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17 février 2022 4 17 /02 /février /2022 06:01

 

Deux universitaires éminents se  demandent si l'Université peut demeurer un service public, et à quel prix.

Repris de Res Publica.

 

Alain Abelhauser : psychanalyste, professeur des universités (psychopathologie clinique), ancien vice-président  de l’université Rennes 2, auteur de : Le sexe et le signifiant (Seuil, 2002), Mal de femme. La perversion au féminin (Seuil, 2013), Un doute infini. L’obsessionnel en 40 leçons (Seuil, 2020) et, avec Roland Gori et Marie-Jean Sauret, La folie Évaluation (Mille et une nuits, 2011).

 

Marie-Jean Sauret, Professeur émérite des Universités, chercheur au Pôle Clinique psychanalytique du sujet et du lien social (LCPI) Université Toulouse Jean-Jaurès, psychanalyste (Le Pari de Lacan), membre du SIUEERPP, de l’Appel des Appels, de l’Association Archipel citoyen(Toulouse).

 

L’université peut-elle encore prétendre être un service public ? Et de quel « service public » s’agit-il ? A-t-elle encore vocation à la démocratie ? Ou, en inversant la question, à quel symptôme de la démocratie touche-t-elle ? Et qu’a-t-elle à en dire ?

Face à ces questions, deux universitaires confrontent ici leurs points de vue.

Alain Abelhauser :

J’ouvre le feu ? Oui ? Dans ce cas, de la façon suivante :

La martingale la plus simple, dans les jeux où l’on a une chance sur deux de gagner (et donc une chance sur deux de perdre) et où le gain correspond au double de la mise, consiste à miser le même montant que le précédent lorsqu’on a gagné, et le montant double du précédent lorsqu’on a perdu.

Exemple : je mise 1 €. Si je gagne (à savoir 2 €), il me faut alors mettre de côté l’un des euros et miser au coup suivant l’autre euro. Mais si je perds, en revanche, il faut que je joue au coup suivant 2 €. Car si cette fois je gagne (c’est-à-dire 4 €), 1 € couvrira le montant de ma première mise, 2 € le montant de ma seconde mise, et le dernier euro sera un gain pur. Que je mettrai de côté avant de recommencer l’opération avec ma mise initiale.

Il s’agit d’un modèle très simple, dont on peut tirer ce principe : la réussite ne demande guère qu’à ce qu’on la prolonge ; l’échec, lui, en revanche, exige non seulement que l’on persévère, mais que l’on investisse deux fois plus à chaque étape, faute de perdre tout ce que l’on a misé précédemment.

Un tel modèle s’applique-t-il à d’autres circonstances que celles de l’univers des jeux ? Gageons, comme cela a déjà été constaté par maints auteurs, qu’il peut aisément éclairer de nombreuses situations. Ces pans de l’histoire, par exemple, où l’on s’engage dans une voie qui apparaît très vite comme déplorable, mais où l’investissement nécessaire à l’engagement de départ interdit de faire machine arrière sous peine de faire éclater au grand jour l’absurdité de la décision première.

Est-ce clair ? Tel pays s’engage par exemple dans une guerre insensée. Qui coûte très cher, entre autres en vies humaines. Et n’apporte aucun bénéfice. Aussi faut-il arrêter rapidement l’opération. Et dire à tous ceux qui y ont laissé un père, un frère, un époux, un fils (ou une mère, une sœur, une épouse, une fille) : mais oui, bien sûr, ils sont morts pour rien, d’ailleurs c’est pour ça qu’on arrête les frais maintenant ? Impossible. Alors on continue, coûte que coûte. C’est ce que certains historiens appellent le syndrome du « pas morts en vain ». (Et ce que les psychanalystes mettent volontiers sur le compte de la « répétition », figure de proue de la pulsion de mort.)

Eh bien, il me semble que ce modèle, pour extrêmement simpliste qu’il soit, met pourtant assez bien en lumière de nombreux processus sociaux et s’applique de fait assez bien au monde de l’université.

J’en donnerai quelques illustrations, dont le mérite est aussi de témoigner des principaux plans où se concentre l’activité universitaire : l’enseignement et la recherche, ainsi que l’organisation qui est dorénavant requise pour exercer ces fonctions.

Commençons par cette dernière. Il y a une quinzaine d’années, le mythe néo-libéral et « évolutionniste » voulant que la compétition entre organismes permette d’améliorer leurs performances, conduisit entre autres à promouvoir un classement des universités, aux critères au demeurant très contestables et contestés(1). Bien d’autres ont suivi depuis. Ce classement, dans lequel la France était peu à l’honneur, servit d’argument pour la mise en place d’une stratégie de regroupement des établissements : plus ils étaient gros, plus il y avait de chercheurs dans chacun d’eux, et plus leurs résultats cumulés donneraient de chances à l’établissement de progresser dans les classements. Big devenait forcément beautiful. Ce sur quoi renchérissait la politique économique, en considérant que ces regroupements devaient permettre une gestion plus centralisée et efficace de nombre d’opérations : des économies d’échelle, comme disent les gestionnaires. Aussi regroupa-t-on les universités en formant des PRES (Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur).

Nombreuses furent les Cassandre à objecter : cette stratégie était stérile à terme et ne tenait pas compte des réalités de terrain. D’ailleurs, s’il s’agissait vraiment de cumuler des résultats pour bien se classer (en admettant bien sûr que l’on souscrive aux critères de classement, voire à leur logique sous-jacente), il était des subterfuges bien plus simples et bien moins coûteux pour y parvenir. Et s’il s’agissait grâce à cela d’attirer davantage d’étudiants étrangers, peut-être convenait-il en priorité d’améliorer les possibilités et les conditions de leur accueil. Mais peu importa. Les regroupements eurent lieu, les PRES furent mis en place, cela nécessita beaucoup de temps et d’énergie (que l’on aurait peut-être pu consacrer à travailler vraiment) et, pour finir, ce ne fut pas plus heureux que ce qu’avaient prédit les Cassandre.

Se le tint-on pour dit ? Vous n’avez pas entendu ce que l’on a précisé en introduction ? Si les PRES ne marchaient pas bien, alors il fallait doubler la mise, faute de se désavouer. Il fallait faire pire. D’ailleurs on avait un nom tout prêt pour cela : les COMUE (Communautés d’Universités et d’Établissements). (J’ajoute que dans la région où j’exerce, et où l’on dénonçait volontiers ce processus, on suivit parfaitement la logique sur laquelle il s’appuyait. Tant qu’à faire pire que les PRES, autant viser le pire du pire : on décida de créer la plus grosse COMUE française : près de 30 établissements et plus de 180 000 étudiants couvrant deux régions entières. À sa création, on se rendit compte que l’on ne savait pas comment faire voter simultanément tous ces étudiants sur autant de sites et que l’organisation de ce monstre devenait vraiment compliquée. Mais tout ne fut pas perdu, d’un certain point de vue : certes, les économies d’échelle ne furent pas vraiment au rendez-vous puisque plus d’une centaine de postes administratifs durent être créés en sus, mais après tout ce ne fut jamais là que notre contribution à la lutte contre le chômage !)

Autre exemple. Les universitaires sont pour la plupart enseignants-chercheurs (E-C), c’est-à-dire qu’ils partagent en principe leur activité professionnelle à parts égales entre la recherche et l’enseignement, l’une et l’autre devant se nourrir réciproquement. (Je dis « en principe », car l’évolution du métier les conduit hélas à consacrer une bonne partie de leur temps à tout autre chose : l’« administration » de leurs activités, quand ce n’est pas la promotion de leurs recherches – pardon ! la « valorisation » de celles-ci.)

Étant en principe relativement autonomes – même s’ils sont intégrés dans des laboratoires, d’un côté, et des équipes pédagogiques, de l’autre – les E-C ont des comptes à rendre sur leurs activités. Rien là que de très normal. Si ce n’est qu’il n’est pas simple d’évaluer ces activités. Une recherche fondamentale peut prendre des années avant de produire un résultat tangible. Et si elle aboutit à une impasse, elle aura eu néanmoins le considérable mérite d’indiquer aux autres chercheurs que cette voie était pour l’instant sans issue. Et l’enseignement n’est pas plus simple à évaluer dès lors qu’il ne consiste pas seulement à remplir un cahier des charges de bon fonctionnaire : être à son poste aux moments voulus, dire ce qu’il faut, suivre scrupuleusement un programme, etc.

