à peine 3,5 millions d’habitants, dont seulement quelque 5 % de nationaux, Dubaï abrite pourtant près de 3 % du marché mondial de l’immobilier offshore. Officiellement, les étrangers ne peuvent y devenir propriétaires, mais ils le sont de facto, par le biais d’un droit de jouissance de quatre-vingt-dix-neuf ans.

 

 

Revue de presse (405)
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4 mai 2022 3 04 /05 /mai /2022 05:00

Pour Serge Halimi, la réélection du président Macron s’est faite sous le signe du cynisme : « Le résultat des élections législatives des 12 et 19 juin prochains précisera l’ampleur du mandat du président Emmanuel Macron et les contours de son programme. L’épuisement du système politique français ainsi que son absence criante de représentativité ajoutent au désenchantement général, alors que s’accroît le mécontentement social. »

 

Jean-Yves Dormagen, Stéphane Fournier & Guillaume Tricard voient dans l’élection présidentielle francaise trois blocs perdants : 

 

« Même si les votes favorables à M. Emmanuel Macron ont progressé avec le revenu et l’âge des électeurs, ces données ne résument pas la sociologie électorale du dernier scrutin présidentiel. Les positions par rapport à l’Europe, aux vaccins, à l’islam, à l’urgence écologique ont souvent joué un rôle décisif, tout comme le niveau de défiance envers le « système ». »

 

Pour Alain Gresh, le Sud refuse de s’aligner sur l’Occident en Ukraine :

« Contrairement à la majorité des nations occidentales, États-Unis en tête, les pays du Sud adoptent une position prudente à l’égard du conflit armé qui oppose Moscou à Kiev. L’attitude des monarchies du Golfe, pourtant alliées de Washington, est emblématique de ce refus de prendre parti : elles dénoncent à la fois l’invasion de l’Ukraine et les sanctions contre la Russie. Ainsi s’impose un monde multipolaire où, à défaut de divergences idéologiques, ce sont les intérêts des États qui priment. »

 

Pour Akram Belkaïd, la guerre en Ukraine fait revenir le spectre de la famine : « La brutale diminution des exportations céréalières ukrainiennes et les sanctions imposées à Moscou provoquent la hausse des prix sur les marchés. Les pays importateurs cherchent de nouveaux fournisseurs tandis que près de 1,7 milliard d’individus pourraient subir des pénuries. »

 

Pierre Conesa ironise sur les intellectuels en treillis : « Si tous les dirigeants politiques cherchent à justifier leurs interventions militaires auprès de leurs populations, cette opération prend dans les démocraties occidentales une forme particulière imposée par l’emprise des médias. Faire de la guerre une « juste cause », diaboliser l’ennemi, héroïser les alliés, précipiter les décisions, tel est le rôle imparti aux experts et intellectuels. »

 

 

Philippe Descamps et Ana Otašević estiment qu’en Bosnie se continue une guerre par d’autres moyens: 

« La Bosnie-Herzégovine suscite toujours des récits antagonistes. D’abord ceux des trois peuples qui la composent et qui s’affrontèrent dans les années 1990. Ensuite ceux des puissances régionales ou mondiales qui avancent leurs pions sur l’échiquier des Balkans. Enfin ceux des médias qui relayent un discours de peur, propice à l’entretien des réflexes ethnnationalistes exploités par les partis au pouvoir. »

 

 

L’Angleterre est-elle toujours britannique, demandent Agnès Alexandre-Collier et David Fée ? :

« Critiqué pour ses frasques, le premier ministre britannique Boris Johnson se trouve tiraillé par deux des phénomènes l’ayant conduit au pouvoir : la volonté des libre-échangistes londoniens de projeter le royaume sur les marchés internationaux ; la conscience d’un déclassement dans les régions du nord de l’Angleterre. Deux forces opposées alimentant pourtant le nationalisme anglais.

 

Les Français parlent volontiers des « Anglais » pour évoquer leurs voisins britanniques. Si le Royaume-Uni, union de quatre nations (Angleterre, Pays de Galles, Écosse et Irlande du Nord) sous l’égide du Parlement de Westminster, forme un territoire vaste et diversifié, cet abus de langage s’explique sans doute par le poids démographique et économique de l’Angleterre : environ 84 % de la population et 86 % du produit national brut (PNB) du Royaume-Uni. À la fin du XXe siècle, toutefois, l’union scellée par l’Angleterre avec le Pays de Galles (en 1536), l’Écosse (en 1707) et enfin l’Irlande du Nord (en 1801 avec toute l’île, puis à la suite du traité anglo-irlandais de 1921 avec six des neuf comtés de la province d’Ulster, dans le nord de l’île) s’est fissurée. Deux phénomènes ont catalysé cette évolution : l’émancipation de l’Écosse et du Pays de Galles, puis le Brexit. »

 

 

Selon Anne-Cécile Robert, les Nations unies sont menacées d’obsolescence :