Devant cette difficulté de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement (dit) supérieur, on a essayé de trouver quelques critères acceptables par tous. Par exemple, jauger l’activité d’un chercheur en comptabilisant les publications où il présente les résultats de ses recherches. Et jauger celle d’un enseignant en recueillant les avis des étudiants qui ont suivi ses cours. Simple, non ? À ceci près que si un bon chercheur est celui qui publie beaucoup, et dans de « bonnes » revues, l’accent se déplace : il ne s’agit plus trop, dès lors que l’on veut faire carrière, d’entamer des recherches longues, complexes, aléatoires et inattendues, mais de jouer la sécurité en priorisant tout ce qui permettra de publier aisément, abondamment, et en accord avec la ligne directrice des revues visées. Et à ceci près que si un bon enseignant est celui qui fait un bon score à l’audimat étudiant, le contenu de son enseignement et ses propres critères d’évaluation aux examens qu’il organise peuvent s’en trouver considérablement influencés.

Cassandre, à nouveau consultée, considéra qu’il y avait là les germes d’une stérilisation de la recherche et d’un appauvrissement de l’enseignement (supérieur). Fut-elle écoutée ? Mais oui ! Puisqu’on décida très vite de franchir quelques étapes supplémentaires dans le processus. Par exemple – puisque publier tout, n’importe quoi et n’importe où, n’avait pas forcément de sens – de hiérarchiser les revues elles-mêmes, de leur confier alors quasi exclusivement l’évaluation des chercheurs et d’apprécier la qualité de ceux-ci en fonction du nombre de fois où des collègues citaient leurs travaux (ce qu’on a appelé l’impact factor), même si c’était parfois pour en dire le plus grand mal. Ce qui a conduit, comme on pouvait s’y attendre, à promouvoir les renvois d’ascenseurs et la production d’articles de synthèse (n’apportant souvent rien de nouveau, mais étant plus pratiques à citer), voire à multiplier le nombre de cas d’impostures scientifiques.

Et, par exemple encore, puisqu’enseigner était soumis à l’approbation de l’auditoire, il devint habituel d’en réduire les risques potentiels en se cantonnant à la prestation de quelques cours bien cadrés, bien rodés et a priori peu susceptibles de provoquer l’ire des auditeurs. Puis-je témoigner de ceci ? Lorsque j’ai commencé à enseigner à l’université, il était possible, voire apprécié, de poursuivre dans les cycles avancés un enseignement tout au long d’une année (en y consacrant, disons, une bonne cinquantaine d’heures) pour explorer un champ complexe, et sans parfaitement savoir au départ où cela allait aboutir. De prendre des risques, en somme, accueillis et partagés par les participants de l’enseignement qui en comprenaient les bénéfices possibles. (Je me souviens de l’étonnement et de l’enthousiasme d’étudiants américains, ravis d’assister en France à des séminaires où se disaient des choses qu’ils n’avaient pas encore entendues, qui n’avaient pas encore été publiées, et qui étaient mises là à l’épreuve de leur écoute.) À présent, il me semble que de telles entreprises sont devenues fort rares. La plupart de mes collègues ne me disent-ils pas qu’ils ne dispensent plus que des poussières d’enseignement (jamais plus de 8 h par enseignant dans un cours donné), chacun se limitant à son pré carré, à son domaine très étroit de spécialisation, et laissant aux étudiants le soin de rassembler – si tout va bien, et s’ils y arrivent – ces morceaux épars d’un savoir effiloché.

Dernier exemple, lequel a trait aux modes d’entrée à l’université ou à la poursuite de certains cursus. Soyons réalistes : nombre de jeunes gens, leur bac en poche, s’inscrivent pour un an à la fac par attentisme, histoire de prendre le temps de décider ce qu’ils veulent faire ensuite, ou plus simplement par défaut, parce qu’ils n’ont pas été pris dans la formation qu’ils visaient en priorité. De surcroît, alors même que l’université est loin de constituer la voie royale pour de nombreux types d’études, il est néanmoins des cursus très demandés, lesquels offrent soit des capacités d’accueil limitées, soit organisent une sélection drastique en fin de première année. Mais qu’à cela ne tienne : on attend de l’université qu’elle fasse état de « bons » résultats, à savoir que la plupart des étudiants de première année passent en deuxième. Quant à ceux qui ne se réinscrivent pas, ils sont considérés comme « décrocheurs », témoignant ainsi du mauvais encadrement pédagogique qu’ils ont subi. Certes, celui-ci est loin d’être optimal, mais il n’est pas non plus inintéressant de noter que sur quatre étudiants qui ne se réinscrivent pas, trois ne le font pas parce qu’ils ont réussi à intégrer cette fois la formation de leur choix (un pourcentage significatif ayant de plus complètement validé leur première année) !

Pourtant cette sélection précoce imposée dans certaines formations, et cet usage d’orientation de la première année d’étude, furent retenus comme autant de mauvais points potentiels de l’université, auxquels il s’agissait de remédier. Comment ? En orientant le mieux possible, d’entrée de jeu, les étudiants pour qu’ils ne perdent pas leur temps à tenter de suivre une formation pour laquelle ils n’avaient pas les capacités ou les prérequis. Cela donna « Parcoursup ». Un grand barnum qui, autant que je puisse en juger à ma toute petite échelle, conduisit avant tout nombre d’étudiants à bien réaliser qu’ils ne pouvaient suivre de droit la formation qu’ils souhaitaient. Mais surtout un mode de sélection qui ne disait pas vraiment son nom et qui conduisit les équipes pédagogiques chargées de l’effectuer à : 1) prendre la mesure de l’ampleur de la tâche (des milliers de dossiers à traiter en très peu de temps et à très peu d’enseignants) ; 2) renoncer à l’accomplir comme elles l’auraient souhaité (par un examen approprié de chaque dossier) ; 3) confier dès lors le soin de ce tri à des algorithmes – disons-le – souvent bricolés dans l’urgence à partir de critères loin de faire l’unanimité au sein des équipes.

On constate que l’université accueille mal les étudiants et ne permet pas à tous de progresser harmonieusement dans leurs cursus ? Pas de problème ; il n’y a que des solutions. Par exemple celle de les sélectionner de manière encore plus aveugle et selon des procédures aussi chronophages que grossières.

Ce qui nous amène au cœur du sujet que nous avons ici à traiter : qu’est-ce que l’université, d’abord ? À l’origine, c’était une corporation – le corps des maîtres et celui des élèves rassemblés en une communauté d’aspiration au savoir. Soit. Et qu’est-elle devenue ? Pour ma part, je dirais qu’il s’agit maintenant, en premier lieu, d’un monde quasi féodal, toujours peuplé de mandarins (en baskets ou Richelieu) et de petites mains (encore corvéables à merci), avec des territoires jalousement délimités, des suzerainetés et des vassalités, et un système hiérarchique beaucoup plus prégnant qu’il n’y paraît souvent à l’extérieur.

Mais un monde quasi féodal doté pourtant d’une sorte d’idéal d’autogestion, hésitant volontiers entre la démocratie la plus directe (les Assemblées Générales) et la bureaucratie la plus redoutable (les sacro-saintes procédures). Et, de surcroît, tiraillé entre ce que les psychanalystes appellent le « discours du maître » (peu importe ce qui est en jeu, il faut que les choses tournent et que « ça marche »), le « discours capitaliste » (tout cela ne tient qu’à s’indexer à l’exigence de développement, à l’exigence de la croissance) et l’idéologie libérale (donnons aux universités libertés et responsabilités – c’est la fameuse « LRU » – et le jeu du marché finira bien par faire le reste). Avec, enfin, cette caractéristique de taille d’être à la fois investi des missions sociales les plus importantes (éduquer à un haut niveau, dispenser des connaissances de pointe et former à de multiples compétences, faire penser) et les plus ambitieuses (accueillir tous ceux qui le souhaitent, quelle que soit l’augmentation de leur nombre), et de se découvrir pourtant économiquement faible et contraint aux jonglages financiers les plus dérisoires (il n’est, rappelons-le, qu’à comparer le coût d’un étudiant à l’université et celui d’un élève de classe préparatoire ou de grande école).

Un monde de paradoxes, donc, maniant oxymores et contradictions à l’envi : moderne et vieillot, féodal et démocratique, autogéré et bureaucratique, libéral et humaniste. Mais pourtant toujours censé remplir ces missions qui relèvent de ce que l’on aimerait encore pouvoir nommer le « service public ». Et, enfin, parfaitement partie prenante de ce processus que j’ai tenté de souligner au départ (celui consistant à persister dans un engagement pourtant néfaste, voire à le doubler à chaque nouvelle étape, parce qu’il est strictement impossible de reconnaître s’être fourvoyé à moins de désavouer tout ce qui a précédé).

 

Comment l’université peut-elle s’arranger de ces paradoxes, se déprendre de ce processus, et répondre aux mutations de plus en plus rapides de notre monde actuel ? C’est à ce point que je laisse – certainement très lâchement – la plume à mon ami Marie-Jean Sauret.