« Réfugiés, alimentation, soins médicaux… : toutes les agences de l’Organisation des Nations unies (ONU) s’activent face à la guerre en Ukraine. Toutefois, l’institution faillit à sa mission cardinale de paix et de sécurité. Il a fallu cinquante-quatre jours à son secrétaire général António Guterres pour lancer une initiative diplomatique. Après son fiasco en Syrie, est-ce l’échec de trop ? »

 

Mary-Françoise Renard  explique comment Pékin a absorbé Hongkong :

« Une chape de plomb s’est abattue sur Hongkong. La plupart des opposants sont en prison ou en exil. M. John Lee, pressenti pour remplacer la cheffe de l’exécutif Carrie Lam en juillet prochain, n’est autre que l’ex-patron de la sécurité qui a réprimé les manifestations. Affaiblies, les spécificités de l’île l’aideront-elles à résister à la volonté politique de Pékin ? »

 

 

Pour Emmanuel Haddad, face à l’effondrement, le Liban veut préserver sa mémoire :

« Le 15 mai, les Libanais sont appelés aux urnes pour désigner les 128 membres de la Chambre des députés. Un scrutin qui intervient dans un contexte de grave crise financière, de catastrophe sociale et de résurgence des tensions politiques et confessionnelles. Malgré les difficultés, des associations et des intellectuels se mobilisent pour préserver et numériser le patrimoine du pays. »

 

 

Alain Bifani brosse la chronique d’une longue descente aux enfers pour le FMI : 

« Le Fonds monétaire international et le gouvernement libanais se sont entendus sur un plan d’aide de 3 milliards de dollars sur quatre ans. De douloureuses réformes structurelles doivent suivre.

 

Voilà quarante-sept ans que le Liban est entré dans une spirale infernale, alternant guerre civile, troubles, attentats et assassinats politiques, invasions et attaques israéliennes avec blocus et destruction d’infrastructures, faillite financière et monétaire, le tout aggravé par un système de gouvernement défaillant. Depuis 2020, le pays est en proie à une catastrophe économique et sociale parmi les plus graves de l’histoire contemporaine. Indifférente au sort de la population, la classe dirigeante persévère dans sa volonté de faire supporter aux citoyens dépourvus d’appuis solides et aux franges les moins favorisées de la société toutes les pertes accumulées par la banque centrale et les institutions bancaires. »

 

 

Alcides Gomez, Forrest Hylton et Aaron Tauss dénoncent, en Colombie, le verrou Medellín : 

« Les Colombiens se rendront aux urnes le 29 mai 2022. La gauche de M. Gustavo Petro pourrait l’emporter, ce qui constituerait une première dans l’histoire du pays. En dépit de la renaissance d’un mouvement social puissant, gouverner n’aurait rien d’aisé. L’alliance historique entre pouvoirs économique et mafieux constitue un verrou de taille, comme l’illustre le cas de Medellín, la ville la plus peuplée après Bogotá. »

 

Pour Cédric Gouverneur, les déchets radioactifs sont l’angle mort de la relance du nucléaire :

« Face au défi climatique, beaucoup voient dans l’énergie nucléaire une martingale pour la France. Outre les questions de risques et de rentabilité à long terme, ce mode de production d’électricité génère quantité de déchets fort dangereux dont on ne sait toujours pas quoi faire durablement. Présenté comme une solution pérenne, l’enfouissement en profondeur comporte de nombreuses incertitudes. »

 

 

Pour Véronique Parasote, on enfouit, on désenfouit et on diffère :

« Seul site français d’enfouissement en profondeur de déchets, les mines de potasse d’Alsace hébergent depuis vingt ans des déchets ultimes toxiques et potentiellement dangereux pour la nappe phréatique, contrairement aux garanties données à l’origine. Pis : l’État s’était engagé à une réversibilité à laquelle il fait tout pour échapper aujourd’hui. »

 

 

Quand Vincent Sizaire explique que le droit des étrangers devient la règle pour tous :

 

« Compliqué et fluctuant, le droit des étrangers est souvent mal connu, autorisant l’extrême droite à dénoncer un prétendu laxisme de l’État français. Un examen plus minutieux montre au contraire la sévérité d’une législation qui n’a cessé de se durcir, et qui a parfois servi de laboratoire : certaines mesures restrictives, d’abord expérimentées sur les migrants, ont fini par être élargies à l’ensemble de la population. »

 

 

Beaucoup de passeurs sont des migrants qui tentent de payer leur traversée (Élisa Perrigueur ) :

Le 24 novembre 2021, le naufrage d’une embarcation de fortune entre la France et le Royaume-Uni a attiré l’attention sur l’activité des réseaux de passeurs. Alimentés par le fossé entre les politiques d’accueil et la réalité des migrations, les groupes n’ont cessé de se professionnaliser, déjouant les surveillances policières pour profiter d’un marché très lucratif.

 

 

David Bowie est aux enchères (Christophe Magis) :

« Les mutations successives de l’industrie du disque ont modifié les modèles de rémunération des artistes. Les plus célèbres d’entre eux préfèrent désormais céder d’un bloc leurs catalogues à des sociétés d’édition, passées maîtresses dans l’art de faire fructifier les droits d’auteur. Ces acquisitions permettent de négocier en position de force avec les nouveaux canaux de diffusion en ligne.