Marie-Jean Sauret :

J’enchaîne
… non sans que nos réflexions n’aient tenté de conjuguer quelques pistes.

 Il me revient que lorsque mon université a réuni, elle aussi, ses enseignants pour discuter du projet qui devait faire d’elle une candidate à l’excellence, j’ai posé cette question : comment faire en sorte que nous préservions notre mission de transmission des savoirs au-delà des seuls étudiants qui permettent de construire les réponses singulières au « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien », au sens de la présence de chacun au monde, et de tresser les mises en récit ainsi obtenues afin de contribuer à un lien social partagé et vivable ? Qu’allons-nous faire de l’anthropologie, de la philosophie, de la littérature, de l’histoire, de certains pans de la psychologie (clinique…), de la sociologie, du peu de psychanalyse, etc. ?

Un collègue agacé et « riche » du soutien de quelques autres m’a renvoyé dans mes quartiers : le problème est de savoir comment notre université peut s’inscrire dans le monde de l’entreprise, devenir elle-même rentable en étant concurrentielle au point de s’imposer sur le marché du savoir, des compétences, de l’information – quitte à remiser les disciplines académiques obsolètes. Malgré la réaction offusquée du président de l’université d’alors, un historien, c’est pourtant cette transformation qui a eu globalement lieu.

Ce n’est pas que les disciplines mentionnées, pour s’en tenir à elles, aient disparu. C’est que, de façon larvée, le savoir a muté sous l’impact de la logique d’évaluation imposée par la forme contemporaine du lien social. Le mariage de la techno-science (la science opératoire) et du marché, dont naît la forme contemporaine du « discours capitaliste » s’effectue sous le privilège du savoir scientifique, avec la rigueur duquel aucun autre savoir n’est capable de rivaliser. Ce qui divise en fait le savoir de la science et les savoirs que l’on dira existentiels, ceux qui se posent la question de la vérité quand le premier ne connaît (légitimement) que l’exactitude du calcul dans une langue qui ne se parle pas, les mathématiques.

 

Or ce sujet qui s’interroge sait que la science ne peut se construire sans lui en même temps qu’il la met en échec en ce qui le concerne : il est foncièrement singulier, une exception quand la science ne peut produire qu’un savoir généralisable, vrai pour tous et pour tous les objets de même type. C’est donc ce sujet que requiert la démocratie. Et tous les savoirs qui ont contribué à la penser sont maltraités, car ils empêchent le marché de tourner en rond, de ronronner. Le seul savoir valable est celui compatible avec une allure scientifique, dont les seules valeurs sont chiffrables et relèvent du « tout évaluation ». On devine le coup d’accélérateur que cette modalité du savoir reçoit du numérique jusqu’à imposer l’intelligence artificielle comme idéal de la décision au service de « tous » …

Selon l’anthropologie idéologique qui sert le capitalisme, « l’individu » ne devrait avoir qu’une visée : la rentabilité et la jouissance, puisqu’il lui est promis une réponse à tout. Ce système est à la fois un système de prédateur et un système de frustration puisqu’il est fondamentalement mensonger : mais il récupère la frustration pour renvoyer les individus sur le marché… Et l’université joue sa partie dans ce jeu, qu’elle le veuille ou non.

Jusque-là l’université formait des professeurs : soit des sujets qui consentaient, quelle que soit leur discipline (sciences dures ou humaines…), à s’expliquer devant un auditoire avec ce qu’ils ne comprenaient pas eux-mêmes, car c’est seulement là que le savoir se déploie. Désormais l’université forme des travailleurs : l’étudiant doit apprendre à se vendre, soit se traiter lui-même comme un objet. Toutes ses compétences seront mobilisées au service d’une logique qui conduit au pire.

La science ne dit pas ce qu’il faut faire de la science : là intervient la nécessité du débat. La réponse sera éthique si l’on appelle ainsi celle que le sujet doit donner quand il n’y a pas d’autre pour répondre à sa place (ni calcul, ni morale, ni déontologie, ni comité de ceci ou de cela). Leo Szilard, qui a accompagné Einstein pour convaincre le président des États-Unis de construire la bombe atomique dans la crainte que les nazis les devancent, culpabilisé par les conséquences de son intervention, a abandonné la physique pour la biologie moléculaire. Il met en scène, dans une nouvelle, une discussion dans laquelle un intervenant lui demande ce qu’il faut faire pour éviter que cette contribution des savants à une catastrophe ne se répète(2). Avec une ironie prophétique incroyable, il répond qu’il suffit de créer des commissions d’évaluation et de demander aux chercheurs de concourir pour les valider et les financer : ils passeront plus de temps dans l’administratif, à peaufiner des projets en quête de financement, que dans la recherche !

Plutôt que d’organiser la discussion autour de notre responsabilité quant à ce que nous découvrons, renonçons à penser quitte à ce que la recherche fondamentale en souffre… à l’université, car on sait que nombre de laboratoires (à commencer par ceux qui servent des intérêts économiques, pharmaceutiques ou militaires) n’ont même pas ce genre de scrupules.

Lorsque je suis rentré dans l’Université à la fin des années 70, il y avait plus de personnels enseignants qu’administratifs. Pourtant, des appariteurs accueillaient les étudiants dans les amphithéâtres, surveillaient, ramassaient et ordonnaient les copies, le secrétariat rentrait les notes, organisait les sessions d’examens, etc. Lorsque je suis parti, plus de 40 après, il y avait plus d’agents administratifs que d’enseignants, et néanmoins les enseignants passaient la moitié de leur temps en tâches administratives ! Ainsi qu’Alain Abelhauser l’a décrit au début de ces pages, la bureaucratisation est sans doute le symptôme le plus lisible de la forme prise par le « il faut que ça marche » sous l’emprise de la logique néolibérale.

Le Discours capitaliste a non seulement mis à mal les disciplines susceptibles d’aider à penser, mais en a réquisitionné un certain nombre – les unes malgré elles, les autres consentantes – pour fabriquer l’anthropologie idéologique dont il a besoin : comportementalisme, neurosciences (partiellement), cognitivisme (idem), psychologie de la santé, psychopathologie du DSM, sociologie métrique, et les disciplines en « isme »(3)(biologisme, économisme), bref toutes les disciplines qui concourent à la « nouvelle » idéologie, celle qui prétend répondre à toutes les questions, existentielles et scientifiques, par les seuls moyens de la science : le « scientisme ».

Le sujet ne peut pas ne pas mettre sa vie en récit : dès lors que les « grands récits » (les savoirs qui se préoccupent du sens de l’existence) sont disqualifiés par le Discours Capitaliste, le « scientisme » prend leur place, imposant son « politiquement correct » et sa « religion » paranoïaque (avec lequel les formes religieuses contemporaines tentent parfois de rivaliser). Si le sujet habite bien le discours qu’il construit, ce politiquement correct le formate : de la sorte l’université, enrôlant malgré eux, innocemment, ou de façon complice, ses propres agents, devient l’un des principaux centres d’éradication du sujet et de la théorie du sujet de l’acte, de la responsabilité, sans lequel il n’est point de démocratie, un centre de diffusion de ce « politiquement correct » dont la pandémie est pire que la COVID 19. En ce sens, quel que soit son mode de gestion, l’université est anti-démocratique !

Un seul exemple : un universitaire pouvait s’insurger sur France Culture contre ceux qui incriminent le capitalisme dans la dégradation de l’université. Il mettait au défi quiconque d’en apporter la preuve expérimentale. Mais si la science, expérimentale ou non, a pour condition de bouter hors de ses conclusions le sujet qui la fabrique afin de tendre à l’objectivité et à la généralisation, alors il n’est pas scientifique de vouloir en saisir les dimensions (singularité et inscription dans le lien social) qui ne s’attrapent pas par la science ! Chacun a pu voir d’ailleurs ce que donnait la gestion à flux tendu pour des raisons strictement de rentabilité économique de la santé et de la recherche quand il a fallu faire face à la première vague de la pandémie actuelle, sans d’ailleurs que cela n’infléchisse la politique du gouvernement. Le même intervenant voyait la raison du déclin universitaire dans la dépendance politique de l’université et réclamait plus d’autonomie : on devine qu’en l’absence de discussion sur la société que nous voulons, il demande d’abandonner encore plus l’université à la concurrence et à la logique néolibérale, celle dont les tenants nous disent qu’elle a réduit la pauvreté, fait des progrès techniques extraordinaires, et nous sauvera des cataclysmes écologiques dont elle est pourtant responsable. Tel est l’impact du formatage, le résultat de la contamination : « Je ne veux pas savoir ».