 

 

Evelyne Pieiller   explique comment « Mousquetaires » et « Misérables » ont façonné notre imaginaire :

 

« Le XIXe siècle est hanté par la Révolution, et, de barricades en répressions, prolétaires, intellectuels, militants cherchent à en accomplir les promesses. Deux romans vont donner au peuple trahi, mais obstiné, ses légendes, ses héros : « Les Trois Mousquetaires » et « Les Misérables », des œuvres qui ont façonné la grandeur de l’imaginaire collectif. »

 

 

 

 

Jean-Numa Ducange nous fait redécouvrir Vienne la Rouge :

« Après la première guerre mondiale s’implante à Vienne de façon durable ce qu’on appellera l’austro-marxisme. Ne s’alignant ni sur le régime soviétique ni sur la social-démocratie allemande, ce courant développe sa politique sociale dans la fiscalité, l’habitat et la culture. Sa démarche influencera ultérieurement un pan du Parti socialiste français. »

 

 

Benoît Bréville s’est intéressé aux fraudeurs alimentaires :

« Au XVIIIe siècle, les bouchers peu scrupuleux gonflaient d’air la carcasse de leur animal pour en accroître le volume. Ils maquillaient leur viande grisâtre en utilisant des colorants qui, telle la cochenille, lui redonnaient son plus beau rouge. Ils trafiquaient leurs saucisses en y mettant des bouts de charogne. Les boulangers, eux, mélangeaient tout et n’importe quoi à la farine de leur pain — plâtre, craie, sable, talc, fécule de pomme de terre… Quoique peu contrôlées, ces pratiques étaient sévèrement réprimées. Les faussaires de la miche, quand ils étaient pris, pouvaient même être pendus.

 

Trois siècles plus tard, les multinationales des plats en barquette grossissent leurs blancs de poulet en y injectant de l’eau. Afin de retenir le liquide lors de la cuisson, ils ajoutent des polyphosphates, un additif dit « stabilisant » qui fixe l’eau sur les protéines. Quant aux industriels de la charcuterie, ils introduisent du nitrite de sodium dans leur jambon, pour lui donner une appétissante teinte rose. Ces procédés sont légaux. Il suffit au fabricant d’indiquer sur l’emballage, en petits caractères, les ingrédients utilisés, parfois sous la forme de codes énigmatiques — E452 pour le polyphosphate, E250 pour le nitrite etc. »

Le Monde Diplomatique (273)
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2 mai 2022 1 02 /05 /mai /2022 05:00

Anti-K, site proche du NPA que j’ai cité à de nombreuses reprises, met malheureusement la clé sous la porte : « Nous mettons un terme en ce qui nous concerne à l’aventure d’Anti-k. Nous n’avons pas trouvé parmi les près de 1000 abonnés de la lettre de diffusion les trois ou quatre camarades en capacité de prendre le relai. Le site Anti-k restera ouvert, nous maintiendrons le contact, sa base de données restera accessible mais le site ne sera plus actualisé.

 

Nous constatons malheureusement aujourd’hui que nous n’avons pas reçu de propositions venant d’un groupe ou de personnes idoines pour passer le relai. Mais nous ne renonçons pas à trouver dans ces temps difficiles de bonnes volontés pour poursuivre l’aventure d’Anti-K comme expliqué ci-dessous. »

Selon Courrier international, la statuette d’une déesse cananéenne vieille de 4 500 ans a été découverte à Gaza. Alors qu’il travaillait ses terres dans l’enclave palestinienne, un agriculteur est tombé par hasard sur une représentation d’Anat, une des principales figures de la mythologie cananéenne. Une découverte archéologique qui revêt un sens politique, estime le Hamas.

 

Alors qu’il travaillait ses terres dans la localité d’Al-Qarara, près de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, Nidal Abou Eid est tombé, lundi 25 avril, sur une statuette de calcaire de 22 centimètres représentant une tête coiffée d’un serpent en guise de couronne.

 

« Au début, j’espérais la vendre pour me faire un peu d’argent, mais un archéologue m’a expliqué qu’elle avait une grande valeur archéologique. »

 

Il s’agit très probablement d’une représentation de la déesse Anat, modelée 2 500 ans avant J.-C., selon un responsable du ministère du Tourisme et des Antiquités de l’enclave palestinienne, contrôlée par le Hamas.

 

Anat est considérée comme la déesse de l’amour, de la beauté et de la guerre dans la mythologie cananéenne, en référence à la civilisation éponyme installée sur la rive orientale de la Méditerranée à l’âge du bronze.

 

« Je suis fier du fait que notre terre ait encore une grande valeur archéologique. Cela veut dire que cette terre est la nôtre et que nous avons une civilisation et une histoire qui remontent à plusieurs centaines d’années avant J.-C. », s’enorgueillit Nidal Abou Eid, reprenant le discours politique sur l’attachement à la terre des Palestiniens.

 

Ce que montre la présence de cette statuette, renchérit le responsable du ministère des Antiquités de Gaza, « c’est que la terre de Palestine et de la bande de Gaza en particulier a vu passer de nombreuses civilisations – cananéenne, romaine, byzantine, islamique… –, ce qui invalide l’allégation sioniste selon laquelle la terre de Palestine est une terre sans peuple pour un peuple sans terre ».