En d’autres termes, certes, la démocratie universitaire suppose, sur un versant, de penser l’université au sein de la société (ses fonctions de formation et de transmission), et sur un autre d’imaginer comment régler son organisation en associant tous ses acteurs. Sur ce dernier point, c’est moins d’un maître aux allures de PDG qu’il conviendrait de mettre au poste de responsable, qu’une « intelligence » capable de mettre au travail les ressources de « l’intelligence collective » que l’université recèle encore : une sorte de « sous-commandant Marcos », en quelque sorte.

On aura compris qu’il y a donc « une question préliminaire à tout traitement de la démocratie » : quel soin apportons-nous à son sujet ? Restaurer et défendre les disciplines qui cherchent à lui rendre la responsabilité de sa position, de ses actes, sa capacité de création est un premier moyen ; solliciter « l’intelligence collective » un autre. Le discours Analytique prend sa part dans cette entreprise : ce pourquoi il est une cible du discours Capitaliste.

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16 février 2022 3 16 /02 /février /2022 06:05

- Un producteur décide de tourner un film tiré d'un roman dont le personnage principal est un homme blanc. Avec l'accord du romancier ou des ses ayants droit je suppose, il transforme ce personnage en une femme de couleur.

- La production choisit une actrice connue, mulâtresse, Thandiwe Newton, née à Londres d'un père anglais et d'une mère Zimbabwéenne. Des Noires en pagaille protestent contre le fait que l'actrice n'est pas assez noire.

- La pauvre Thandiwe, qui a fait ses preuves depuis longtemps en tant qu'artiste et aussi en tant que personne de la société civile, s'excuse d'avoir pris la place et d'avoir volé un emploi à une “sœur ” vraiment noire. Pas d'avoir pris la place d'une bonne actrice, si tant est qu'elle ait été elle-même mauvaise.

Bien sûr ce type de démarche simplificatrice ne peut que se retourner contre les non-Blancs. Car chaque fois que l'ont verra un présentateur de JT noir, métis, jaune, et surtout femme, on pourra toujours se demander si la personne est là au nom des quotas et non en raison de sa qualité professionnelle.

Trois “ kow-tows ” wokistes
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16 février 2022 3 16 /02 /février /2022 06:01

Un témoignage de Marie-Jean-Sauret, professeur émérite de psychopathologie clinique, sur la dégradation des conditions de travail des universitaires :

“ Lorsque je suis rentré dans l’Université à la fin des années 70, il y avait plus de personnels enseignants qu’administratifs. Pourtant, des appariteurs accueillaient les étudiants dans les amphithéâtres, surveillaient, ramassaient et ordonnaient les copies, le secrétariat rentrait les notes, organisait les sessions d’examens, etc. Lorsque je suis parti, plus de 40 après, il y avait plus d’agents administratifs que d’enseignants, et néanmoins les enseignants passaient la moitié de leur temps en tâches administratives ! ”
 
Je ne peux qu'opiner. Lorsqu'à la fin des années 80 je suis rentré de Côte d'Ivoire, où j'avais enseigné une dizaine d'années à l'Université Nationale, j'ai été frappé de constater que les conditions d'enseignement en France, pour les universitaires, étaient plus mauvaise que dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.
Les principaux responsables de cette catastrophe sont les enseignants eux-mêmes qui ont accepté toutes les reculades, en suivant le panache blanc de présidents d'université, souvent “socialistes”, qui ont imposé leur volonté stakhanoviste à une masse d'enseignants qui ont cru – ou fait semblant de croire – qu'à leur petit niveau ils s'en sortiraient par des comportements individualistes et des solutions individuelles.
Misère des universitaires français
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14 février 2022 1 14 /02 /février /2022 06:01

La secrétaire générale adjointe de l’Organisation des Nations Unies, Amina Mohammed, n’a pas de mots assez durs pour qualifier la situation des femmes dans les régions d’Ethiopie en conflit : « Les femmes éthiopiennes ont été touchées d’une manière inimaginable » et « dans vos pires cauchemars, vous ne pouvez pas imaginer ce qui  leur est arrivé », a déclaré la numéro deux de l’ONU.

 

Pour ces horreurs alimentées par la guerre, « tout le monde est à blâmer » et, au XXIe siècle, il « est inadmissible qu’un être humain puisse infliger [de telles souffrances] à un autre », a insisté Mme Mohammed, en évoquant notamment le sort d’une jeune femme violée sous les yeux de son fils de 3 ou 4 ans et désormais rejetée par son mari, sa famille et la société.

 

« La justice doit être rendue et les responsabilités établies. Quand les hommes partent en guerre, ils reviennent et ce sont des héros, peu importe les blessures qu’ils ont, n’est-ce pas ? Mais pour les femmes blessées, blessées d’une manière inimaginable, elles n’en sortent pas en héroïnes. Elles sont juste exclues ».

 

 

Pour le site Anti-K, il n’y a pas de victoire de la lutte écologiste sans lutte des classes : « Nous avons tous un rôle à jouer dans la prise de conscience globale de cette lutte de classes, par nos idées et nos actions. Mais la clé réside dans le fait que la lutte écologiste, qu’elle soit révolutionnaire ou non, ne peut passer que par la lutte des classes. Ne dit-on pas, par exemple, que « l’écologie sans révolution, ce n’est que du jardinage » ? Hé bien, il s’agit ici de faire prendre conscience aux acteurs des classes dominées qu’ils possèdent les outils pour participer à une grande séance collective de replantage ou de réensauvagemement du monde, pour pouvoir renverser, transformer les choses, et (sur ?) vivre tous ensemble. En des termes plus explicites : l’histoire de la survie de l’espèce humaine et de nombreux autres êtres vivants « n’est que l’histoire de la lutte des classes ». Car c’est bien la lutte contre l’accumulation effrénée du capital qui peut enrayer le désastre écologique qui a commencé avec la mise en place de la révolution industrielle capitaliste, et ce frein réside dans la manière dont les classes populaires peuvent se matérialiser, prendre conscience de leur aliénation, lutter pour leur intérêt et faire changer le cours de l’histoire. A nous de nous en emparer, sans dogmatisme, mais comme un outil rationnel et de lutte. »

 

 

 

Selon le site L’1dex, Le vaccin d’Astrazeneca a rapporté 2,5 milliards de dollars en 2021. Le groupe a mis fin à sa politique de vente de son vaccin à prix coûtant.

 

Le vaccin d’Astrazeneca dégage désormais des bénéfices. Le vaccin du groupe pharmaceutique suédo-britannique Astrazeneca a rapporté 2,5 milliards de dollars en 2021. «Nous avons tenu notre promesse d’un accès large à notre vaccin contre le Covid-19 dans le monde», s’est félicité le directeur général Pascal Soriot. Le laboratoire, qui a d’abord vendu son vaccin contre le coronavirus au prix de revient, contrairement à ses rivaux, avait indiqué en novembre qu’il commencerait à dégager des bénéfices sur les recettes du sérum.

 

 

Dans Le site Le Grand Soir, Bernard Tepper se demande si on peut échapper au précipice vers lequel on s’avance dans le cadre de l’UE ? « Juncker l’a dit : Il n’y a pas de démocratie contre les traités ». Il ne peut donc y avoir aucune politique progressiste dans l’UE et pour en sortir c’est l’Article 50. Mais pour en sortir faut être solide. Il y a deux gros obstacles : d’une part les Français sous-estiment le rôle réactionnaire de l’UE car il est dissimulé par les pouvoir en place, et, d’autre part, la France est dans l’Euro. La sortie ne pourra avoir lieu qu’à la faveur d’une crise paroxystique, avec une majorité solide. Dans tous les cas, comme disait Jean Jaurès : « Il faut partir du réel pour aller vers l’idéal ».

Revue de Presse (393)

 

 

Pour se quitter sur un sourire, appeler le 115 en Isère, c'est plutôt cucudge, comme on dit à Toulouse.

Revue de Presse (393)
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7 février 2022 1 07 /02 /février /2022 06:00

Le Figaro consacre un article au refus de l’Assemblée nationale d’accorder le droit d’asile à Julian Assange : « Il a dénoncé des agissements barbares et des bavures inqualifiables qu'il fallait rendre public , aa salué le communiste Stéphane Peu. Pour Jean-François Mbaye (LREM), « aucun défenseur des droits de l'Homme ne saurait supporter une situation si disproportionnée » et même si « l'intention est noble », le député du Val-de-Marne a mis en avant les « points litigieux» de la résolution, notamment d'ordre juridique et diplomatique. Même son de cloche du côté du ministre du Commerce extérieur Franck Riester auquel Alexis Corbière (LFI) a reproché de ne donner qu'un « cadre juridique » sans jamais parler de « Julian Assange ». Son collège LFI François Ruffin a déploré la « lâcheté » française tandis que le député écologiste Cédric Villani a voulu faire vibrer la corde patriotique : « La France ne se fera respecter que si elle parle haut ».

 

Selon Communistes Hebdo, la décision de 1997 d’offrir le secteur des EPHAD aux fonds privés autorisait toutes les dérives au nom du profit et les offres aux candidats investisseurs promettaient de fabuleux retours. Chacun savait au prix de quelles souffrances des résidents se paieraient ces dividendes. Xavier Bertrand, ministre de la Santé à cette époque, est resté très attaché à ces investisseurs. On se souvient de l’expression « sylver economy » (économie des cheveux gris). Sous ce vocable, les gouvernements faisaient miroiter des gisements d’affaires à réaliser avec les personnes âgées, du moins celles qui en ont les moyens. Les maîtres mots des décideurs sont alors réduction drastique des coûts, rationalisation, rationnement, tout est bon pour le profit et tant pis pour la santé et la dignité des résidents. La presse économique présente toujours les investissements dans le secteur du vieillissement comme parmi les plus rentables, avec toujours un rapport à deux chiffres, évoquant un rendement de 40 000 à 50 000 euros par lit, par an !

 

Macron avait promis une loi grand âge sur la perte d’autonomie. Nous avons eu une cinquième branche de la sécurité sociale, financée non plus sur le travail mais par les salariés et les retraités eux-mêmes. La ministre Brigitte Bourguignon annonce qu’elle va frapper fort, mais sur qui ? L’ancien patron [de l’EPHAD du scandale] avait d’ailleurs pris soin de se délester de milliers de ses actions avant la sortie du livre. La vieillesse, la dépendance, qui relèvent de la solidarité nationale, doivent totalement revenir dans le secteur public.

 

 

Revue de Presse (392)

 

Le Monde relate une tragédie qui devient malheureusement routinière aux États-Unis : « Un Afro-Américain tué par la police à Minneapolis.Les parents d’Amir Locke, 22 ans, mort mercredi 2 février au petit matin lors d’une perquisition dans un appartement, ont promis, vendredi, de se battre pour « obtenir justice »Les parents accusent les agents de n’avoir « laissé aucune chance » à leur fils. Sur une vidéo diffusée par les forces de l’ordre, on voit des policiers entrer avec une clé, puis s’annoncer bruyamment. Amir Locke, endormi sur le canapé du salon, s’agite alors sous sa couette, saisit un pistolet et se redresse légèrement. Des coups de feu résonnent. Le tout dure moins de neuf secondes.

 

Andre Locke a souligné que son fils n’avait pas de casier et disposait d’un permis de port d’armes. « Il avait le sommeil lourd » et « a fait ce que tout citoyen respectueux des lois aurait fait dans les mêmes circonstances, noir comme blanc ».

 

Le mandat au cœur du drame ne mentionnait pas Amir Locke. Il avait été émis dans le cadre d’une enquête pour homicide ouverte dans la ville voisine de Saint-Paul et autorisait les agents à ne pas s’annoncer. Ces mandats dits « no knock » (« sans frapper à la porte ») ont été impliqués dans plusieurs dossiers de violences policières. Le Minnesota avait restreint leur usage après les grandes manifestations de l’été 2020.

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2 février 2022 3 02 /02 /février /2022 06:00

Ras-le-bol de cette histoire de merde à la con qui a enchanté mon enfance de petit Blanc privilégié des corons du Pas-de-Calais !

 

Vous me trouvez grossier ? Je le suis. Mais moins que Walt Disney et que l’acteur Peter Dinklage. Préparant une nouvelle version de Blanche-Neige, Disney a décidé de supprimer les sept nains sur la suggestion de l’acteur (nain) Peter Dinklage, qui avait brillé dans Game of Thrones pour des cachets plus que substantiels. Il a déclenché l’ire de la corporation des acteurs nains qui ont vu disparaître sept possibilités de rôle et qui, eux, vivent assez modestement. Disney a, par ailleurs, décidé de supprimer le baiser final, qui serait un « viol ». La participation de l’actrice prévue, Rachel Zegler, est dans la balance car elle est jugée trop blanche alors que, d’origine colombienne et juive polonaise, elle est plutôt bronzatta, comme aurait dit Berlusconi. Quant aux frères Grimm, rien à cirer !

 

Ci-dessous, une analyse d’une de mes parentes qui a des enfants en âge d’aller voir la version originale du chef-d’œuvre ou, dans quelque temps, la resucée politiquement correcte.

 

 

Dès le début de l’histoire on nous présente la mère de Blanche-Neige qui fait un souhait : elle veut un enfant d’une couleur spécifique. Son souhait exhaussé, elle en meurt. Blanche neige n’est que le résultat des aspirations des autres. Une poupée. En d’autres termes, elle est, fondamentalement, la symbolique de la femme objet. 

 

 

Aujourd’hui, les frères Grimm seraient sûrement pendus en place publique. 

 

Si les magouilleurs du woke avaient au moins lu le conte originel, qui a déjà été énormément lissé par Walt Disney, ils en feraient des cauchemars. Á la base, Blanche-Neige est une petite fille qui n’est pas du tout d’accord pour faire le ménage mais, n’ayant d’autre choix que de se cacher, elle se fait réduire en esclavage par les 7 nains. Á noter que les 7 nains n’ont même pas d’identité. Ce sont juste des nains. 

 

Ensuite elle se fait récupérer par un prince pédophile qui l’épouse sans lui demander son avis alors qu’elle a 7 ans !

 

La fin se termine par la mort de la belle-mère, torturée en place publique. 

 

C’est un conte complètement ignoble. Comme la plupart des contes de fée. C’est comme ça.

 

 

L’histoire de Blanche-Neige est tiré d’une histoire vraie, celle de Maria Sophia Margaretha Catharina Freifraülein von  Erthal, née en 1729. Son père était ministre des Affaires étrangères et jouissait d’une bonne réputation. Sa belle mère, Claudia Elisabeth Maria von Venningen, n’aimait que ses enfants, et se montrait odieuse avec ceux de son mari. 

 

Inspirée par le palais des glaces de Versailles, elle offrit à son mari un miroir spectaculaire d’1m 60 de long, il y est inscrit une maxime. « C'est pourquoi on les appelle des miroirs “ parlants ”. Le médaillon en haut et à droite contient une indication très claire sur l’amour-propre. »

 

Maria est issu de Lohr, une région montagneuse avec des sentiers sauvages, et elle a emprunté un ancien sentier de montagne connu au XIVe siècle, qui s’appelait le sentier aux sept collines. 

 

Là-bas, des mineurs extrayaient le cuivre et l’argent. Et c’était évidemment des personnes de petites tailles, ou des enfants qui faisaient ce travail pour réussir à se faufiler dans les galeries.

 

Mais il y a une autre théorie : Margaretha serait née, comtesse, en 1533. Sa belle-mère la détestait. Elle aurait vécu une histoire d’amour avec Philippe II d’Espagne, puis serait morte subitement, à 21 ans, probablement empoisonnée.

 

Quels films on aurait pu faire avec ces deux histoires !

 

 

 

Fuck Blanche-Neige !
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29 janvier 2022 6 29 /01 /janvier /2022 06:01

Palem CandilierThe Beatles. The Beatles. Paris : Éditions Densité, collection Discogonie 2021.

 

Pas de coquille de ma part : ce livre de Palem Candilier est consacré aux Beatles certes, mais spécifiquement à leur double album The Beatles que, depuis 53 ans, tout le monde appelle “ Le disque blanc ”.

 

Je saluerai tout d’abord la maison d’édition Densité qui publie des livres très spécialisés, très pointus et de grande qualité, sur des chanteurs et des œuvres musicales, principalement anglo-saxonnes (notons l’exception de Serge Gainsbourg).

 

On ne s’en étonnera pas, mais la couverture de livre, ainsi que le quatrième de couverture, sont immaculément blancs, contagion oblige. L’auteur, quant à lui, est un musicien autodidacte, présent sur la scène pop depuis 2007. Avant son Beatles, Candilier avait publié Nirvana – In Utero en 2019.