 

 

Revue de Presse (404)

Selon le World Socialist Website, la moitié de la population des États-Unis, dont les trois-quarts des enfants ont été infectés par le Covid : « Les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont annoncé mardi que près de 60 pour cent de la population avaient été infectés par la COVID-19 au moins une fois en date de la fin du mois de février 2022, lorsque la dernière vague Omicron BA.2 a reflué. Même ce chiffre stupéfiant est dépassé par les 75 pour cent de tous les enfants et adolescents qui ont été infectés au moins une fois.

 

Il s’agit d’une catastrophe de santé publique sans précédent dans l’histoire du pays. Il ne s’agit pas d’une catastrophe « naturelle », mais du produit d’une politique délibérée d’infection massive, menée d’abord par le gouvernement Trump et maintenant par le gouvernement Biden. Le Parti républicain puis le Parti démocrate ont démontré leur caractère de classe, puisqu’ils ont sacrifié un million de vies – et ce n’est pas fini – afin de maintenir les opérations des sociétés et d’assurer le flux ininterrompu de profits à l’oligarchie capitaliste.

 

 

Deux nouvelles sportives pour terminer. Selon Le Monde,  Boris Becker, l’ancien champion de tennis a été condamné à deux ans et demi de prison en raison de sa faillite personnelle. Le sextuple vainqueur de tournois du Grand Chelem, qui a été déclaré coupable d’avoir caché 2,5 millions de livres sterling d’avoirs et de prêts pour éviter de payer ses dettes, va être incarcéré.
Dopage : l’athlète Ophélie Claude-Boxberger, fille du grand champion Jackie Boxberger, a été suspendue quatre ans par le Conseil d’État. La spécialiste du demi-fond et quintuple championne de France avait été contrôlée positive à l’EPO en septembre 2019.
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29 avril 2022 5 29 /04 /avril /2022 05:17

Stéphane Sirot. Détox. Petit dictionnaire de la novlangue XXIe siècle des relations sociales … et autres termes connexes souvent utilisés mais peu définis. Tome 1. Problématiques sociales et syndicales. Hors-série n° 8, décembre 2021.

 

Je l’ai exprimé à maintes reprises : dire le monde c’est le tenir dans sa main. L’économiste Stéphane Sirot se dit agacé par la réduction progressive des droits sociaux et « l’usage d’un vocabulaire qui tend à laisser penser que les lois votées et les accords conclus par certaines organisations syndicales et patronales participent d’une amélioration des protections individuelles et collectives ». Il est donc très regrettable que la majorité des syndicats – pour l’instant seule la CGT tient à peu près bon – aient intégré dans leur discours des concepts forgés par des gens qui les combattent et les neutralisent par la parole.

 

Selon l’auteur, un virage important a été pris en la matière au milieu des années 1980 quand du vocabulaire, du discours patronal, ont réussi à assimiler (rendre semblables) les acteurs sociaux afin que la notion de conflits soit remplacée par celle d’intérêts partagés. Le mot « syndicat », un des plus beaux mots de la langue française, a été remplacé par l’expression « partenaires sociaux », le mot « négociation » par « concertation » ou « consultation », le mot « licenciement » par « plan de sauvegarde de l’emploi ». Dans le même temps, et en conséquence, le mot « néolibéralisme » s’est imposé, en France et dans le monde entier, comme une évidence incontournable, comme l’alpha et l’oméga de tous les rapports sociaux, économiques et politiques. Avec de nouveaux crédos non discutables : « La compétition généralisée est saine », « Le marché s’auto-régule », « Il faut limiter les dépenses publiques et baisser les impôts », « L’État est un mauvais gestionnaire » qu’il faut non pas « diluer dans le marché » mais « instrumentaliser » pour parvenir à « l’autonomisation du système économique ».

 

Stéphane Sirot étudie donc par le menu les nouveaux mots et expressions de la classe dominante. J’en retiendrai une poignée.

 

- L’accord-cadre qui favorise le contrat aux détriments de la loi et qui incite le patronat et les syndicats à négocier en dehors de l’intervention des pouvoirs publics.

 

- La compétitivité en matière de relations sociales, ce « marché de dupes dont le prolongement est la suppression d’emplois », accepté par la majorité des syndicats au nom de la sortie – « sans tabou » – de la lutte des classes. Cela se passe dans un contexte où l’entreprise est conçue plus comme une communauté humaine « composée d’intérêts partagés que comme cadre d’une lutte des classes rangée dans le placard des dénis archaïques ».

 

- La consultation. Mise à la mode vers 1985. Alors que la négociation présuppose l’existence d’un processus multilatéral au cours duquel les demandes des organisations de travailleurs sont intégrées au moins a minima à un projet final, la consultation fait des syndicats « de pures et simple lobbys invités à exprimer leur avis et à essayer de convaincre leurs interlocuteurs de son bien-fondé sans que ces derniers s’estiment pour autant tenus de l’admettre. » D’où l’absolue obligation du « dialogue social », cet « art d’associer les syndicats et les représentants des salariés à des décisions déjà prises » visant à restreindre les droits et les conquis sociaux ».