 

« Les Beatles ne jouent pas de la pop, ils la possèdent », a écrit un spécialiste étasunien, cité par Palem Candilier. Avec ce double album, ils embrassent tous les genres et créent des possibles pour tous les pratiquants. Ce qui distingue, entre autres choses, les “ Fab Four ” (ils furent effectivement fabuleux) de toutes les figures marquantes de la pop, c’est qu’ils se sont renouvelés à chaque disque, jusque dans le choix des pochettes. Dans le cas présent – l’auteur développe ce point à maintes reprises – on a affaire à un disque (deux en fait) dont  le moteur, la thématique principale sont l’enregistrement et ses techniques, la création en studio. De leur séjour en Inde, les Beatles sont revenus avec des petites pépites, multiples et extrêmement variées. Ces petits bouts, sont devenues, à deux ou trois exceptions près (sur 30 chansons), des morceaux d’excellente facture qui ont inspiré – et inspirent encore un demi-siècle après – des dizaines de chanteurs et musiciens de par le monde. D’aucuns auraient préféré un tri beaucoup plus sélectif avec, en fin de compte, un seul disque blanc, puis un disque « plus blanc », comme avait plaisanté Ringo. Mais, justement, l’une des forces de cette création est qu’elle est constituée de deux disques, ce qui était rare à l’époque.

 

Cela ne fonctionna pas toujours comme sur des roulettes. Candilier cite le témoignage de leur ingénieur du son, Geoffrey Emerick (auteur d’un passionnant Here, There and Everywhere, My Life Recording The Music of The Beatles) : « John ou Paul arrivaient et jouaient une chanson à la guitare ou au piano […] et puis nous la voyions évoluer avec le temps. Parfois elle devenait meilleure à force d’être retravaillée sans cesse. D’autres fois, elle n’allait nulle part. Cela pouvait devenir incroyablement ennuyeux et déprimant de les entendre jouer la même chanson pendant neuf ou dix heures de suite, particulièrement quand elle devenait de plus en plus mauvaise à mesure qu’ils se défonçaient et partaient dans tous les sens. » Il leur faudrait 137 jours pour enregistrer de double album, contre dix heures pour leur premier 33 tours. Beaucoup dirent en effet comme Emerick que les quatre créateurs étaient partis dans tous les sens. Mais, justement, c’était ça le miracle ! « Partir » en oubliant tous les albums qui avaient précédé, et « dans tous les sens » en explorant tout ce qu’il leur était possible et loisir d’explorer. La chanson (“ chanson ” ?) “Revolution N°9 ”, il fallait tout de même l’oser !

 

Humainement parlant, The Beatles est assurément l’album de la dislocation. Le groupe est en train d’exploser. Irrémédiablement. Plus tard, Paul parlera de « tensions » alors que John, Paul et George, sont en train de se haïr. Ringo, qui veut à tout prix rester ami avec les trois autres (il réussira), les plaque et part en vacances à l’étranger en plein milieu d’une session de travail. Les quatre musiciens ne joueront ensemble que dans seize des trente morceaux de l’album. Ils réussiront à faire déprimer George Martin, leur producteur et arrangeur historique, qui déplorera le « manque de discipline » – doux euphémisme – de cette bande en désagrégation.

 

Ce double album est également un œuvre largement “ méta ” (contrairement à Sgt Pepper qui l’avait précédé) au sens où les Beatles y écrivent l’histoire de la pop music – eux inclus, bien entendu – en détournant, en rendant hommage, en pastichant, en y installant un chaos auquel s’opposent la douceur, des mélodies inoubliables, des odes à la pastoralité, des introspections troublantes et courageuses. Comme exemple d’hommage, on citera naturellement “ Back in the USSR ” (écoutons l’étonnante reprise – cum balalaïkas – par Sigourney Weaver de ce qui restera comme l’un des rocks les plus réussis de l’histoire), affectueuse accolade aux Beach Boys et à Ray Charles. Alors que l’écoute de leurs disques avait été interdite pendant des années en URSS, Paul McCartney, d’abord reçu par Poutine dans ses salons privés du Kremlin, donnera, trente-cinq ans plus tard, un récital historique sur la Place Rouge devant des dizaines de milliers de spectateurs, dont Poutine. “ Back in the USSR ”, déchaîna le public.

 

L’auteur fournit une analyse très fouillée de toutes les chansons du double album. On en retiendra simplement et arbitrairement quelques-unes.

 

L’hommage de Candilier à “ Dear Prudence ” est bienvenu. Prudence, la sœur de Mia Farrow, en stage chez le Maharashi avec la joyeuse bande, recluse dans sa chambre, en pleine méditation transcendantale. Candilier repère « l’orfèvrerie » des « micro-interventions instrumentales qui participent à la réussite de la chanson », comme un ostinato aigu de piano, la montée en puissance de la guitare de George, « l’explosion bouleversante des dernières mesures ». Et puis il y a la magie de la poésie simple et efficace de John : si tu sors de ta chambre, dit-il, « The birds will sing that you are part of everything ».

 

Dans la très déroutante “ Glass Onion ” de John, jamais, peut-être, des créateurs de la scène pop n’étaient allés aussi loin dans la citation et l’auto-dérision,  dans l’optique non pas d’éclairer mais d’obscurcir la compréhension de certaines de leurs chansons passées. Le chanteur se moque de ses “ strawberry fields ”, du “ walrus ” de Paul, du “ fool on the hill ” et de la pauvre “ lady Madonna ” du même Paul qui n’a pas fini de « combler son trou » de Sgt Pepper.

 

La structure de “ Happiness is a Warm Gun ” (étrangement la chanson préférée de Paul qui nécessita 95 prises, plus que sa propre “ I Will ” qui en nécessita soixante-sept) est particulièrement complexe : elle commence comme une folk song en mineur (« She’s not a girl who misses much […] »), se poursuit sur le mode d’un blues éthéré (« I need a fix ’cause I’m going down »), puisse passe à un rythme de rock lent («Mother Superior jump the gun »), avant de s’achever en majeur, John chantant « Happiness is a warm gun», accompagné par ses deux camarades qui, tels les Platters dans les années cinquante, le soutiennent avec des « Bang bang, shoot, shoot ». Le style Platters s’accommode de paroles surréalistes (« She’s well acquainted with the touch of the velvet hand like a lizard on a window pane » et d’une prise de position très nette sur la prolifération des armes à feu aux États-Unis (« Happiness is a warm gun »). Et on sait tous que John mourra d’un “ warm gun ” manipulé par un type dérangé qui se prenait pour lui.

 

Avec “ Blackbird ”, le merle, mais aussi la militante noire, nous rappelle que Paul qui, comme les trois autres, avait toujours refusé de jouer pour des publics ségrégués, était tout aussi conscientisé que John, mais à sa manière :

 

Blackbird toi qui chante au cœur de la nuit

Prend ces ailes brisées et apprend à voler

Toute ta vie

Tu attendais que ce moment advienne

 

La chanson fut enregistrée en plein air, avec de vrais pépiements d’oiseaux en conclusion.

 

Dans “ Piggies ”, George Harrison rompt avec trois années d’inspiration extrême-orientale  et propose un échantillon de sa critique sociale. On pense forcément à Animal Farm d’Orwell, avec, sous la plume de George, des cochons capitalistes « dans leurs chemises blanches amidonnées », « remuant la fange ». Ils sortent le soir avec leurs femmes cochonnes et, en anthropophages qui se respectent, ils mangent leur bacon. Ils ne s’intéressent pas au monde ; il faudrait « leur flanquer une bonne fessée ». On ne reconnaît pas notre Harrison.

 

Reste le problème de “ Revolution 1 ”. Nous sommes en 1968, que diantre ! Même les Rolling Stones viennent de s’y mettre dans “ Street Fighting Man ” avec ce questionnement désabusé : « que peut faire un pauvre gars, sinon chanter dans un groupe de rock'n'roll, car dans les rues endormies de Londres, il n'y a aucune place pour un émeutier », d’autant que, du lieu où il parle, « le jeu à jouer est la solution de compromis ». Avec John, dans cette première chanson franchement politique du groupe, il n’y aura pas non plus d’avancée réelle. Partant du point de vue que les gens dont « l’esprit est plein de haine » sont les manifestants et non les possédants, il laisse le monde sur sa faim – surtout les militants maoïstes et trotskistes qui le pressent de s’exprimer clairement – en chantant dans un même mouvement qu’on peut compter « avec lui » et « sans lui ». Et puis comment prendre au sérieux un discours sur la révolution parsemés de « choubidou wa » digne des chanteurs étasuniens blancs singeant les Platters ? 

 

On le sait, le “ disque blanc ”, les chansons “ Helter Skelter ” et “ Revolution 9 ” en particulier, vont déclencher la folie barbare de Charles Manson, piètre musicien pour ce qui le concernait. Le 25 juillet 1969, il torture et assassine un musicien. Le 8 août, quatre de ses affidés abattent une petite dizaine de personnes parmi lesquelles Sharon Tate, la femme de Roman Polanski dont elle porte l’enfant. Le 10 août, Manson tue un couple d’entrepreneurs. Les assassins sont condamnés à mort en 1970, peine commuée en prison à perpétuité.