 

- Le corporatisme. Une manière simple de discréditer l’action syndicale (selon le patron de la CFDT, la grève des pilotes d'Air France en 2020 était « corporatiste »). L’ironie de l’histoire étant que l’ordre dominant a toujours pris soin « d’enfermer l’action syndicale dans le périmètre de la défense des intérêts professionnels », empêchant ainsi les organisations de travailleurs de s’immiscer dans l’espace politique.

 

- La crise. Si elle n’était pas là, il faudrait l’inventer. Théoriquement, une crise économique est une baisse d’activité durant au moins deux trimestres consécutifs. Mais l’utilisation de ce terme par le discours dominant depuis l’ère Giscard-Barre laisse à penser que la France subit un désordre mondial qui lui échappe, à elle comme à tous les autres pays, et qu’elle se situe fatalement dans une pente décliniste. Or, comme le remarque l’auteur, si la production de richesses s’est ralentie après les trente glorieuses, la France n’a jamais été en crise économique.

 

- La flexibilité et la flexisécurité. Elles sont apparues, dans les années 1990, aux Pays-Bas et au Danemark. La flexisécurité signifiait une grande flexibilité du marché du travail, avec des règles de licenciement souples, un système d’indemnisation généreux des salariés en situation de chômage, des politiques actives de l’emploi, visant à éviter le chômage de longue durée et à contrôler la disponibilité et la motivation des chômeurs. Pour bénéficier de ces générosités, les travailleurs devaient être « adaptables », faire preuve de « souplesse », accepter la précarité, des modifications du temps de travail, voire des diminutions de salaire. Sirot cite bien à propos un professeur de la Lyon Business School (sic) : « Si le capital est vu comme une source d’opportunités, de placements créatifs et de fluidités, le travail est regardé comme difficile à gérer, lent à s’adapter et peu flexible. D’où l’obsession, depuis deux décennies, de transformer la ‘ force de travail rigide ’ en ‘ capital humain fluide ’ ».

 

- Les partenaires sociaux. Il convient de regrouper dans un même ensemble les syndicats des travailleurs et des patrons, pour faire croire que « les dominés et les dominants ont un destin et des intérêts communs excluant la lutte des classes au profit de la pérennisation du système capitaliste ».

 

- Le plan de sauvegarde de l’emploi. L’arme radical et ultime de la classe patronale contre les travailleurs. Il s’agit d’une expression typiquement orwellienne qui « désigne un dispositif consistant au mieux à préserver quelques emplois parmi tous ceux appelés à être supprimés ». Le 3 juillet 1986, la loi Séguin – du nom de ce ministre qui, outre-tombe, passe pour un gaulliste social (oxymore) – « supprimait l’autorisation administrative de licenciement : la réalité du motif économique invoquée par l’employeur n’était plus contrôlée par l’inspection du travail. »

 

- La réforme. Toujours plus orwellien, ce mot signifie exactement « contre-réforme ». Pendant longtemps, en tout cas jusqu’au XIXème siècle le mot « réforme » fut synonyme de progrès, voire de révolution. Depuis les années 1970, la droite s’en est emparée pour justifier toutes les dérégulations, pour pourfendre tous les immobilismes. De généreuses, les réformes, dit l’auteur, sont devenues douloureuses.

 

 

Note de lecture (203)
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25 avril 2022 1 25 /04 /avril /2022 05:00

Repris de Télérama :

Melissa Lucio va mourir

Elle est la première femme hispanique au Texas à être condamnée à mort, pour le meurtre de Mariah, sa fille de deux ans. Elle sera exécutée le 27 avril 2022.

  

Dès l’âge de six ans, elle a été victimes d’agressions sexuelles. Après l’avoir régulièrement battue, son mari l’abandonne en la laissant seule avec ses cinq enfants.

 

Le 17 février 2007, des ambulanciers sont appelés au domicile de Melissa car sa plus jeune enfant, âgée de deux ans, est inconsciente et ne respire plus. Elle présente des ecchymoses, des marques de morsure sur le dos, des touffes de cheveux arrachées et un bras cassé. Quelques jours avant, elle était tombée dans les escaliers mais ce fait n’est pas porté au dossier. L’enfant est déclarée morte après son arrivée à l’hôpital. Une expertise ultérieure permet d’estimer que la fracture au bras a été causée deux à sept semaines avant le décès. Deux jours après la mort de l’enfant, les inspecteurs interrogent Lucio pendant cinq heures en l’intimidant alors qu’elle est enceinte de cinq mois. Elle finit par dire : « Je suppose que je l’ai fait. »

 

Le procès a lieu en 2008. Le procureur est alors en période de réélection. Il est aujourd’hui emprisonné pour corruption et extorsion (condamnation à 13 ans). Aucun témoin n’est cité pendant le procès puisque la mort de la petite fille n’a eu aucun témoin.  L'avocat de Melissa Lucio, commis d'office et ayant travaillé pour le procureur après le procès, ne permet pas à ses proches ni à ses enfants de témoigner en sa faveur, alors que ceux-ci disent tous d'elle que c'est une bonne mère. Les procureurs allèguent que Melissa Lucio a battu sa fille Mariah à mort ; les avocats de Lucio contestent la cause du décès et présentent le témoignage d’expert d’un neurochirurgien selon lequel la mort de Mariah pourrait plutôt résulter d’un traumatisme crânien causé par une chute dans un escalier. Melissa Lucio est néanmoins reconnue coupable de meurtre et condamnée à mort le 12 août.