 

Ayant à peine cinq ans de moins que George Harrisonj’ai la chance d’appartenir à la génération de ceux qui ont vécu la carrière des Beatles en direct, du début jusqu’à la séparation. Et, pour l’anecdote, le bonheur d’avoir assisté à un de leurs concerts. Le jour où j’ai vu sur huit colonnes en page une d’un quotidien britannique « THE BEATLES BREAK-UP », j’ai su qu’une page de ma vie se tournait, que le miracle était terminé, un miracle que, par sa précision, son érudition et son empathie l’auteur a contribué à élucider. Il faut être de ma génération pour comprendre que chaque nouveau disque (45 tours ou 33 tours) était attendu comme une bombe qui nous explosait en pleins sens car quelque chose de complètement nouveau allait advenir. Nous n’avons jamais été déçus, surtout pas moi qui ai pu écouter Sgt Pepper quinze jours avant sa sortie en me demandant, au milieu de la quinzaine d’autres privilégiés qui m’entouraient, sur quelle planète je vivais. Sans parler de l’apothéose d’Abbey Road avec, pour n’évoquer que cela, sa couverture mille fois plagiées.

 

Mais en refermant ce livre indispensable et innovant, j’ai une petite déception : en 2006, j’ai publié un article dans une revue universitaire en ligne intitulé “ Pourquoi le disque blanc des Beatles était-il blanc ? ”. (lorsque l’on tape sur Google « le disque blanc des Beatles », cet article est référencé en cinquième position). J’y évoquais le post-modernisme, le kitsch, le fragment, la déception du sens, les tensions. Cet article n’a pas pu échapper à Candilier qui ne le cite ni le mentionne.

 

Note de lecture (202)
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27 janvier 2022 4 27 /01 /janvier /2022 06:00
 
L'hégémonie de la langue de Shakespeare constitue une menace pour la diversité culturelle de la planète et... c'est un Anglais qui le dit.
 
On n'est parfois jamais si bien servi que par les autres... Donald Lillistone est un Anglais, par ailleurs francophone et francophile. Et parce qu'il parle au moins deux langues, il apprécie la diversité culturelle et ne résout pas à voir un seul idiome, fût-il le sien, devenir hégémonique. Dans un essai rédigé - en français - d'une plume alerte et claire, il alerte donc ses compatriotes de coeur sur les dangers du tout-anglais (1). Et en profite pour démonter avec brio quelques idées reçues. Démonstration.
 
 
-  "L'anglais est une langue simple" C'est tout à fait inexact. "Le seul son [k] s'écrit de neuf manières différentes", rappelle Lillistone. C'est l'anglais d'aéroport qui est simple, mais celui-ci n'a pas grand-chose à voir avec la véritable langue de Shakespeare.
 
-  "J'utilise des mots anglais parce qu'ils sont plus courts". En soi, le postulat de départ est exact - la traduction française d'Harry Potter comprend plus de pages que l'original - mais ce n'est pas la raison du succès des anglicismes. En réalité, ceux qui y recourent à foison le font pour une tout autre raison : ils cherchent à bénéficier de l'image de modernité des Etats-Unis, la puissance dominante de l'époque. Sous la Renaissance, dominée par Venise, Gênes et Florence, les mêmes auraient sans doute multiplié les italianismes.
 
-  "Une langue n'est qu'un outil de communication" Quelle naïveté ! Imposer sa langue, c'est en réalité imposer sa pensée et sa vision du monde. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis le savent très bien, qui ont déclaré ceci dans une conférence tenue en 1961 à Cambridge : "L'anglais doit devenir la langue dominante, remplaçant les autres langues et leurs visions du monde." Aussi Lillistone lance-t-il cet avertissement : "Quoi qu'en disent les partisans du tout-anglais, la prédominance actuelle de l'anglais en Europe ne sert finalement que les intérêts commerciaux, culturels et politiques des Etats-Unis". 
 
-  "Si tout le monde parlait anglais, il n'y aurait plus de guerre" La diversité linguistique est souvent perçue comme une menace pour la paix. Donald Lillistone rappelle utilement aux distraits quelques menues anicroches survenues dans des pays monolingues telles la guerre de Sécession aux Etats-Unis (1861-1865) ou la guerre civile en Angleterre (1640-1649). En réalité, la diversité linguistique est l'un des aspects de la richesse culturelle de l'Humanité, note Lillistone, qui interroge : "Voulez-vous vraiment visiter Rome, Berlin ou Madrid pour prendre un café dans un Starbucks, dîner dans un McDo avant d'aller au cinéma regarder un film hollywoodien tout en échangeant partout en globish ?". Vous, je ne sais pas, mais moi, non.
 
-  "La planète entière parle anglais" Cliché, là encore. Les trois quarts de l'humanité n'en utilisent pas un traître mot.
 
-  "Tout le monde veut parler anglais" Non plus. Dans le monde, beaucoup le voient comme la langue de la "modernité" et des "nouvelles technologies." Mais pour d'autres, l'anglais reste la langue de "l'impérialisme" et du "capitalisme sans foi ni loi". 
 
Les pièges du tout-anglais

 

-  "La domination de l'anglais va croissant". Au contraire, la dynamique est défavorable à la langue de Shakespeare. Le Brésil a ainsi rendu obligatoire en 2005 l'enseignement de l'espagnol tandis que la Chine développe l'enseignement du mandarin en ouvrant un peu partout des instituts Confucius. Quant au russe, à l'hindi, à l'arabe, à l'allemand et au français, ils gagnent sans cesse de nouveaux locuteurs. Le gouvernement britannique l'a d'ailleurs compris, qui a rendu obligatoire en 2012 l'enseignement d'une langue étrangère dans les écoles primaires. Même le ministère des Affaires étrangères britannique a rouvert l'école de langues étrangères qu'il avait fermée en 2007 ! 
 
-  "L'anglais est la langue des affaires". Nuançons : l'anglais est aujourd'hui la langue principale des affaires, ce qui est très différent. Selon les études, cette langue représente certes 30 % du PIB mondial, mais ce pourcentage va mécaniquement baisser avec la montée en puissance de la Chine et des pays émergents. Les jeunes Espagnols sont ainsi de plus en plus nombreux à apprendre l'allemand pour une raison simple : ce n'est pas avec l'anglais qu'ils vont trouver du travail en Allemagne !
 
La conclusion est évidente : puisque la domination de l'anglais va reculer, la priorité devrait être donnée au plurilinguisme. La solution d'avenir ne consiste donc pas à ce que chacun parle seulement deux langues - la sienne et l'anglais - mais trois. Corollaire : la France dispose là d'un atout formidable puisque le français est, rappelons-le, la seule langue avec l'anglais à être pratiquée sur les cinq continents. Encore faut-il que nos élites en prennent conscience.
 
 
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26 janvier 2022 3 26 /01 /janvier /2022 06:00

Personnage mythique comme il y en eut peu dans l’histoire du XXe siècle, Eva Peron (María Eva Duarte de Perón), femme du président argentin, débarque un jour de juin 1947 à Madrid, en visite officielle. La chaleur est torride mais elle porte un vison. Ses autres effets sont dans un avion réservé à sa seule garde-robe. Mais autant elle aima paraître, autant elle réussit à faire.

 

Actrice de cinéma née en 1919 dans une petite ville à proximité de Buenos Aires, , elle épouse en 1945 le colonel Juan Domingo Perón. Á la cérémonie, ne manquaient que les généraux Tapioca et Alcazar.

 

Cette fille illégitime d’un propriétaire terrien fut motivée sa vie durant par une névrose de la revanche, tantôt prostituée, tantôt jouant des rôles secondaires dans des feuilletons de seconde zone. Mais celle en qui le peuple argentin se reconnaissait ne fut jamais une potiche. En 1943, elle est l’une des fondatrices du syndicat des travailleurs de la radiodiffusion. En 1943, elle joue pour les victimes d’un tremblement de terre. Le peuple se reconnaît en elle. Après son mariage en 1944, elle est la première épouse d’un homme politique à faire de la politique en luttant pour le droit de vote pour les femmes. « La femme argentine », dit-elle, « a surmonté la période des tutelles civiles. La femme doit affermir son action, la femme doit voter. La femme, ressort moral de son foyer, doit tenir sa place dans le complexe engrenage social du peuple. C’est ce qu’exige une nécessité nouvelle de s’organiser en groupes plus étendus et plus conformes à notre temps. C’est en somme ce qu’exige la transformation du concept même de femme, à présent que le nombre de ses devoirs s’est accru de manière sacrificielle, sans que dans le même temps elle ait réclamé le moindre de ses droits. »

 

 

Puis elle crée des colonies de vacances, elle favorise la pratique du sport dans les quartiers populaires. En 1949, elle fonde le Parti péroniste féminin qui comptera jusqu’à 500 000 membres en 1952 dans un pays de 16 millions d’habitants. Elle devient la voix des sans chemises (descamisados) pour qui elle fait construire des dispensaires, des maisons de retraite des foyers pour jeunes filles et pour orphelins, et pour qui elle assemble un train-hôpital de neuf wagons qui sillonne tout le pays. Elle distribue même des dentiers et des machines à coudre.

 

 

Après l’élection de son mari à la présidence de la République, elle fait distribuer trois millions de portraits du couple (dont l’officiel ci-dessous), sept millions de cartes postales, quatorze millions de brochures.

 

 

Femmes au pouvoir (14)

Un fort mouvement populaire souhaite qu’elle candidate à la vice-présidence. Le peuple voulait à tout prix qu’elle candidate à cette fonction, comme en témoigne un extraordinaire échange entre elle et une foule de sympathisants (source Wikipédia) : »

 

José Espejo (CGT) : 

 

Madame, le peuple vous prie d’accepter votre poste.

 

Evita : Je demande à la Confédération générale du Travail et à vous, au nom de l’affection que nous professons les uns pour les autres, de m’accorder, pour une décision d’une telle portée dans la vie de l’humble femme que voici, au moins quatre jours.

 

Peuple : Non, non, mettons-nous en grève ! Déclenchons la grève générale !

 

Evita : Camarades, camarades… je ne renonce pas à mon poste de combat. Je renonce aux honneurs. (Pleure). Je ferai, finalement, ce que décide le peuple. (Applaudissements et vivats). Croyez-vous que si le poste de vice-présidente avait été une vraie charge et que si j’avais, moi, été une solution, je n’aurais pas d’ores et déjà répondu oui ?

 

Peuple : Une réponse ! Une réponse !

 

Evita : Camarades, au nom de l’affection qui nous unit, je vous demande s.v.p. que vous ne me fassiez pas faire ce que je ne veux pas faire. Je vous le demande, à vous, comme amie, comme camarade. Je vous demande de vous disperser. (La foule ne se retire pas). Camarades, quand Evita vous a-t-elle trompés ? Quand Evita n’a-t-elle pas fait ce que vous désirez ? Je vous demande une seule chose, attendez jusqu’à demain.

 

Espejo (CGT) : La camarade Evita nous demande deux heures d’attente. Nous allons rester ici. Nous ne bougerons pas avant qu’elle ne nous ait donné la réponse favorable.

 

Evita : Ceci me prend au dépourvu. Jamais dans mon cœur d’humble femme argentine je n’ai pensé que je pouvais accepter ce poste… Donnez-moi le temps pour annoncer ma décision au pays à la radio.»

 

Mais elle renonce car elle sait sa santé déclinante.

 

 

Elle décéde le 26 juillet 1952, après d’atroces souffrances, des suites d’un cancer fulgurant du col de l’utérus (la première épouse de Juan Perón était morte de la même maladie). Pour qu’elle guérisse, des dizaines de messe furent dites dans toutes le pays et un cortège de plus de 1 000 camions roula pour elle. Elle avait 33 ans. Il lui est alors rendu un hommage sans précédent dans le pays. Son corps est embaumé et déposé au siège de la centrale syndicale CGT. Deux millions de personnes suivent son cercueil. À l’avènement de la dictature civico-militaire dite Révolution libératrice de 1955, son cadavre est enlevé, séquestré et profané, puis dissimulé durant seize ans.

 

Après sa mort, parait son livre Mi Mensaje (Mon message) dans lequel on peut lire :

 

« Je me rebelle indignée, avec tout le venin de ma haine, ou avec tout le feu de mon amour – je ne sais encore – contre le privilège que constituent encore les hautes sphères des forces armées et du clergé. Perón et notre peuple ont été frappés par le malheur de l’impérialisme capitaliste. Je l’ai vu de près à travers ses misères et ses crimes. Il se dit défenseur de la justice, tout en étendant les griffes de sa rapacité sur les biens de tous les peuples soumis à sa toute-puissance… Mais plus abominables encore que les impérialistes sont les oligarchies nationales qui se soumettent à eux en vendant ou parfois en offrant, pour quelques pièces de monnaie ou pour des sourires, le bonheur de leurs peuples. »

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24 janvier 2022 1 24 /01 /janvier /2022 06:01

Laura, lycéenne française, raconte son vécu sur le site canadien du World Socialist Website :

 

« Le plus pesant est le manque de perspective d’amélioration de la situation alors que le gouvernement propose de laisser circuler le virus et de compter uniquement sur le vaccin pour essayer d’empêcher une hécatombe.

 

« On ne voit pas la fin du Covid. On se sent un peu impuissant face à cette situation, on est juste dans la pandémie et on essaie de s’habituer à ça parce qu’on n’a pas trop le choix. On est assez stressés par rapport à notre avenir, par rapport aux études supérieures, comment ça va se dérouler, si le gouvernement va s’adapter au fait qu’on est passé par une situation compliquée comme ça. On va être dans une situation délicate parce qu’on a des lacunes scolaires à cause du Covid. »

 

Elle ajoute : « C’est assez compliqué de revenir en cours et de rattraper tous les jours passés à la maison, parce qu’il n’y a pas de cours à distance. On a six cas contacts dans notre classe. Ils n’ont pas eu le Covid en même temps, alors ils ne reviennent pas en cours en même temps. Du coup le rattrapage, c’est difficile de le mettre en place. »

 

Laura a remarqué l’absence de toute intervention dans les lycées par les syndicats ou les partis politiques établis. Alors que le gouvernement et les directions des écoles font tout pour minimiser les reportages des cas, et ainsi justifier leur abandon des restrictions sanitaires pour laisser circuler le virus. Les jeunes se trouvent dans un flou absolu à propos d’informations essentielles sur ce virus. »

 

Revue de Presse 390

 

Ariane Chemin, dans Le Monde, rappelle l’action de Robert Badinter en faveur de la cause homosexuelle en 1982 : « Infliger des peines aux homosexuels, c’était révoltant. », avait dit le ministre.

 

« Cinq, quatre, trois, deux, un… » Dimanche 10 mai 1981, 20 heures. Le « gay tea dance » du Palace est lancé depuis plusieurs heures quand le visage du nouveau président, le socialiste François Mitterrand, apparaît sur un grand écran. Le patron de la célèbre boîte de nuit parisienne annonce lui-même la nouvelle au millier d’habitués qui se pressent dans la salle. Hurlements de joie. Des roses volent du balcon. On improvise La Vie en rose dans la version de Grace Jones. La fête durera jusqu’au matin.

 

Le prince des nuits homos parisiennes a-t-il senti le vent tourner ? Il affiche depuis quelques semaines un élan pour la gauche qu’on ne lui connaissait pas jusque-là et que ne partagent pas ses clients ou amis les plus en vue, comme le couturier Yves Saint Laurent ou l’homme d’affaires Pierre Bergé. Au Palace, la plupart des « rich and beautiful people » s’inquiètent des promesses de nationalisation ou de l’arrivée de ministres communistes. Ils redoutent surtout de futures hausses d’impôts. Le photographe Helmut Newton s’exilera le premier à Monaco, bientôt suivi par Karl Lagerfeld. »

 

 

Anti-K observe que la commission d’enquête du Sénat a été baladée par le milliardaire Bolloré : « L’essentiel étant que la commission n’aura presque rien dit sur l’empire de Françafrique de Bolloré qui est mais bel et bien l’un des milliardaires français dont la richesse s’est basée sur l’exploitation agricole et des infrastructures dans toute l’Afrique de l’Ouest depuis les années 90. Héritier de la Françafrique et des réseaux de Foccart et Pasqua, Bolloré en aura profité jusqu’au scandale de corruption révélé en 2018 autour des faveurs des dictatures locales à travers l’acquisition des ports de Lomé et Conaky en échange de son soutien aux dirigeants Alpha Condé et Faure Gnassingbé.

 

Bolloré s’inscrit totalement dans les sales affaires de la Françafrique et de tout une partie des grandes richesses françaises dont l’ensemble s’est construit sur la base du colonialisme. Comme le rappelait récemment un rapport de Survie.org, une partie importante du grand patronat français est héritière de la rente coloniale historique de la France en Afrique. C’est aussi dans le contexte de montée d’un sentiment anti-domination française et d’une remise en question de la domination par les grandes entreprises françaises dans la région qu’une partie de ce même patronat se radicalise en faisant la promotion d’une idéologie réactionnaire visant à s’attaquer à toute remise en question de l’impérialisme, du racisme ou de la domination française.

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