 

En 2011, un appel est rejeté. En 2019, un groupe de trois juges de la Cour d’appel fédérale des États-Unis annule la sentence originelle au motif que la cour n’a pas permis à Melissa Lucio de se défendre correctement. Cette décision est ensuite annulée et Mélissa reste dans le couloir de la mort.

 

En mars 2022, elle reçoit le soutien de Christiane Taubira. Le mois suivant, celui de Robert Badinter.

 

Les enfants de Melissa ont écrit au gouverneur du Texas de ne pas tuer leur mère.

Melissa Lucio est là où elle est parce qu’elle est femme. Femme, pauvre, hispanique. Elle coche toutes les cases de ce que l’Amérique honnit. Elle a clairement été condamnée pour ce qu’elle représente : une femme latino qui a trop d’enfants, un problème de drogue, et qui vit dans un taudis. A travers l’histoire de Melissa Lucio, c’est l’histoire de toutes les minorités accusées à tort aux Etats-Unis, c’est l’histoire de tout un système.


Les Américains se rendent compte que ce sont les plus pauvres et les minorités qui font les frais des dysfonctionnements du système judiciaire. Et ce particulièrement pour la peine de mort, car on ne peut se retrouver dans le couloir de la mort que si on est pauvre, que l’on appartient à une minorité ou que l’on est malade mental. Jamais quelqu’un qui a les moyens de payer une défense ne se retrouve dans le couloir de la mort. 

Revue de Presse (403)

Un de mes correspondants me remet en mémoire le cas, peut-être encore plus dramatique – mais il n’y a pas d’échelle dans ces horreurs – de George Stinney, la plus jeune personne à avoir été condamné à mort aux États-Unis.

 
Il n’avait que 14 ans lorsqu’il a été exécuté sur une chaise électrique. Au cours de son procès, il portait une bible entre ses mains, affirmant son innocence. Il a été accusé d’avoir tué 2 fillettes blanches. 


A cette époque, tous les membres du jury étaient blancs. Le procès n’a duré que 2 heures et la peine a été dictée 10 minutes plus tard. Les parents du garçon ont été menacés et empêchés d’être présent dans la salle d’audience, avant d’être expulsés de la ville. 


Avant l’exécution, George a passé 81 jours en prison sans pouvoir voir ses parents. Il a été maintenu à 80 kilomètres de sa ville, à l’isolement ,sans personne à qui parler. 


Il a été électrocuté avec 5380 volts dans sa tête.


70 ans plus tard en 2014, son innocence a finalement été prouvée par un juge.

Revue de Presse (403)
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19 avril 2022 2 19 /04 /avril /2022 04:58

Miriam Périer, du CERI s'entretient avec Béatrice Hibou qui a beaucoup travaillé sur la bureaucratisation dans un monde néolibéral.

Il n’est rien de plus facile et plus naturel que de pester contre une bureaucratie toujours plus contraignante. En comprendre les ressorts l’est beaucoup moins. Béatrice Hibou mène une réflexion sur les logiques qui sous-tendent cette évolution et sa signification politique. Qu’est-ce que la bureaucratisation ? Pourquoi et comment s’immisce-t-elle dans les moindres aspects de nos vies ? Peut-on y résister ? Béatrice Hibou répond à ces questions dans un ouvrage La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale aujourd’hui traduit en anglais The Bureaucratization of the World at the Neoliberal Era  chez Palgrave Macmillan. Elle nous livre ici les grandes lignes de ses conclusions.

A priori, on pourrait penser que le néolibéralisme signe l’arrêt de mort de la bureaucratisation. Selon vous, c’est tout le contraire. Comment expliquer ce paradoxe ?

Béatrice Hibou : Effectivement, la rhétorique néolibérale fait de la lutte contre la bureaucratie, avec son fameux slogan cut the red tape, l’un de ses principaux leitmotiv. Or ce que je montre dans cet ouvrage, c’est que le monde contemporain connaît une inflation de formalités. Cette inflation de normes, de procédures, de règles, de processus de catégorisation, etc. ne peut être problématisée qu’en termes de « bureaucratisation »  dès lors qu’on cesse d’assimiler cette dernière à l’« administration publique » et que l’on adopte une démarche sociologique. De ce point de vue, la bureaucratisation constitue l’une des facettes du néolibéralisme.

Précisément, d’un point de vue sociologique, comment définissez-vous la bureaucratisation ?

B.H : Max Weber est le sociologue qui a le plus développé cette problématique, après Marx (dans sa continuité plus qu’en rupture avec lui). Pour Weber, la bureaucratisation est un processus de rationalisation, caractérisé par la division du travail, la spécialisation, la formation technique et l’évaluation par des procédures impartiales. Elle exprime et traduit un besoin de calculabilité et de prévisibilité propres à l’industrie et adoptés par le capitalisme en des termes de plus en plus formels et rigoureux.

Ce phénomène est-il visible à tous les niveaux de la société ?

B.H : Oui, tout à fait. Dans ses analyses, Weber précise bien que la bureaucratie ne concerne pas seulement l’administration étatique, mais qu’elle est, au contraire, « universelle ». Il démontre que si elle caractérise la grande industrie et le capitalisme, elle touche aussi les associations, les églises, les partis politiques dans les sociétés capitalistes.

Mais donc, depuis Weber, qui écrivait au début du XXe siècle, rien n’a-t-il changé ?

B.H : Oui et non ! Ce qui n’est pas nouveau, c’est le processus de rationalisation en tant que tel, et son lien avec le capitalisme. Ce qui a changé me semble-t-il, et ce que j’essaie de montrer dans ce livre, c’est qu’il y a un processus d’extension de cette bureaucratisation à l’ensemble de la vie en société, puisque ce qui n’est pas directement lié au capitalisme est tout de même touché par cette inflation normative et procédurale. Ce qui est nouveau, c’est le fait de considérer que les normes et procédures du marché et de l’entreprise managériale sont pertinentes en toutes circonstances et qu’elles doivent donc servir non seulement le monde dont elles sont issues – le marché concurrentiel, la grande entreprise managériale – mais aussi les services publics et l’État, les loisirs et la vie politique, la guerre et la paix…

Vous avez choisi d’ouvrir votre ouvrage par une référence à Alice aux Pays des Merveilles de Lewis Carroll que vous comparez aux péripéties bureaucratiques d’une infirmière (que vous prénommez Alice) à Paris au milieu des années 2010 ?  En quoi ces situations sont-elles analogiques ? Est-ce l’absurde qui les lie ?

B.H : Oui, en première analyse, c’est évidemment le côté absurde de nombre de situations que nous vivons, et qu’incarne cette séquence de la vie d’Alice, à son travail où elle passe un tiers de son temps à faire autre chose que de prodiguer des soins ou après son travail lorsqu’elle se débat avec des normes absurdes qui rendent compliqué son quotidien.

Mais il n’y a pas que l’absurde chez Carroll : il décrit aussi une multiplicité de mondes et de logiques. Et de fait, il y a des constellations de logiques et d’intérêts différents qui expliquent et rendent possible ce processus de bureaucratisation qui n’est pas seulement imposé par le haut, mais qui est aussi issu d’attentes, de comportements, d’exigences de la part de nous tous. Pour poursuivre sur la référence à Carroll, je montre dans cet ouvrage que derrière le monde des formalités néolibérales, il y a aussi le monde des informalités – ce qui n’est pas formalisé selon ces normes du marché et de l’entreprise – et c’est aussi pour cela que le livre se termine en se référant à l’autre côté du miroir !

Partant de cette référence littéraire comme d’exemples du quotidien – celui de l’infirmière ou de son frère qui se débat, lui, contre l’administration du Pôle Emploi – votre ouvrage s’appuie sur de nombreuses références théoriques. Vous offrez un point de rencontre à Max Weber, Michel Foucault, et Paul Veyne, pour ne citer qu’eux. Ces rencontres étaient-elles évidentes ? Les œuvres, les outils fournis par Weber et Foucault, par exemple, peuvent-ils s’articuler aisément, se combiner ?

B.H : Oui, cette rencontre était évidente pour moi, et je pense pour quiconque lit les œuvres de ces auteurs ! Je m’inscris aussi dans un moment où la contradiction Marx/Weber est dépassée, où les nouvelles traductions de Weber mettent à mal nombre contresens, où les croisements entre Foucault et Weber se développent… Au CERI comme au Fonds d'analyse des sociétés politiques (FASOPO), cette tradition intellectuelle qui refuse des orthodoxies, des chapelles et des sectarismes, est très vivante depuis les années 1990.

Le titre de l’ouvrage est une référence à l’œuvre de Bruno Rizzi, La Bureaucratisation du Monde, publié en 1939 et considérée par certains comme l’ouvrage le plus controversé du XXe siècle. Votre ouvrage La Bureaucratisation du Monde à l’ère néolibérale est-il une lecture contemporaine des questions abordées par Rizzi ?

B.H : A vrai dire, j’aurais préféré La bureaucratisation « universelle » à l’ère néolibérale, car ma référence est Weber plus que Rizzi. Mais j’assume ce clin d’œil. Le propos d’une mondialisation du processus – que Rizzi montrait en mettant en évidence la convergence des États-Unis et de la Russie aussi bien que de l’Europe en la matière – est un autre élément important de ma démonstration. Le processus de bureaucratisation néolibérale se retrouve partout, aussi bien en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, même si cela se fait à des degrés et niveaux divers.

Vous vous penchez aussi sur les  acteurs du processus de bureaucratisation. Selon vous, ces acteurs sont à la fois les cibles de la bureaucratisation et les agents de son développement, que ce soit en la combattant ou en la recherchant…

B.H : Ce que j’essaie de montrer dans ce livre, c’est toute l’ambivalence de la bureaucratisation. Certes, les péripéties d’Alice mettent en évidence le côté absurde de l’application de normes issues du monde de l’entreprise managériale dans des secteurs aux rationalités et logiques toutes autres (dans cet exemple, un service public, celui de la santé). Le traitement, selon ces mêmes canons, de la pauvreté ou la gestion des migrants ou demandeurs d’asile soulignent un autre aspect « négatif » de cette bureaucratisation : le fait qu’elle constitue une est l’une des modalités de la domination, notamment par la production de l’indifférence. Mais la bureaucratisation peut avoir sa face « lumineuse », « positive » et pour cela être recherchée. C’est notamment le cas de procédures censées rendre les actions, publiques ou privées, plus justes, plus transparentes, plus explicites, plus promptes à l’évaluation. C’est aussi le cas lorsque la normalisation est indéfectiblement associée à la modernité et au progrès, comme nous le vivons tous les jours avec les nouvelles technologies de l’information ; idem lorsque le développement de procédures et de règles est justifié par la sécurité et le principe de précaution… Au total, ce qui me semble incontestable, c’est que nous sommes tous des bureaucrates, et parfois nos propres bureaucrates ! Ce qui a été parfaitement exprimé par Henri Lefebvre dans La Vie quotidienne dans le monde moderne (Gallimard, 1968, p. 295) : « La bureaucratie bureaucratise les gens bien mieux qu'en les régentant. Elle tend à les intégrer en les rendant bureaucrates (et par conséquent en faisant d'eux ses délégués dans la gestion bureaucratique de leur vie quotidienne) ». Cette citation montre précisément la convergence d’un certain marxisme créatif et ouvert comme celui de Lefebvre, ou celui d’E.P. Thompson d’ailleurs, et des œuvres wébériennes ou foucaldiennes…

Une bureaucratie sans frontières

Cet ouvrage s’inscrit dans la continuité de vos travaux précédents, sur la domination, l’obéissance et le redéploiement continu des formes d’exercice du pouvoir. Quelles questions vous ont amenées à consacrer un ouvrage sur la problématique de la bureaucratisation ?

B.H : Dans La Force de l’obéissance à propos de la Tunisie puis dans Anatomie politique de la domination, d’un point de vue comparatiste, j’ai montré comment la domination ne s’exerçait pas seulement par le haut, par la contrainte voire la violence, mais qu’elle était nécessairement médiée par les acteurs qui en étaient la cible, à travers leurs besoins ou attentes, leurs intérêts, leurs compréhensions, leurs modes et conduites de vie. Dans La privatisation de l'État, je mettais l’accent sur les modalités de redéploiement de l’État derrière les impressions de retrait et d’impuissance, redéploiement à travers là aussi des médiations, par le privé, le marché, les réseaux… Dans La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale, je fais rencontrer ces deux problématiques en analysant le processus de bureaucratisation tout à la fois comme un mode de gouvernement, et donc comme un dispositif de domination parmi les plus efficaces, comme le soulignait Weber à son époque, comme un style de vie, une conduite de vie caractéristiques d’un certain ordre mais aussi comme une expression d’une idéologie dominante, celle du néolibéralisme.

 

Est-il possible de résister à la bureaucratisation ?

B.H : Oui, c’est possible même si cela paraît difficile, voire illusoire. Pour être plus précise, je pense que l’on peut résister à une certaine forme de bureaucratisation (c’est-à-dire la bureaucratisation néolibérale), mais pas forcément à la bureaucratisation, si l’on entend, dans son sens sociologique, comme un processus de rationalisation. Par exemple dans le monde de la recherche dans lequel j’évolue, on peut résister à la bureaucratisation néolibérale en refusant de rentrer dans les évaluations quantitatives  ou en refusant de remplir les formulaires qui se fondent sur des « critères de performance » (à l’instar des « livrables » par exemple), Mais on peut par ailleurs accepter une autre forme de  bureaucratie qui consiste à se faire évaluer par ses pairs. Cela permet par exemple d’éviter le mandarinat et le clientélisme, mais alors les critères sont issus du monde spécifique du savoir, et non de celui de l’entreprise.

Faut-il résister ?

B.H : C’est une question philosophique, de rapport au monde et à la liberté. Si l’on accepte l’idée que la bureaucratisation néolibérale est une forme de domination, chacun est libre de s’y conformer, d’y résister, de développer son quant-à-soi (L’Eigensinn, l’obstination)…

Pourquoi était-il important à vos yeux que l’ouvrage puisse être traduit en anglais ?

B.H : Il m’a semblé que ma façon de problématiser le néolibéralisme n’existait pas ou peu en langue anglaise. Ma démarche est enracinée dans une pratique de terrain quasi-anthropologique, qui fait aussi la spécificité de la sociologie historique et comparée du politique « à la française » dans laquelle je m’inscris et qui est très développée au CERI.

Propos recueillis par Miriam Perier (CERI).

 

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